Mot de passe oublié

Les trois animateurs de 3 600 secondes d'histoire: Rémi Bouguet, Alex Tremblay et Anthony Savard-Goguen (photo Marc Robitaille)

Depuis mai 2012, j’ai le plaisir d’animer 3 600 secondes d’histoire, une émission de vulgarisation historique avec deux amis chaque semaine sur les ondes de la radio étudiante de l’Université Laval (CHYZ, 94,3). En plus de me donner l’occasion de mettre en lumière certains faits moins connus de notre histoire (pour ne citer qu’un exemple, pensons notamment au canon composé par Beethoven pour un professeur de musique de Québec en 1825), cette émission m’offre l’opportunité de rencontrer plusieurs historiens bien connus. La saison estivale m’a offert le plaisir de m’entretenir des différents congrès sur la langue françaises tenus à Québec au cours du XXe siècle avec Jean-Marie Lebel et d’en apprendre plus sur Marthe Caillaud-Simard, une femme de Québec devenue la première parlementaire française en 194, en compagnie de Frédéric Smith. La saison automnale m’a même permis de rencontrer l’ancien ministre de la culture Denis Vaugeois pour discuter de l’histoire des juifs et de celle du Boréal Express. Ce qui ne devait être qu’un simple projet estival s’est donc transformé en un rendez-vous hebdomadaire stimulant.  
 
Chaque émission demande une préparation minutieuse et des recherches approfondies. Rien n’est laissé au hasard. La thématique doit piquer la curiosité des auditeurs, voire même s’arrimer avec l’actualité lorsque c’est possible. Les éphémérides se doivent quant à elles d’être variées et intéressantes. Elles permettent de faire connaitre un personnage ou un événement méconnu et d’essayer de donner envie à nos auditeurs d’en savoir plus sur le sujet. Ce sont toutefois les chroniques qui constituent le cœur de l’émission et l’essentiel du travail. Chaque sujet doit être traité avec une certaine légèreté tout en offrant un panorama juste et exact du thème retenu. Pour ce faire, les anecdotes et les citations savoureuses sont les bienvenues. Après tout, il convient d’abord et avant tout d’offrir à l’auditeur un moment agréable. Les choix musicaux sont quant à eux savamment étudiés afin de s’arrimer à la thématique. Si le sujet de l’émission est la Nouvelle-France, on tentera de trouver des pièces évoquant cette période historique, voire mieux, des pièces composées à cette époque. Cela donne ainsi l’occasion de faire découvrir la musique que pouvaient entendre les personnages dont il est question dans l’émission.
 
La semaine passée, nous avons eu le plaisir de voir notre projet mis de l’avant par l’Université Laval après plus de sept mois de travail assidu sur cette émission. Le Fil, journal officiel de l’Université Laval, nous a sollicité pour réaliser une entrevue qui a été publiée dans ses pages le 29 novembre dernier. Celle-ci est d’ailleurs disponible en ligne.

Si l'article a piqué votre curiosité et que vous désirez savoir à quoi ressemble une émission de 3 600 secondes d'histoire, je vous invite à nous écouter en direct tous les mercredis soirs entre 20h30 et 21h30 sur les ondes de CHYZ 94,3 ou sur le site Internet de CHYZ. Vous pouvez également rééécouter tous les épisodes diffusés depuis le début de l'été sur le blogue de l'émission ou devenir ami(e) de la page Facebook de 3 600 secondes d'histoire et, ainsi, être tenu(e) au courant des dernières nouvelles sur l'émission.

 
Posté : 2012-12-05 23:56:22 par Alex Tremblay | avec 0 comments

 


 
Se faire détective de l'histoire. C’est ce que l’équipe des Grands mystères de l’histoire canadienne propose aux Internautes en leur fournissant contexte et documents d’archives pour mener leur propre enquête sur différentes affaires judiciaires demeurant, encore aujourd’hui, mystérieuses. Qui a tué Ada Redpath et son fils, deux des plus riches bourgeois du Canada, dans leur demeure en 1901? Pourquoi l’enquête a-t-elle été bâclée? Pourquoi les corps furent-ils inhumés moins de 48 heures après leur décès? Pourquoi a-t-on mis la police de côté alors que les preuves se contredisent et qu’il aurait resté bien des éléments à éclaircir ? Voilà l’un des douze mystères offerts aux Internautes amateurs d’énigmes et de mystères irrésolus.

