Les politiques canadiennes de surproduction agricole : Exemple du blé

La guerre marqua une période temporaire de prospérité pour l’agriculture canadienne, jamais le métier d’agriculteur n’aura était aussi lucratif.


Avant 1914, sur le plan alimentaire, les Britanniques dépendaient étroitement des importations. Cette réalité économique du temps de paix, véritable talon d’Achille en cas de conflit, résultait de la Révolution industrielle du XIXème siècle. Au détriment de l’agriculture, le développement industriel de la Grande-Bretagne favorisa les activités manufacturières et tertiaires. Comme conséquence, la nourriture de base, comme le blé, le bacon, le sucre et le fromage, était importée pour alimenter une population majoritairement urbaine. Avant-guerre, en termes de calories, les deux-tiers des aliments consommés sur les îles britanniques venaient d’outre-mer.i

Face à cette réalité, la marine marchande, le contrôle des mers et les échanges avec les colonies étaient vitaux pour le ravitaillement d’Albion. Conscient de cette réalité, au cours du Congrès annuel de la Ligue Pangermanique de 1912, l’amiral allemand von Breusing soutint que le premier objectif de l’Allemagne en cas de conflit avec l’Angleterre serait d’intercepter son approvisionnement en denrées afin de la soumettre.ii La Première Guerre mondiale fit appliquer cette politique par les deux camps.

Dès l’entrée en guerre, en août 1914, la France et la Grande-Bretagne optèrent pour un blocus des ports allemands en mer du Nord et de ceux austro-hongrois en Adriatique. Il s’agissait d’intercepter toutes cargaisons pouvant contribuer à soutenir l’effort de guerre ennemi. Dès 1915, la liste des articles de contrebande de guerre fut élargie pour, à partir de 1916, y inclure progressivement toutes les denrées.iii C’est face à cette situation qu’en 1915-1918, les autorités militaires allemandes réagirent par le recours à la guerre sous-marine. Le 18 février 1915, les Allemands déclarèrent les eaux autour des côtes de Grande-Bretagne et d’Irlande zone de guerre.

Jusqu’à la fin de 1916, les importations britanniques de denrées représentaient encore 90% du niveau d’avant-guerre. Cela était le résultat d’une première phase de la guerre sous-marine allemande qui pâtit de nombreux incidents provoquant la mort de civils américains, le plus important étant le torpillage du paquebot Lusitania, en mai 1915. Ceci força l’Allemagne à relâcher la pression sur les navires alliés pour ne pas voir les Américains, alors neutres, entrer dans le conflit.iv

Par contre, du côté allemand, l’hiver 1916-1917 fut particulièrement difficile à cause du resserrement du blocus allié. Les autorités allemandes décidèrent de frapper un grand coup en recourant à la guerre sous-marine à outrance, à partir du 1er février 1917. Ils espéraient pouvoir en finir avec les Britanniques avant l’entrée en guerre probable des États-Unis. Il s’agissait de réduire en six mois l’Angleterre à la famine en la coupant de tout ravitaillement maritime.v En avril 1917, au moment où le plus grand nombre de navires furent coulés, l’approche du Sud-ouest des côtes d’Irlande était devenue “le cimetière des navires britanniques”.vi Le torpillage des bateaux alliés se faisait jusqu’aux côtes de l’Amérique du Nord.vii Toutes pertes avaient un impact sur les réserves dont les autorités britanniques pouvaient disposer pour leur population.

Les calculs allemands se révélèrent néanmoins faux quant à obtenir l’asphyxie complète d’Albion. L’erreur de l’amirauté allemande aura été de sous-estimer la capacité de la Grande-Bretagne à répondre à cette menace en se tournant notamment vers le Canada. La route maritime entre le continent américain et celui européen était la plus courte : le transport était donc moins long par rapport à d’autres parties de l’Empire (comme l’Australie ou l’Inde), ce qui faisait en sorte qu’il était moins onéreux et plus susceptible d’arriver à bon port.viii

Dominion de l’Empire britannique, c’est de facto, de par son statut colonial, que la Canada fut inclus dans la lutte par sa métropole, le 4 août 1914. Cette réalité coloniale ne l’empêcha pas de s’impliquer activement dans l’effort de guerre impérial en répondant aux besoins militaires, économiques et alimentaires de la Grande-Bretagne. Avant 1914, le Canada constituait déjà une source d’approvisionnement du marché britannique. Il offrait autant des débouchés aux biens et aux investissements anglais, que des sources d’approvisionnement en matières premières et en produits agricoles.ix

