John McCrae, poète, officier et médecin, né le 30 novembre 1872 à Guelph, Ontario, deuxième fils de David McCrae, fabricant de lainages, et de Janet Simpson Eckford ; décédé célibataire le 28 janvier 1918 à Boulogne, France.
Auteur de In Flanders fields, le plus célèbre poème anglais de la Première Guerre mondiale, John McCrae était non seulement un homme aux multiples talents, mais un être d’une loyauté et d’un dévouement sans faille. Ses grands-parents paternels et maternels étaient des pionniers écossais qui avaient réussi. De son père, il hérita la passion de la vie militaire et la fierté d’appartenir à l’Empire britannique ; de sa mère, l’intelligence et la sensibilité ; des deux, le sens presbytérien du devoir qui intime de faire fructifier ses talents pour les mettre au service d’autrui.
Brillant étudiant en médecine, McCrae décrocha une licence ès arts de la University of Toronto en 1894 et un doctorat en médecine en 1898. L’année suivante, il fit un court internat auprès de William Osler au Johns Hopkins Hospital de Baltimore, dans le Maryland. Son frère Thomas, médecin lui aussi, était devenu un proche collaborateur d’Osler. En 1899, McCrae reçut une bourse pour faire des études de pathologie à la McGill University sous la direction du professeur John George Adami, mais il obtint l’autorisation de reporter ses études pour participer à la guerre des Boers. Ayant servi dans sa jeunesse dans le corps des cadets et la milice, il fut nommé lieutenant dans la Royal Canadian Artillery en décembre 1899. Il se distingua en Afrique du Sud et y fut un officier populaire. Ses lettres à sa mère, dont des extraits parurent dans l’Evening Mercury, de Guelph, pendant qu’il était sous les drapeaux, donnent un compte rendu fascinant de son expérience de la guerre.
De retour à Montréal en 1901, McCrae acquit bientôt une excellente réputation en pathologie. Il fut pathologiste résidant au Montreal General Hospital en 1902 et reçut en septembre son permis du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec. Choisissant plutôt de s’orienter vers la médecine clinique, il accepta des postes d’adjoint médical à l’hôpital Royal Victoria en 1904, de médecin à l’hôpital Alexandra en 1908 et de maître de conférences à McGill en 1909. En collaboration avec Adami, il écrivit en 1912 A text-book of pathology for students in medicine.
Selon son ami et mentor Adami, McCrae était « le médecin le plus doué de sa génération ». En outre, sa vie sociale était bien remplie. Il était membre du Pen and Pencil Club, du University Club, du Montréal Military Institute et de l’église presbytérienne St Paul. Par son sourire, sa gentillesse, son charme et son répertoire inépuisable d’histoires amusantes, il gagna l’amitié de nombreuses personnalités montréalaises, dont le gouverneur général lord Grey, Andrew Macphail, Stephen Butler Leacock et John Macnaughton, tous attachés, comme lui, aux valeurs impérialistes caractéristiques de cette période.
À l’occasion, McCrae publia des vers dans le University Magazine, l’influente publication impérialiste de Macphail. De son vivant, une trentaine de ses poèmes paraîtraient dans diverses revues. Bon nombre d’entre eux dataient du temps où il était au début de la vingtaine ; plusieurs lui avaient été inspirés par la disparition d’une jeune fille dont il était amoureux. En raison de cette perte tragique (la jeune fille était morte d’une infection) et peut-être aussi parce que, dans son enfance, il avait beaucoup souffert d’asthme, ses premiers poèmes ont souvent pour thème la mort ou la recherche de l’oubli et de la paix après la mort. Ses poèmes plus tardifs ont une connotation religieuse, inspirée par les souffrances de ses patients, ou parlent de la guerre. Ils sont bien écrits et empreints de sensibilité, mais peu nombreux. La voix d’outre-tombe était pour lui un procédé littéraire courant, et quelques poèmes, particulièrement The unconquered dead, basé sur son expérience de la guerre des Boers, annoncent clairement In Flanders fields.
