Mot de passe oublié

Il y a quelques années, lorsqu’est venu le temps de choisir le domaine vers lequel je souhaitais orienter mes études et, donc, ma future carrière, j’ai longuement hésité entre plusieurs disciplines. Mon cœur balançait entre l’histoire, les sciences politiques et la littérature. Si j’ai choisi d’étudier l’histoire c’est, entre autres, parce que je me suis rendu compte que les Québécois ne la connaissent souvent que très sommairement. Il n’y a qu’à jeter un œil du côté des différents personnages clefs de notre histoire. Si les Maisonneuve, Dorchester et Bourassa évoquent quelque chose pour bon nombre de Québécois, – en grande partie grâce à la toponymie! – un petit nombre est capable de préciser leur contribution à notre histoire. De même, paradoxalement, à peu près tout le monde a déjà entendu parler des grandes figures littéraires françaises telles que Molière, Victor Hugo ou La Fontaine alors que les noms de nos plus grands auteurs, en particulier les plus anciens, – pensons à Philippe Aubert de Gaspé (père et fils), Octave Crémazie et Louis Fréchette – n’évoquent rien pour la plupart des Québécois. Cette lacune n’est qu’un exemple de notre méconnaissance de l’histoire du Québec. Certains diront que ce sont les faits qui importent, pas les noms. Or, bon nombre de Québécois n’arrivent pas non plus à comprendre ces faits et, partant, leur histoire, leurs origines. Méconnaître ses racines, c’est se priver d’un élément essentiel pour saisir pleinement ce que nous sommes aujourd’hui, nous en sommes.

 

Il y a quelques années, un de mes enseignants a dit en classe adorer l’histoire parce qu’il s’intéressait vivement à l’actualité. Il nous a fait comprendre que le monde qui nous entoure ne peut être saisissable que dans la mesure où on connaît les causes de l’ensemble des événements qui façonnent notre société. Les Québécois se condamneraient-ils donc à une compréhension partielle du monde dans lequel ils évoluent en mésestimant l’importance de l’histoire? 

 

Par conséquent, je désire, en étudiant plus en détails ce passé, contribuer à combler ces lacunes, donner envie aux gens de découvrir leur passé et, qui sait, peut-être même insuffler la passion qui m’habite à autrui. J’ai tellement été émerveillé par la richesse de notre histoire – tant par sa trame globale que par une kyrielle d’éléments anecdotiques, aussi insolites qu’étonnants –  que je ne peux m’empêcher aujourd’hui de vouloir partager mon enthousiasme pour cet univers proprement fascinant.

Posté : 2010-03-16 19:32:42 par Alex Tremblay | avec 0 comments

L’idée n’a  rien de nouveau. Déjà, au début du XXe siècle Marc Bloch et Lucien Febvre plaidaient pour une histoire totale, une histoire sortant de l’événementiel qui saurait permettre une compréhension globale d’une époque. Il importait que l’histoire soit  aussi sociale et économique, et non plus seulement politico-militaire. Or, je soutiens qu’il ne faut pas seulement s’en tenir à ces dimensions, mais bien élargir les champs d’action de l’historien. Ainsi, pour décrire une réalité historique, il importe d’en appréhender notamment ses arts et sa littérature. Peut-on vraiment saisir parfaitement l’essence — ou du moins l'esprit — du Second Empire français sans avoir entendu Offenbach? Est-il possible de comprendre pleinement une époque sans plonger dans sa littérature? Peut-on étudier le XIXe siècle sans lire Hugo, Dumas et Zola, sans jeter un œil aux toiles de Bouguereau, Courbet et Monet? Plus que les reflets de leurs temps, ces œuvres constituent les réalités dans lesquelles vivaient les Hommes d’alors.

Bien sûr, la majorité de ces créations connurent une diffusion somme toute très limitée – même les romans feuilletons se révèlent n’être l’apanage que d’une classe instruite ayant les moyens de s’offrir un abonnement à un journal. C’est pourquoi il convient non pas de s’intéresser uniquement aux grands noms que l’histoire a retenus, mais bien aussi à la culture populaire, au quotidien du peuple. Ainsi, pour pleinement comprendre ses réalités, il ne convient pas seulement de s’intéresser aux mouvements syndicaux, rébellions et autres manifestations populaires, mais également à ses coutumes, aux danses paysannes, à la musique de tradition orale ou encore aux contes et légendes. C'est ainsi que l'on peut appréhender dans ses ramifications la vie d'une société et ramener l’histoire à une actualité palpable.

Il y a quelques semaines, j’assistais à la conférence L’hiver à Québec en 1900 de Jean Provencher qui constitue un bon exemple à cet égard. Au cours de celle-ci, le conférencier nous fit part des résultats d’un sondage réalisé par Le Soleil au début du XXe siècle. Le journal cherchait à savoir de quelle musique ses lecteurs souhaitaient qu’on leur parle. Bien que l’échantillon ne soit pas assez important pour tirer des conclusions, les réponses montrent bien certaines tendances, certains goûts. Ainsi, on demande « quelque chose de religieux », « une jolie valse », un morceau de la pianiste Chaminade ou encore l’air « Il grandira, car il est Espagnol » de l’opérette La Périchole d’Offenbach. Bien loin de se confiner aux goûts musicaux, Provencher a également insisté sur les sports et divertissements auxquels s’adonnait la population de Québec, sur les différentes fêtes marquant la saison hivernale ainsi que sur les traditions qui avaient cours à cette époque.

L’histoire culturelle permet donc de saisir pleinement l’essence d’une société. La négliger, c’est se contenter d’une vue incomplète d’une époque. Si on accorde aujourd’hui beaucoup plus d’attention à cette perspective de l’histoire comme en témoignent les chapitres consacrés à ce sujet dans les plus récents manuels d’histoire, il convient de poursuivre les travaux engagés en ce sens. 
 

Posté : 2010-03-10 17:36:54 par Alex Tremblay | avec 0 comments
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Alex Tremblay

Originaire de Québec, Alex Tremblay est inscrit en histoire à l’Université Laval. Il est titulaire de la rubrique «Patrimoine» de la revue Cap-aux-Diamants et responsable d’une chronique historique hebdomadaire à la station étudiante CHYZ 94,3. Il s’intéresse tout particulièrement au XIXe siècle et à l’histoire de la bourgeoisie au Québec.

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