Au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, avec la Révolution industrielle et la colonisation de l’Ouest canadien, l’agriculture canadienne se développa, ce qui permit d’augmenter la production agricole pour nourrir des citadins toujours plus nombreux, tandis que les surplus étaient exportés vers la Grande-Bretagne.x Le principal lien qui unissait le Canada à sa métropole était agraire, ce que symbolisèrent les “cadeaux” que le Canada et chaque province firent aux Britanniques au début des hostilités. Le 6 août 1914, le gouvernement canadien offrit un million de sacs de farine à Londres.xi Par la suite, en septembre 1914, les provinces envoyèrent des produits de leur terroir pour les civils et les soldats de Sa Majesté. Il s’agissait notamment de 500 000 sacs de farine de l’Ontario et de 4 millions de livres de fromage du Québec.xii

En retenant la production de blé, principale contribution agricole du Canada, “grenier de l’Empire”, à sa métropole, cet article propose de développer les politiques de surproduction menées par le gouvernement fédéral durant la Première Guerre mondiale. Il s’agit là d’un aspect de l’effort de guerre canadien qui demeure méconnu. L’exemple comparé du Québec, de l’Ontario et de la Saskatchewan donne un aperçu de l’impact de cette mobilisation agricole au Centre et dans l’Ouest canadien, en plus de prendre en compte la donne culturelle canadienne-anglaise et canadienne-française. Si les Canadiens français purent être vus comme peu enclins à s’enrôler, pour une province alors majoritairement rurale, l’étude des politiques fédérales de surproduction nous permet de comprendre comment le monde agricole tant francophone qu’anglophone comprenait son “devoir” dans le conflit.

Durant la guerre de 14-18, par sa situation géographique, le Canada (et plus largement l’Amérique du Nord) fut mis à l’avant-scène pour l’approvisionnement de la Grande-Bretagne. Dans ce contexte et pour répondre aux pressions de la part de Londres, les autorités fédérales, avec le soutien de celles provinciales et de l’élite locale, encouragèrent les producteurs agricoles à continuer de répondre aux besoins nationaux, tout en produisant plus pour combler les demandes en denrées d’outre-mer. Ces dernières se firent de plus en plus importantes au fur et à mesure du renforcement de la guerre sous-marine. Dans le contexte international de blocus des îles britanniques, la mobilisation des agriculteurs canadiens devint l’un des éléments clefs du ravitaillement d’Albion, en particulier avant que les États-Unis n’entrent à leur tour dans le conflit aux côtés des Alliés en avril 1917.

Du point de vue historiographique, l’histoire de l’agriculture attire peu les historiens.xiii Dans les années 70-80, le développement de l’histoire socio-économique permit de proposer des études qualitatives et quantitatives de l’impact économique de la Première Guerre mondiale. L’ouvrage de John Herd Thompson, The Harvests of War. The Prairie West, 1914-1918, publié dans les années 1970, est une référence précieuse en rendant compte de l’impact économique de la Grande Guerre sur les Prairies.xiv Il permet de mesurer combien le conflit eut des conséquences sur l’Ouest canadien, notamment avec son introduction au cœur d’une agriculture commerciale où patriotisme et mercantilisme se complétaient.

Dans le cadre de la “guerre totale”, si les hommes en âge de porter l’uniforme étaient incités à rejoindre les bataillons, le reste de la population était appelé à faire sa part pour soutenir l’effort de guerre. Vivres, combattants et munitions étaient l’apport du Canada aux Alliés en 1914-1918, mais pour un pays alors peu peuplé au regard de sa superficie, la ponction de chaque homme pour l’un ou l’autre des domaines de l’effort de guerre avait des conséquences sur les autres activités. Il revenait alors à l’État de gérer au mieux la situation, de faire des choix et de définir des priorités au regard du contexte militaire en Europe et de l’intérêt national. Il reste à savoir comment a pu se traduire, au sein de la société canadienne issue de la tradition libérale britannique, l’immersion de l’État au cœur de l’économie pour la question de la promotion et de l’encadrement de la production agricole durant le premier conflit mondial. Le poids du gouvernement fédéral s’avéra alors de plus en plus prépondérant dans la vie économique et dans le quotidien des Canadiens.