La formule est particulièrement intéressante. En effet, à l’image de ces « histoires dont vous êtes le héros », on vous offre la possibilité de naviguer dans chacune des douze affaires pour accumuler vous-même les preuves nécessaires pour tirer vos propres conclusions. Après avoir pris connaissance de l’état des lieux en jetant un œil sur les documents évoquant le contexte et les brèves biographies des personnes impliquées dans l’affaire qui vous intéresse, vous aurez l’occasion d’éplucher les archives pour trouver tantôt les rapports du coroner, tantôt une lettre incriminante. Que vous ayez l’âme d’un Sherlock Holmes ou pas, vous vous laisserez rapidement prendre au jeu par les différentes affaires qu’on trouve sur ce site. Parmi les autres mystères particulièrement intéressants, mentionnons celui des circonstances troubles de la mort du célèbre peintre Thom Thomson ainsi que l’identité de Jérôme, cet inconnu muet amputé de ses deux jambes retrouvé sur une plage en Nouvelle-Écosse qui n’a jamais dit une phrase du reste de sa vie. Un site Internet qui mérite assurément le détour!
 
Les Grands mystères de l’histoire canadienne : http://www.canadianmysteries.ca/fr/index.php
 
Posté : 2012-04-14 23:55:53 par Alex Tremblay | avec 0 comments

En tant qu’étudiant en histoire, je juge important de me tenir au fait des débats qui touchent de près ma discipline, voire d’y prendre part lorsque cela apparaît pertinent. De concert avec sept autres étudiants dans le domaine de l’histoire, nous avons donc fait parvenir une lettre d’opinion au journal Le Devoir à la suite de la sortie dans les médias de différents historiens sur la place que devrait avoir l’histoire du Québec dans nos universités et les orientations que devrait prendre la recherche. C’est avec grand plaisir que nous avons vu notre lettre être publiée sur le site Internet du Devoir le 22 octobre dernier. Malheureusement, certains passages ont été rognés. Je vous offre donc la copie intégrale ci-dessous et vous invite par le fait même à vous intéresser à ce débat.


***
 

Cessons nos luttes fratricides


Depuis les dernières semaines, plusieurs historiens ont commenté la sortie du rapport intitulé Enseignement et recherche universitaires au Québec: l'histoire nationale négligée. Certains – pensons notamment à Donald Fyson et à Denyse Baillargeon – ont soutenu que l’histoire sociale et culturelle contribue « à élargir le champ de l'histoire politique et nationale en les ouvrant à d'autres préoccupations » alors que d’autres – Éric Bédard et Frédéric Bastien – se sont levés pour affirmer que l’histoire nationale devrait avoir « une vraie place » dans nos universités. À ces points de vue, nous voulons ajouter, le nôtre, celui d’étudiants en histoire.


En tant que futurs professeurs, chercheurs et intervenants dans le domaine, nous croyons qu’il s’agit là d’un débat stérile puisque nous jugeons qu’il n’y a pas de scission entre l’histoire nationale et l’histoire culturelle et sociale. Tout comme Denyse Baillargeon, nous croyons que les travaux de bon nombre d’entre nous peuvent enrichir l’histoire nationale, et ce, même s’ils s’inscrivent dans une perspective sociale et culturelle. Les recherches menées par l’un d’entre nous sur les relations entre les anglophones et les francophones au sein de la famille d’un ancien premier ministre – à savoir, le libéral Félix-Gabriel Marchand – alimenteront tout naturellement l’histoire politique. De même, nous espérons que celles portant sur l’œuvre du cinéaste nationaliste Pierre Perrault contribuent à l’avancement de l’histoire nationale. Et que dire d’un mémoire de maîtrise qui porte sur la professionnalisation du marketing électoral au sein de l’Union nationale? Bien que ces projets de recherche s’inscrivent tous dans une approche sociale et culturelle, ils apparaissent nécessaires pour faire évoluer l’histoire nationale. Si nous voulons être capables d’écrire de nouvelles biographies de Louis-Joseph Papineau, Honoré Mercier et Henri Bourassa – ce sur quoi travaille d’ailleurs l’historien Réal Bélanger présentement – comme le souhaite Éric Bédard, il est nécessaire d’effectuer des recherches parallèles qui permettront d’apporter un éclairage nouveau sur la vie de ces personnages et sur le contexte dans lequel ils ont évolué.