En 1914, lorsque la Première Guerre mondiale éclata, McCrae recourut à un ami qu’il s’était fait pendant la guerre des Boers, le lieutenant-colonel Edward Whipple Bancroft Morrison, pour se faire nommer major et chirurgien de brigade (et officieusement commandant en second) de la 1re brigade d’artillerie de campagne du Corps expéditionnaire canadien. Selon lui, il fallait combattre l’injustice coûte que coûte. En avril 1915, après s’être battue à Neuve-Chapelle, en France, sa brigade fut mutée en Belgique, dans une section calme du saillant d’Ypres (Ieper), alors tenu par des fantassins canadiens. Le 22 avril, les Allemands lancèrent une attaque-surprise contre le saillant. C’était la première fois qu’ils utilisaient des gaz sous forme de vagues de chlore. Dix-sept jours plus tard, à la fin de cette bataille infernale, la moitié de la brigade avait péri.
C’est en attendant l’arrivée des blessés à sa tranchée-abri que McCrae composa In Flanders fields, le poème sur lequel repose principalement sa renommée. Inspiré particulièrement par la mort d’un de ses amis, Alexis Helmer, survenue le 2 mai, le poème parut dans le magazine londonien Punch en décembre 1915 et devint vite le poème de langue anglaise le plus populaire de la guerre. Il reflétait l’horreur du public britannique devant les histoires d’atrocités que l’on rapportait et devant les tactiques allemandes : l’utilisation des gaz, les raids de zeppelins, le torpillage du paquebot civil Lusitania. Le nom de McCrae (ordinairement mal orthographié) fit le tour de l’Empire britannique, puis des États-Unis. D’un ton agressif, la troisième strophe du poème fut abondamment utilisée pour encourager l’effort de guerre. On s’en servit non seulement pendant la campagne visant à amener les États-Unis à s’engager dans les hostilités, mais aussi pour faire du recrutement, recueillir des fonds, réconforter les veuves et attaquer les pacifistes et les profiteurs :
Dans nos mains prenez le flambeau :
À vous de le tenir bien haut.
Si vous refusez le combat,
Jamais notre âme ne dormira
Sous les milliers de coquelicots
Des champs de Flandres.
Ce poème a fait du coquelicot le symbole des soldats de l’Empire britannique tombés pendant les hostilités.
En juin 1915, McCrae quitta la brigade d’artillerie pour devenir, à titre de lieutenant-colonel, médecin chef de l’Hôpital général canadien n° 3. Le personnel de cet hôpital de l’armée canadienne en France se composait d’amis de McCrae et de collègues qu’il avait eus à McGill. Certains d’entre eux le reconnurent à peine tant il était épuisé ; sa personnalité avait subi un changement radical, dirent-ils, comme si « une image s’était brisée ». Exigeant les meilleurs soins possibles pour les soldats malades et blessés, McCrae insista pour loger sous la tente, comme ses camarades du front. Il fallut lui ordonner de s’installer dans les cabanes chauffées quand on constata que l’hiver mettait sa santé en danger. McCrae était très affecté par la guerre ; jour après jour, il en suivait les changements en observant les nombreuses victimes transportées à l’hôpital.
À la fin de 1917, après le désastre de Passchendaele (Passendale, Belgique) et la déroute des Russes, le moral de l’armée britannique était au plus bas. Beaucoup croyaient que la guerre durerait encore des décennies ou que les Allemands avaient des chances de la gagner. Au début de 1918, McCrae était, au dire d’un ami, « silencieux, asthmatique, morose ». Le 24 janvier 1918, il fut nommé médecin consultant auprès de la 1re armée britannique ; il était le premier Canadien à qui l’on décernait un tel honneur. Quatre jours plus tard, cependant, il mourut d’une pneumonie et d’une méningite. On l’inhuma avec tous les honneurs militaires dans le cimetière de Wimereux, en France. Pour lui, vivre alors que tant d’autres mouraient, c’eût été trahir.
— Texte par John F. Prescott, « McCRAE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2014. Pour obtenir la bibliographie de cet article ou d'autres renseignements connexes, visitez le Dictionnaire biographique du Canada en ligne.