Le cas canadien est d’autant plus intéressant qu’en 1914-1917, pour la levée de bataillons de volontaires, le gouvernement fédéral laissa l’initiative à chaque unité et aux associations patriotiques. Au contraire, pour la question agricole, il développa rapidement une propagande officielle diffusée d’un océan à l’autre. Il voulut ainsi se donner les moyens de toucher l’ensemble des producteurs canadiens autour de l’effort de guerre agricole. Par ce biais, il s’agissait pour le Ministre fédéral de l’Agriculture d’encadrer, d’informer et de mobiliser les producteurs. Cet article rend compte des différentes politiques développées par le ministère canadien de l’Agriculture avec la campagne Patriotism and Production (1915), Patriotism and Thrift (1916), Cultivation (1917), et Greater Production (1918).

CAMPAGNE DE 1915 : PATRIOTISM AND PRODUCTION

À la déclaration des hostilités, alors même que les centres urbains démontraient bruyamment leur patriotisme en faveur des Alliés, dans les campagnes, la nouvelle de la guerre donna lieu à peu de démonstrations. À l’été 1914, les agriculteurs canadiens étaient en effet d’abord préoccupés par leurs récoltes à rentrer. Dès l’automne suivant, quand le conflit sembla ne pas pouvoir se décider rapidement, la presse rurale canadienne remarqua que l’Europe ayant mobilisé ses hommes pour se battre, ce serait en grande partie vers le Canada et les États-Unis que le vieux continent devrait se tourner pour s’approvisionner en vivres.

L’agriculteur étant par définition un producteur, c’était donc à lui qu’incombait de répondre à cet impératif de ravitailler les Alliés européens.xv Dans ce contexte, pour les autorités britanniques, le Canada devait fournir tant des hommes que des denrées, idée que la presse rurale relaya. En octobre 1914, le journal du Comté de Beauce, L’Éclaireur, reproduisit ainsi un extrait du Westminster Gazette dans lequel les autorités de Londres faisaient valoir leurs attentes à l’encontre du Canada : “Nous sommes fiers des troupes que le Canada nous envoie, mais nous attendons aussi de lui le blé qui, l’année prochaine, sera encore plus nécessaire pour notre sécurité nationale.xvi

En août 1914, quand le Canada fut impliqué dans le conflit par sa métropole, les récoltes étaient en cours et les autorités militaires et politiques ne pouvaient donc pas influer sur leur rendement. Par contre, à partir de l’automne suivant, quand les regards se tournèrent vers les récoltes à venir, le monde rural fut encadré et incité par les gouvernements fédéral et provinciaux à produire plus qu’à l’accoutumé. Selon les propres mots du Premier ministre Robert Borden, pour permettre de stimuler la production agricole (tout comme celle industrielle), le Canada devait adopter des « mesures progressives ».xvii

Début 1915, suivant l’exemple du Ministre britannique de l’Agriculture en Grande-Bretagnexviii, le gouvernement canadien lança la campagne Patriotism and Production. Prise en main par le Ministre fédéral de l’Agriculture, Martin Burrell, elle retenait l’approche incitative en invitant les agriculteurs à augmenter leurs productions, que ce fût en développant les surfaces cultivées en céréales ou en accroissant l’élevage (bœuf, moutons, vaches laitières et porc).xix Pour le ministre, l’objectif de cette campagne était précis : rendre suffisants en denrées les combattants et les civils britanniques pour 1915.xx Avec la campagne de 1915, pour la première fois dans son histoire et au-delà des différences régionales ou culturelles, le Canada agricole était uni d’un océan à l’autre autour d’un objectif national.

La campagne Patriotism and Production

se caractérisa par une avalanche de conseils. Pour atteindre le plus grand nombre d’agriculteurs et aller au-devant des fermes les plus reculées, le ministère fédéral de l’Agriculture publia d’abord un manuel : The Agricultural War Book.xxi Cette publication était une mine d’information pratique et contenait des exhortations patriotiques. Comme préambule, un message du Ministre de l’Agriculture demandait la coopération de tous les agriculteurs canadiens pour soutenir l’Empire. Martin Burrell ancrait ainsi l’agriculteur canadien sur ses terres pour soutenir le soldat au front. Distribué gratuitement, l’Agricultural War Book était l’assise de la campagne Patriotism and Production.