Il est certes déplorable que des demandes de subvention de chercheurs en histoire nationale aient été rejetées, mais est-ce une raison pour remettre en question la pertinence d’études plus pointues en histoire sociale et culturelle comme le fait Frédéric Bastien? Certes, les travaux auxquels il fait référence – ceux portant sur la construction de la masculinité dans les collèges classiques au Québec entre 1800 et 1960 – ne constitueront sans doute pas le prochain succès de librairie lorsqu’ils seront publiés et c’est là un sujet qui intéressera davantage les chercheurs universitaires que le grand public, mais il demeure nécessaire que nous puissions financer des recherches couvrant un large éventail de sujets, même ceux qui pourraient sembler « trop » pointus a priori. C’est grâce à de tels travaux que nous pourrons enrichir une histoire plus générale. S'il fallait financer uniquement la recherche qui attirera un large lectorat, des cotes d'écoute faramineuses ou tout autre audimat, autant bien fermer nos universités et laisser les grandes entreprises s’en charger.

Quant aux doutes qu’émet l’historien Frédéric Bastien sur l’intérêt que suscite l’histoire sociale et culturelle au sein du grand public (« Le problème est justement que le peuple ne veut pas de cette histoire »), ils nous apparaissent sans fondement. Lorsqu’on sort des cercles universitaires pour aller vers les sociétés d’histoire, que constate-t-on? Les conférences qui attirent le plus d’auditeurs sont celles qui traitent de la vie musicale, des traditions culinaires d’autrefois et de la façon dont on fêtait Noël au début du XXe siècle. Le grand public est friand d’histoire sociale et culturelle. Le succès de la revue Cap-aux-Diamants en témoigne brillamment. Selon Fernand Harvey, «au moins 45% des thématiques [de ce magazine] peuvent être regroupées sous la mouvance de l’histoire culturelle et de l’ethnologie ». L’équipe de Cap-aux-Diamants n’aurait jamais réussi à publier 107 numéros s’il n’y avait pas une vive demande pour des articles de cette nature.
 
Non seulement l’histoire sociale et culturelle répond à un intérêt soutenu du grand public, elle contribue à enrichir l’histoire nationale et à la renouveler. Le nier, c’est s’enfermer dans une vision étriquée de l’histoire. En tant qu’étudiants en histoire, nous croyons qu’il faut mettre fin aux querelles entre l’histoire nationale et l’histoire sociale et culturelle. « Que notre cri de ralliement soit à l’avenir ces mots qui seront notre force : Cessons nos luttes fratricides ; unissons-nous » comme le disait si justement Honoré Mercier.

Rémi Bouguet, Camille Gislard, Gina Pilote, Alex Tremblay, Rémi Turner, étudiants à la maîtrise en histoire, Université Laval
Marie-Ève Lajoie, Anthony Savard-Goguen, étudiants au baccalauréat en sciences historiques et études patrimoniales, Université Laval
Samuel Venière, étudiant au Diplôme d'études supérieures spécialisées en enseignement collégial, Université Laval
 

Lettre publiée sur le site Internet du Devoir

 

Posté : 2011-11-03 11:37:43 par Jean-Philippe Proulx | avec 0 comments

En cette journée internationale des enseignants, j’ai sourcillé en voyant la page couverture d’un quotidien bien connu de la capitale. Les cégeps, selon François Legault, sont « une belle place pour apprendre à fumer de la drogue et à décrocher ». Bien que dit sur le ton de la boutade, cette remarque démontre une profonde méconnaissance du milieu collégial. J’ai fréquenté le Collège François-Xavier-Garneau à Québec entre 2006 et 2008 et, n’en déplaise à monsieur Legault, je n’y ai fumé aucune drogue et je n’ai jamais eu envie de décrocher. Au contraire, j’y ai trouvé un environnement d’apprentissage stimulant qui m’a permis d’enrichir mes connaissances sur le monde qui m’entoure tout en vivant plusieurs expériences enrichissantes (tournois de génie en herbe, simulations parlementaires, voyages étudiants et j’en passe). Bien loin de me donner envie de décrocher, le cégep m’a encore plus convaincu dans mon désir de poursuivre des études universitaires. Même si j’adore l’université, je suis persuadé que ce n’est pas ce milieu qui, avec sa masse d’étudiants considérablement plus élevée que celle des cégeps, aurait pu m’offrir une transition aussi réussie entre l’adolescence et le monde adulte.