 

L’autre support retenu pour atteindre les campagnes canadiennes fut la presse, élément de propagande incontournable en tant que principal vecteur d’information en ce début de XXème siècle. À partir du début de 1915, le ministère fédéral de l’Agriculture diffusa une série d’encarts dans 300 journaux à travers le Canada, que ce soit dans la presse nationale, pour présenter les objectifs et les besoins des Alliés, ou dans la presse rurale pour faire miroiter les intérêts à en tirer.xxii En anglais comme en français, à l’Est comme à l’Ouest, les agriculteurs canadiens furent mobilisés pour le même objectif : ravitailler la Grande-Bretagne et les Alliés. Cette mobilisation s’étendit même aux Canadiens allophones qui peuplaient les Prairies.xxiii

Plusieurs angles d’approche et de justification de l’effort de guerre agricole étaient proposés. Parmi ceux-ci, il y avait la fidélité impériale : “The Call of the Empire to the Farmers of Canada” / “L’Empire a besoin de beaucoup d’aliments”.xxiv La campagne de Martin Burrell étant pancanadienne, nous ne retrouvons pas de soucis d’ajuster les discours selon le public visé. L’appel de l’Empire, qui pouvait au contraire être remplacé au Québec par l’appel de la France dans les campagnes de recrutement des Canadiens françaisxxv, s’adressait à tous les agriculteurs francophones et anglophones.

En s’appuyant sur les données de l’Agricultural War Book, des encarts furent plus pratiques en informant les agriculteurs des différents besoins en vivres de la Grande-Bretagne.xxvi D’autres retinrent une approche plus intéressée en présentant l’augmentation de la production agricole comme un acte de patriotisme et d’opportunité.xxvii Cette interprétation allait chercher les agriculteurs sur un plan personnel avec les profits à en tirer, tout en les inscrivant dans une démarche nationale et impériale de soutien aux Britanniques. Profits et patriotisme ou patriotisme pratique fut l’angle d’approche retenu pour sensibiliser le monde rural à l’effort de guerre agricole.

D’autres publicités du ministère de l’Agriculture diffusèrent de l’information pratique sur les moyens d’augmenter la production agricole, que ce fût avec l’usage d’engrais ou en encourageant les agriculteurs à développer l’élevage.xxviii De leur côté, en étant diffusés dans les campagnes environnantes, les titres de la presse urbaine proposèrent des sections destinées aux agriculteurs. Par exemple, à partir du 26 juin 1915, l’Action catholique proposa une rubrique hebdomadaire : “La Page Agricole”. À partir du 1er avril 1916, elle occupa une pleine page du journal.xxix Selon le quotidien, il s’agissait de donner une visibilité aux conseils d’agronomes pour amener les agriculteurs à mieux cultiver pour produire plus.xxx Même si cette introduction de la question agricole dans l’organe de l’Église catholique se rattachait au projet de promotion de l’identité rurale canadienne-française, elle n’en était pas moins liée au contexte canadien de surproduction pour l’outre-mer.

Pour compléter cette mobilisation, 350 conférences publiques furent organisées dans les milieux ruraux à travers tout le Canada.xxxi Elles furent financées par le ministère fédéral de l’Agriculture et comptèrent sur la collaboration d’agronomes issus d’institutions d’enseignement agricole propres à la province où ils intervenaient. Ces conférences explicitaient le devoir des agriculteurs au regard des besoins en vivres de la Grande-Bretagne et des Alliés.xxxii Les sujets développés étaient complets, comme en témoigne le compte rendu d’une intervention dans le district de Terrebonne où il fut discuté de la chimie du sol, du drainage, de la culture de céréales, des plantes fourragères, de l’élevage, de l’industrie laitière et de l’hygiène vétérinaire entre autres.xxxiii Au Canada, les agronomes étaient retenus comme un moyen d’encadrer les agriculteurs depuis au moins le début du XXème siècle, avec une volonté des autorités politiques de rationaliser l’agriculture canadienne pour en tirer de meilleurs rendements en informant les agriculteurs des nouvelles techniques de cultures. Au Québec par exemple, c’était depuis 1913 que le gouvernement québécois avait recours à des agronomes. La campagne Patriotism and Production permettait donc de développer ce mouvement à l’échelle canadienne.

Il y avait également un volet patriotique aux conférences. Dans ce cas, il revenait à des hommes politiques fédéraux et provinciaux, ainsi qu’à des membres de l’élite locale (maire, clergé), de prendre la parole. Ils avaient à développer le contexte politique et économique qui justifiait l’effort de guerre agricole autour du thème principal propre aux conférences de 1915 : “Servons l’Empire en augmentant l’approvisionnement de vivres.xxxiv” Le Northern Advance, journal de Barrie (Ontario), invitait ainsi les agriculteurs du comté à assister aux conférences pour faire montre de leur patriotisme.xxxv

Certains agriculteurs reprochèrent néanmoins aux conférenciers d’organiser leurs rencontres à un moment où les travaux des champs étaient importants pour préparer les semailles.xxxvi Outre l’occupation des agriculteurs sur leurs terres, W. R. Young remarque qu’ils n’apprécièrent pas non plus de se faire dire comment faire leur travail. Ils attendaient plutôt un support effectif de la part des autorités, notamment pour leur permettre de produire plus.xxxvii Les agriculteurs n’étaient pas tant empressés à suivre les conseils qui leur étaient donnés que de profiter de la manne que représentait la guerre avec les demandes en vivres des Alliés.

D’autres critiques apparurent également à l’encontre de la campagne Patriotism and Production. En Saskatchewan, où l’accent fut mis sur le développement de la production de blé, le Ministre fédéral de l’Agriculture incita les agriculteurs à augmenter à tout prix les surfaces cultivées en délaissant les jachères. Pour le Ministre saskatchewannais de l’Agriculture, W. R. Motherwell, ceci allait à l’encontre des principes agricoles élémentaires. Il conseilla au contraire de mieux cultiver plutôt que d’augmenter aveuglément les surfaces ensemencées. Pour W. R. Motherwell, délaisser les jachères était tout simplement insensé.xxxviii Il décida ainsi de prendre le contre-pied de la campagne Patriotism and Production en publiant dans la presse rurale saskatchewannaise les propres conseils de son ministère. W. R. Motherwell rappela ainsi les principes élémentaires de la culture du sol, dont le choix de bonnes graines de semencesxxxix et le respect des jachères.xl

En Saskatchewan, lors de conférences de représentants du gouvernement fédéral, des voix s’élevèrent pour dénoncer l’abandon des jachères qui ne pouvait qu’hypothéquer les futures récoltes.xli En dépit de conseils éclairés, la recherche de profits amena les agriculteurs des Prairies à augmenter leurs surfaces cultivées au détriment des jachères.xlii Ils en paieront le prix avec des rendements moindres au fur et à mesure des années suivant 1915. Les cours importants du blé du temps de guerre permettront seuls de compenser les pertes de rendements des récoltes de 1916-1918.xliii

En Ontario, face aux conseils du Ministre fédéral de l’Agriculture à augmenter à tout prix la culture du blé, des voix firent au contraire prévaloir que la surproduction risquait de faire baisser les cours, ce qui allait à l’encontre des intérêts des agriculteurs.xliv En face de ce genre de craintes, si les autorités fédérales reconnaissaient la question pécuniaire pour les producteurs, l’aide à l’Empire prévalait cependant. Au “mettre le Canada en banqueroute pour sauver l’Empire” d’Arthur Meighenxlv correspondait, de la part du ministère fédéral de l’Agriculture, un sacrifier l’agriculture canadienne pour sauver l’Empire.

Avec cette mobilisation des agriculteurs à produire plus au nom d’un devoir envers l’Empire, une approche duale de l’effort de guerre canadien fut retenue : il incombait aux villes de fournir des hommes, tandis que les campagnes devaient produire des vivres pour l’outre-mer.xlvi Cette approche permettait de justifier la place des agriculteurs aux champs, ce que ces derniers sauront exploiter face aux agents recruteurs. En effet, quand ces derniers ciblèrent les jeunes hommes des campagnes, ceux-ci firent valoir les attentes du Ministre fédéral de l’Agriculture pour justifier leur refus de rejoindre les rangs. Le Canadian Military Gazette rend compte de ce qui pouvait souvent ressembler à un dialogue de sourds entre des agents recruteurs voulant combler les rangs de leurs unités pour le front, et de jeunes agriculteurs estimant faire leur devoir depuis les champs, comme les y incitait le Ministre de l’Agriculture.xlvii Ce malentendu s’accentua en 1917-1918, lorsque le gouvernement fédéral imposa la conscription à tous les Canadiens. Face à la grogne des agriculteurs voyant ainsi partir les quelques bras encore disponibles, des exemptions et des permissions furent accordées lors des travaux des champs de 1917 et de 1918.xlviii