Qui plus est, j’ai acquis de solides bases méthodologiques au cégep qui m’ont pleinement préparé à mes études universitaires. En 2009, j’ai eu la chance de me rendre en Europe pour étudier dans une université française dans le cadre de mon baccalauréat. J’ai été littéralement estomaqué devant la piètre qualité des travaux des étudiants en première et en deuxième année. Ne bénéficiant pas d’une formation préuniversitaire, beaucoup basaient leurs recherches sur tout au plus deux ou trois sources pour la plupart douteuses alors que j’étayais mes travaux d’une bibliographie formée de plusieurs études sérieuses et de nombreux articles scientifiques. Je fus à même de constater que je disposais d’un avantage considérable: ma formation préuniversitaire. Grâce à celle-ci, j’ai appris les rudiments de la méthode scientifique en sciences humaines et j’ai appris à remettre en question ce que je lis en le contre-vérifiant systématiquement. En voulant éventuellement abolir la formation préuniversitaire, monsieur Legault privera les jeunes Québécois d’un des éléments qui contribue à leur réussite dans le milieu universitaire et qui les distingue des jeunes du reste du monde.

Posté : 2011-10-05 21:00:11 par Alex Tremblay | avec 0 comments

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Le monument aux valeureux au coin des rues Wellington et Elgin honore la mémoire de personnalités ayant pris part à la défense du Canada au pays ou à l'étranger.


Alors que l’été tire à sa fin et que le retour en classe approche à grands pas, je profite d’une de mes deux semaines de vacances pour venir fouiller dans la Collection Dandurand-Marchand aux archives nationales. Dès que j’ai ouvert les boîtes, j’ai constaté la richesse du fonds. Les nombreuses lettres qu’il contient sont de précieuses indications sur les gens que fréquentait la famille Marchand-Dandurand et sur la nature de leurs relations avec leurs correspondants. Les quelques programmes et menus de banquets que j’y ai trouvés offrent quant à eux la liste des membres de certaines associations dont faisaient partie Joséphine Marchand, son père et son mari. Bref, les sources qui me permettront de reconstituer le réseau de sociabilité de cette famille foisonnent et certaines me permettent déjà de voir quelle place la communauté anglophone y occupe. C’est donc depuis la chambre que j’occupe à deux pas de la colline parlementaire que je rédige ce billet pour vous faire part de mes impressions sur ce premier voyage de recherche qui, je l’espère, sera suivi de bien d’autres tout au long de ma carrière.

 

Les journées sont, somme toute, assez chargées puisque je ne bénéficie que d’une semaine pour dépouiller 1,62 mètre d’archives (pour ceux qui ne seraient pas familier avec la manière dont on mesure l’étendue d’un fonds d’archives, cela veut dire que si on empile tous les documents que contient le fonds un par-dessus l’autre, on en arrive à 1,62 mètre de lettres, de coupures de journaux et de cahiers divers, ce qui est, vous en conviendrez, quand même considérable). Heureusement, les archives sont ouvertes sur semaine de 8h à… 23h! Je peux donc y passer mes journées. Malheureusement, mon appareil photo ne suit pas le rythme et je dois en recharger la batterie régulièrement. Je ne peux donc pas consacrer tout le temps que je voudrais à photographier les documents les plus intéressants pour pouvoir les consulter lorsque je serai de retour à Québec. En contrepartie, cela me donne l’occasion de visiter la ville pendant que la pile de mon appareil photo recharge.

 

Bien que la ville soit, à mon avis, en partie défigurée par d’immenses gratte-ciels de béton et de verre présentant peu de valeur architecturale, on y trouve quelques bâtiments particulièrement intéressants et plusieurs petits parcs offrant de beaux points de vue sur la ville et la rivière Outaouais. Cependant, je trouve dommage que la plupart des lieux de mémoire commémorent presque exclusivement l’histoire militaire et politique canadienne. La ville donne une place de choix aux figures militaires au centre-ville et à plusieurs hommes politiques sur la colline parlementaire, mais on y cherche en vain un monument ou une statue en l’honneur d’un artiste, d’un scientifique, d’un penseur, d’un auteur, voire d’un membre de la communauté d’affaires qui ne soit pas un politicien. Mis à part le très intéressant monument honorant la mémoire des cinq femmes ayant pris part à l’affaire « personnes » et celui rappelant le souvenir de l’athlète Terry Fox, je n’ai vu aucune statue présentant un acteur de l’histoire culturelle d’Ottawa ou du Canada. Est-ce qu’on en est toujours à suivre les préceptes de l’histoire-bataille si chère aux historiens du XIXe siècle dans le domaine de la commémoration à Ottawa? À quand une statue, un parc ou une place honorant un musicien, un intellectuel ou un architecte ?

Posté : 2011-08-24 21:53:40 par Alex Tremblay | avec 0 comments

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La famille Marchand en 1887 (Source: BAnQ, P174,S5,P3)

 
Le mois de mai se termine déjà alors qu’il y a encore quelques semaines je m’affairais à conclure les derniers travaux longs nécessaires pour obtenir mon baccalauréat et passer à la maîtrise. Enfin, tout est fini et les portes de la faculté des études supérieures s’ouvrent à moi pour mon plus grand bonheur! Cette frustration de devoir se contenter d’effleurer certains sujets sans pouvoir les approfondir davantage au baccalauréat s’envole pour laisser la place à la possibilité de se pencher pendant deux ans sur un sujet au diapason des mes intérêts, les relations interethniques dans les réseaux de sociabilité de l’élite au tournant du XXe siècle.

 

Si plusieurs publications traitant de la sociabilité des élites ont vu le jour au cours des vingt dernières années en France et que plusieurs études ont été consacrées aux grandes familles de Montréal au cours de la même période, peu d’historiens se sont intéressés à ce sujet pour le reste du Québec dans la seconde moitié du XIXe siècle. De plus, les études consacrées aux élites de Montréal et de Québec se sont généralement cantonnées à l’élite anglophone, d’une part, et l’élite francophone, d’autre part. Pourtant, ces deux bourgeoisies entretiennent des relations étroites dans leurs activités sociales et c’est justement ce pont culturel, ce lien entre ces deux communautés qui m’intéresse. Dans quelles occasions ces deux bourgeoisies se côtoient-elles ? Quel intérêt trouvent-elles à marier leurs enfants ensemble? Quelle est la fréquence de ce phénomène? Comment est-il perçu? Quelle image l’élite anglophone se fait-elle de l’élite francophone? Comment les « Canadiens » perçoivent-ils les « Anglais »?

 

Puisque la réponse à ces questions nécessiterait beaucoup plus de recherches et de travail que me le permet la maîtrise, j’ai décidé de me lancer dans une étude de cas en me penchant plus spécifiquement sur la famille de l’ancien notaire, homme de lettres et premier ministre Félix-Gabriel Marchand (1832-1900). En plus de permettre d’étudier ce phénomène sur deux générations puisque plusieurs des six enfants de Félix-Gabriel Marchand sont, tout comme leur père, proches des milieux anglophones, cette famille présente l’intérêt d’avoir évolué dans différents milieux (Montréal, Québec et Saint-Jean-sur-Richelieu). Il sera donc possible de voir si le nombre de relations avec la communauté anglophone et la nature de ces échanges diffèrent d’un endroit à l’autre tout en analysant comment ces réseaux évoluent sur une période de quelque 75 ans, soit du début de la vie active de Félix-Gabriel en 1855 aux années 1920, époque du décès de deux de ses filles.

 

C’est donc non sans un certain enthousiasme que je me plonge dès cet été dans la correspondance de la famille Marchand et le journal de Joséphine Marchand pour découvrir le réseau de sociabilité de cette famille. Je vous tiens au courant!