En ce qui concerne les résultats de cette campagne Patriotism and Production, ses effets furent particulièrement visibles sur les surfaces mises en cultures au Canada qui passèrent de 10 293 000 acres, en 1914, à 15 109 415 acres en 1915.xlix L’augmentation fut la plus remarquable en Saskatchewan où les terres dédiées au blé passèrent de 5,3 millions d’acres, en 1914, à 9 millions d’acres, en 1915. En Ontario, les agriculteurs valorisèrent le blé en augmentant leurs surfaces cultivées pour cette céréale qui, de 834 400 acres, en 1914, atteignirent 1 million d’acres, en 1915. Seul le Québec ne suivit pas le mouvement avec une augmentation moindre. Les surfaces cultivées en blé passèrent en effet de 55 000 acres, en 1914, à seulement 71 000 acres en 1915.l Le blé était en effet délaissé au Québec depuis au moins le XIXème siècle au profit de l’industrie laitière.

Grâce à une météo exceptionnelle, les récoltes canadiennes de 1915 furent historiques. Le blé récolté passa de 161 280 000 boisseaux, en 1914, à 393 542 600 en 1915.li À elle seule, la Saskatchewan récolta 224 312 000 boisseaux.lii Elle représentait plus de la moitié du blé canadien récolté en 1915. En Ontario, le rendement fut certes plus modeste mais non négligeable au regard de l’année précédente, avec 30 millions de boisseaux en 1915 (contre 17,6 millions en 1914).liii Au Québec, la production de blé fut plus modeste avec 1,4 millions de boisseaux (contre 990 000 boisseaux en 1914).liv Ces chiffres exceptionnels ne furent plus jamais atteints. Les années suivantes furent moins “miraculeuses” à cause de la météo, du manque de main-d’œuvre (unités à recruter, conscription), et de l’appauvrissement des sols avec la pratique de la culture intensive.

Pour 1915, le Canada fut donc en mesure de répondre aux commandes de la Grande-Bretagne et des Alliés. Mais les surplus importants qui résultaient des récoltes de blé exceptionnelles amenèrent le gouvernement fédéral à s’inquiéter de trouver suffisamment d’acheteurs, notamment dans le contexte des restrictions imposées au commerce canadien par le blocus franco-britannique.lv Dans ce contexte peu encourageant pour les intérêts des agriculteurs canadiens, le 20 septembre 1915, le gouvernement canadien mit en place un Comité du blé (Wheat Committee) pour se pencher sur la question. Il se composait de membres du gouvernement, dont R. Rogers (président du comité), George Foster, Martin Burrell et Arthur Meighen.lvi Au regard des inquiétudes des Canadiens exprimées par Robert Bordenlvii, le 23 novembre 1915, par la voix du Colonial Office, le gouvernement britannique permit au Canada d’écouler son blé avec la commande de 50 000 tonnes de blé à livrer à l’Italie sur une période de cinq mois. De leurs côtés, Français et Britanniques passèrent une commande conjointe de 50 000 000 boisseaux de blé. lviii

Pour être en mesure de répondre à ces commandes, le 27 novembre 1915, le gouvernement canadien fit une entorse au libéralisme en réquisitionnant tout le surplus de blé de qualité Northern n°1 à 3 dans les entrepôts de l’Est, de Port Arthur et de Fort William. Cette opération représentait près de 14 millions de boisseaux de blélix, tandis qu’un prêt de 12 millions de dollars fut obtenu de la Banque de Montréal pour permettre au gouvernement d’acheter ce blé.lx. Cet interventionnisme fut néanmoins critiqué depuis Londres, comme en témoigne un télégramme secret du Secrétaire colonial, Bonar Law, au Gouverneur général. Le 30 novembre 1915, il lui fit part de l’impact que cette mesure avait eu sur le marché des grains où la London Corn Trade Association demanda à ce que de tels choix ne fussent plus entrepris.lxi Cette action au grand jour du gouvernement canadien pouvait en effet paraître maladroite au regard du marché mondial où le Business as Usual prévalait encore pour le gouvernement britannique (au moins officiellement). Cette campagne de 1915 servit de base à toutes celles qui suivirent en 1916-1918.