Posté : 2011-05-23 21:20:50 par Alex Tremblay | avec 0 comments
On connaît surtout Ignace Bourget pour le rôle qu’il a joué dans la consolidation d’une Église ultramontaine au Québec. Or, là n’est pas sa seule contribution à l’Histoire du Québec, bien au contraire. En faisant de la religion la principale caractéristique du peuple canadien-français, Mgr Bourget a aussi contribué à créer une identité nationale au lendemain de l’Acte d’Union (1840) et c’est cet aspect méconnu de son œuvre que Roberto Perin s’emploie à dévoiler dans Ignace de Montréal, Artisan d'une identité nationale (Boréal, 2008).
 
Ainsi, on y apprend comment l’évêque a conféré à Montréal un véritable visage canadien-français par l'intermédiaire des institutions et associations établies grâce à son initiative personnelle ou à celle de certains adeptes de ses idées. Bien loin de rester seulement dans la sphère idéologique – et c’est là l’un des intérêts de cet ouvrage – Perin démontre concrètement comment cette volonté s’est affirmée et comment elle marque, encore aujourd’hui, le visage de la ville de Montréal. En construisant couvents, écoles, églises et autres bâtiments à vocation religieuse, Mgr Bourget offre une réponse à la présence de plus en plus marquée de la communauté anglophone, dont les immeubles et l'organisation spatiale traduisent les spécificités. D’autant plus que ces bâtiments sont regroupés en véritables « grappe[s] d'édifices religieux » (p. 65) et sont majoritairement l'œuvre d'un même architecte local, Victor Bourgeau, ce qui ajoute à l'unité et au caractère distinctif de ces ensembles et affirme concrètement et visuellement la présence francophone dans la ville.

De même, dans la deuxième partie de son ouvrage, Perin montre bien que, derrière les différents conflits ayant monopolisé une grande partie des énergies de l’évêque, se cache aussi une volonté nationaliste. Derrière sa lutte contre les Sulpiciens pour diviser la paroisse Notre-Dame-de-Montréal en plusieurs paroisses, il faut voir un désir de rapprocher les fidèles des lieux de culte et d’accentuer le sentiment communautaire qui s'y rattache. De même, son combat pour obtenir une université catholique francophone à Montréal a pour but d’éloigner la jeunesse estudiantine de l’Université McGill qui représente, selon Bourget, un grave danger d’assimilation.

Si cette monographie présente l’intérêt de bien mettre de l’avant cette dimension peu connue du deuxième évêque de Montréal, son auteur aurait cependant gagné à être plus nuancé dans son propos. En effet, les passages permettant de poser un regard plus critique sur le personnage sont plutôt rares et Perin se laisse parfois entraîner dans cet « effort de redressement » (p. 9) que l’ouvrage prétend constituer. Néanmoins, Perin a indéniablement le mérite de donner à l’œuvre de Bourget une nouvelle perspective et, en ce sens, son livre constitue un incontournable pour toute personne s’intéressant au personnage ou au développement du nationalisme québécois.
***

PERIN, Roberto. Ignace de Montréal, Artisan d'une identité nationale. Montréal, Boréal, 2008, 303 p.
 

 
Posté : 2011-03-09 12:03:51 par Alex Tremblay | avec 0 comments
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Charles Breton-Demeule devant la maison Neilson

S’engager dans sa communauté pour en mettre en valeur le patrimoine. C’est ce que fait Charles Breton-Demeule, étudiant en cinquième secondaire à l’école Mont-Saint-Sacrement à Saint-Gabriel-de-Valcartier, au nord de Québec. Du haut de ses 16 ans, il a déjà fait plus que bien des gens pour faire connaître l’histoire de sa communauté. Je délaisse donc exceptionnellement mon quotidien d’étudiant en histoire pour vous faire découvrir ce coup de cœur qui, dès le secondaire, s’engage sur la place publique pour mettre le patrimoine local en valeur.
 
D’aussi loin qu’il se souvienne Charles Breton-Demeule a toujours été passionné par l’histoire et la culture matérielle. Dès sa deuxième année au secondaire, il fonde un club d’archéologie pour mettre en valeur les artefacts trouvés dans les ruines des anciennes résidences des agriculteurs irlandais et canadiens qui habitaient les terrains avoisinant son école. Désireux de faire connaître le fruit de ses recherches à sa communauté, il organise alors une exposition, ce qui l’amène à mesurer pleinement l’importance de la richesse culturelle de son village où se sont mêlés Irlandais, Canadiens et Écossais pour créer une seule et même collectivité.
 
Il y a quelques temps, il découvre, au cours d’une exposition de photographies anciennes, l’existence d’une magnifique maison construite en bordure de la rivière Jacques Cartier pour le journaliste et l’homme politique John Neilson vers le milieu du XIXe siècle. Comprenant la valeur inestimable de ce bâtiment étonnement bien conservé malgré ses quelques 45 années d’abandon, Charles Breton-Demeule s’engage alors dans la mise en valeur de ce bâtiment. Après avoir rencontré le propriétaire, il mobilise sa communauté et décide d’inscrire la maison à un concours lancé par la chaîne Historia au terme duquel le bâtiment ayant reçu le plus d’appuis du public recevra une bourse de 20 000$ pour qu’il puisse être mis en valeur. Fort de l’appui du propriétaire des lieux qui est d’accord pour rendre la maison accessible au public, Charles Breton-Demeule souhaite faire de cette maison un lieu de diffusion du patrimoine, mieux, un musée d'histoire régionale qui expliquera l'apport des Écossais et des Irlandais à notre culture.
 
Le projet est particulièrement intéressant. En plus de créer un pôle culturel mettant en valeur le patrimoine dans la couronne nord de Québec, ce projet a le mérite de mettre de l’avant l’apport de John Neilson et des autres immigrants britanniques arrivés au Québec à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe dans la formation d’une culture proprement québécoise. Je vous invite donc à encourager Charles Breton-Demeule et à voter pour la maison Neilson une fois par jour jusqu’au 10 décembre sur le site de la chaîne Historia.
Posté : 2010-11-21 19:45:16 par Alex Tremblay | avec 0 comments

Après deux ans d’études au baccalauréat en histoire et de recherches diverses – tantôt pour la rédaction d’articles, tantôt pour des contrats d’auxiliaire de recherche –, deux années à être complètement immergé dans l’histoire et à entamer une spécialisation par le choix de cours s’inscrivant dans mes champs d’intérêts, j’en arrive à un point où je dois synthétiser l’ensemble de mes connaissances et de mes compétences pour faire le point. Cette occasion s’est offerte à moi cet automne par le biais d’un cours sur l’enseignement au collégial. Univers a priori facile d’accès, mais se révélant beaucoup plus exigeant qu’on ne le croit à prime abord.

 

Il n’importe pas seulement d’être doté d’une érudition certaine sur un sujet donné pour pouvoir transmettre ses connaissances à des collégiens – ou à tout autre public. Encore faut-il être capable de transmettre son savoir. C’est là tout le défi de l’enseignant. Comment rendre sa matière intéressante, accessible, et l’enseigner de manière à ce que l’étudiant en retire quelque chose? L’historien doit alors se faire pédagogue : trouver une structure de cours qui convienne tant aux auditifs qu’aux visuels, des activités pédagogiques intéressantes qui permettent à l’étudiant d’aller plus loin ou une anecdote surprenante pour susciter l’intérêt.

 

Afin de nourrir nos réflexions sur le sujet, notre enseignante nous a invités à retourner au collège le temps d’un après-midi pour assister à un cours… de l’autre côté du miroir! En plus de retrouver le dynamisme et la passion d’un professeur que j’avais particulièrement apprécié, j’ai pu jeter un œil sur les relations entre l’enseignant et son groupe, apprivoiser certaines techniques pédagogiques et me familiariser avec la dynamique d’un groupe collégial. Rien ne semble avoir changé depuis mon passage : les élèves participent toujours avec autant d’intérêt et la synergie entre le professeur et son groupe est toujours aussi entraînante.