CAMPAGNE DE 1916 : PATRIOTISM AND THRIFT

En 1916, au regard des besoins alliés et britanniques toujours plus importants avec une guerre qui s’enlisait et des sous-marins s’attaquant aux navires de marchandises, Martin Burrell renouvela sa campagne de 1915. Cette fois-ci, il collabora avec Thomas White, le Ministre des Finances. Le thème de 1916 fut Production and Thrift. À la différence de 1915, la campagne de 1916 inscrivit l’ensemble de la société canadienne dans l’effort de guerre en appelant les agriculteurs à produire toujours plus et les citadins à financer l’effort de guerre. Le mot d’ordre était alors : “Canada’s Call for Service at Home.lxii” Nous pouvons dire que c’est à partir de 1916 que le front domestique canadien acquit un rôle actif dans le conflit. Avec des Canadiens de plus en plus nombreux au front, il s’agissait de créer un lien de solidarité entre les civils demeurés au Canada et les combattants au front. Les premiers avaient le devoir de veiller à ce que les seconds ne manquassent de rien (vivres comme munitions).

Sur le modèle de la campagne de 1915, les mêmes procédés de diffusion furent repris en 1916, avec l’exploitation d’encarts dans la presse et de conférences publiques. Pour le milieu rural, la campagne de 1916 renouvela les objectifs déjà assignés aux agriculteurs l’année précédente par rapport aux Alliés et aux Britanniques, mais en y ajoutant les besoins du marché intérieur. En 1916, les consommateurs canadiens étaient en effet confrontés à une inflation importante résultant des demandes outre-mer qui concurrençaient celles du marché canadien. Pour les Canadiens, l’inflation des prix causée par la guerre se fit sentir dès 1915. Elle résultait de plusieurs facteurs : l’exportation de denrées qui concurrençait la demande intérieure; le manque de bras pour soutenir la production agricole; et l’inflation dont souffraient les agriculteurs eux-mêmes. De 1915 à 1920, le coût de la vie au Canada augmenta de 71,7%, ce qui se ressentit surtout en milieu urbain, aire de consommation par excellence.lxiii Si le gouvernement fédéral refusa d’agir directement sur les prix à l’exemple de ce qui se faisait en Europe, pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande, il se tourna plutôt vers les agriculteurs à qui, au devoir patriotique supranational de 1915, il ajouta celui de la solidarité nationale.

Les encarts diffusés dans la presse retinrent divers angles d’approche. Comme pour 1915, il n’y eut pas de souci de produire des discours ciblés pour un groupe culturel donné. Canadiens français et Canadiens anglais furent soumis aux mêmes slogans et la campagne fut à nouveau placée sous le signe de la fidélité impériale : “L’Empire adresse un nouvelle appel en 1916” / “The Call of Empire Comes Again in 1916”.lxiv Si cette approche impériale pouvait ne pas suffire, il y eut encore l’intérêt personnel de retenu, notamment en faisant miroiter les profits à tirer de l’augmentation des productions pour répondre aux besoins du marché intérieur.lxv Alors qu’en 1915 les productions ciblées étaient d’abord celles destinées à l’exportation, en 1916, les agriculteurs furent invités à produire des vivres destinés aussi aux Canadiens, élargissant ainsi la liste : blé, avoine, bœuf, porc, œufs, fromage, beurre, sucre d’érable, miel, pois, fèves.lxvi

Il existe quelques différences dans les discours de mobilisation des agriculteurs de l’Est et de l’Ouest. Pour l’Ouest, l’accent fut à nouveau mis sur le blé. Le gouvernement fédéral récidiva en encourageant les agriculteurs à mettre le plus de superficies en culture, quitte à devoir ne pas laisser la terre se reposer d’une culture à l’autre. Les besoins en vivres des Alliés et de la Grande-Bretagne prévalaient sur une pratique raisonnée de l’agriculture : “The Empire’s demands for food are greater this year than last. Less summer-fallow and less fall ploughing than usual in 1915 make it necessary that the farmers of the Prairie Provinces in 1916 shall sow extensively on stubble land.lxvii