 

Préparer un cours, c’est aussi faire des choix parfois déchirants. Le maigre 45 heures dont nous disposons nous impose de s’en tenir au strict minimum et à limiter les anecdotes qui pourraient enrichir notre cours tout en ne négligeant pas de faire quelques petits détours – faire entendre le canon composé par Beethoven pour les gens de Québec aux élèves ou leur partager un extrait des lamentations d’Oreste composées par nulle autre que… Euripide! – pour raccrocher l’étudiant à notre propos. Comment condenser l’histoire du XIXe siècle en une seule période de trois heures alors que certaines universités offrent des cours de six crédits sur le même sujet? Que retenir? Que laisser de côté? Sur quoi insister? Voilà bien des dilemmes qui se posent à l’apprenti enseignant!

 

Heureusement, nous avons l’ensemble de la session – et même plus encore puisque ce n’est pas parce qu’on est bachelier qu’on n’apprend plus – pour réfléchir à ces questions et nous pencher sur le sujet.

 

Posté : 2010-09-25 23:16:30 par Alex Tremblay | avec 0 comments
Après un hiver fort occupé par les cours et tous les engagements connexes qui en résultent, bon nombre d’étudiants accueillent l’été, synonyme de repos et de voyage, à bras ouverts. Or, l’université a cette particularité d’offrir quelques contrats estivaux intéressants lorsque la bise se retire pour laisser place au zéphyr. Ainsi, grâce à quelques enseignants, je peux, par exemple, en apprendre davantage sur l’histoire du catholicisme et de la taxation. Sujets banaux me direz-vous? Au contraire, ils me permettent d’explorer l’humain sous plusieurs facettes auxquelles je n’aurais d’abord pas pensé. Alors que l’histoire de l’Église et de la pratique religieuse me permet de découvrir les mentalités et les institutions qui régissaient une bonne partie de la société, celle de la taxation m’offre un laboratoire idéal pour mieux comprendre les rapports entre un État se faisant de plus en plus omniprésent et ses citoyens. De plus, ces contrats se révèlent très formateurs sur le plan intellectuel et méthodologique – il n’y a rien de mieux que visiter les archives et côtoyer un chercheur universitaire pour affiner ses aptitudes de recherche et de raisonnement.
 
L’été est également propice aux balades en vélo ou en voiture dans Charlevoix et le long de la Côte-du-Sud. Quoi de mieux que de s’arrêter quelques instants dans une des plus vieilles églises du Québec pour admirer les toiles d’un Louis Dulongpré ou les vitraux d’un Guido Nincheri ou, encore, de pénétrer dans les voûtes mal éclairées d’une ancienne prison pour mieux comprendre certains aspects de la vie qu’on pouvait mener autrefois au Québec? En plus de proposer un environnement magnifique et agréable pour en apprendre un peu plus sur le passé, bon nombre de sites historiques permettent de jeter un œil sur la manière dont on présente l’histoire. Il est toujours intéressant de voir ce qui est mis de l’avant et ce qui est caché, comment certains sites ont été reconstitués, les personnages qui y sont encensés et ceux qui, incidemment, ne sont pas mentionnés.
 
De plus, c’est la saison idéale pour plonger dans une autre époque en goûtant la cuisine d’autrefois au manoir Mauvide Genest sur l’île d’Orléans, pour découvrir la musique de la Nouvelle-France en s’imprégnant du son de l’orgue Juget-Sinclair – reproduction fidèle de l'orgue de 1753 de la cathédrale de Québec – à la chapelle du Musée de l’Amérique française ou pour assister à une conférence. Même si ces dernières se font moins fréquentes durant la saison estivale, bon nombre de musées et de festivals en organisent plusieurs qui valent le détour. À Québec, le Musée national des Beaux-arts du Québec offre une série de conférences particulièrement intéressantes dans le cadre de l’exposition La peinture à l’époque de la reine Victoria alors que les Fêtes de la Nouvelle-France incluent toujours un volet scientifique composé de tables rondes et de conférences.
Posté : 2010-06-13 21:08:04 par Alex Tremblay | avec 0 comments
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Alex Tremblay

Originaire de Québec, Alex Tremblay est inscrit en histoire à l’Université Laval. Il est titulaire de la rubrique «Patrimoine» de la revue Cap-aux-Diamants et responsable d’une chronique historique hebdomadaire à la station étudiante CHYZ 94,3. Il s’intéresse tout particulièrement au XIXe siècle et à l’histoire de la bourgeoisie au Québec.

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