Pour actualiser l’Agricultural War Book de 1915, un nouveau manuel fut proposé par le Ministre de l’Agriculture : Production and Thrift. Comme pour 1915, cette publication, diffusée en français et en anglais, offrait plusieurs données chiffrées concernant les besoins en vivres de la Grande-Bretagne et des Alliés, en plus de dresser un portrait de la situation agricole chez l’ennemi et les pays neutres. L’ouvrage faisait également l’éloge des agriculteurs canadiens, et en particulier de ceux de la Saskatchewan avec les récoltes exceptionnelles de 1915. À l’exemple de l’Agricultural War Book, le Production and Thrift servit de base aux informations diffusées dans la presse.

Si, comme 1915, les autorités fédérales fixèrent des objectifs et abreuvèrent les agriculteurs de conseils, il revint à chaque province de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que leurs populations les atteignent, que ce soit en leur donnant les moyens de le faire ou en les informant. Sur ce point, l’Ontario fut l’une des provinces les plus actives. Les actions du Ministre ontarien de l’Agriculture James Duff puis, après sa mort, celles du Premier ministre William Hearst, firent en sorte que nombre d’initiatives provinciales furent prises pour soutenir l’effort de guerre agricole canadien.lxviii Dans le cadre de la campagne fédérale Production and Thrift, James Duff lança sa propre politique de mobilisation du monde agricole ontarien, mais aussi des citadins autour de la question de la production et de l’économie. Par cette politique, l’Ontario précédait d’au moins un an les politiques fédérales qui furent prises par la suite pour encadrer la culture des jardins potagers en ville ou soutenir les agriculteurs dans la quête de bras pour les récoltes en mobilisant les non-combattants (citadins et écoliers) avec le Farm Service Corps. Le thème de la campagne ontarienne ne laissait nul doute quant aux objectifs poursuivis : Greater Production. Toutes les ressources de la province devaient tendre vers un même but : produire le plus de vivres possible pour les besoins individuels et ceux d’outre-mer. C’est d’ailleurs en mars 1916 que l’Ontario instaura l’Organization of Resources Committee pour rationaliser son effort de guerre agricole, industriel et militaire.

Au Québec, le Ministre de l’Agriculture tabla sur le développement de la science agronomique. Des conférences furent organisées auprès des agriculteurs québécois pour les inciter à pratiquer une agriculture plus moderne. Mais la politique gouvernementale essuya des critiques de la part d’agronomes voyant ces efforts comme insuffisants face au manque de moyens donnés aux agriculteurs.lxix En 1916, au Québec comme en Saskatchewan, les gouvernements s’en remirent d’abord aux autorités fédérales pour soutenir les agriculteurs.

Au contraire de 1915, les résultats des récoltes canadiennes de 1916 furent décevants à cause de la météo et de la maladie de la rouille qui frappa les récoltes de blé dans l’Ouest. À l’échelle du Canada, même si les surfaces cultivées en blé répondirent aux attentes de la campagne fédérale en passant de 15 109 415 acres, en 1915, à 15 369 709 acres en 1916 (l’augmentation concernait les Prairies), les récoltes de blé ne rencontrèrent pas les objectifs assignés aux agriculteurs. Le blé récolté au Canada diminua en effet de 393 542 600 boisseaux, en 1915, à 262 781 000 en 1916.lxx Or ces mauvais résultats coïncidaient avec un renforcement de la guerre sous-marine.

CAMPAGNE DE 1917 : CULTIVATION

À la différence des deux années précédentes, il n’y eut pas de thème officiel pour la campagne de 1917 du ministère fédéral de l’Agriculture. Sans doute que le contexte de la conscription rendait plus problématique l’intervention du Ministre de l’Agriculture à valoriser la production tandis que le Ministre de la Milice faisait la conscription des hommes. Mais le contexte alimentaire n’en demeurait pas moins tout aussi préoccupant pour les Alliés, voire au Canada avec l’inflation. Le Canadian Annual Review retient néanmoins comme thème pour 1917 : Cultivation.lxxi

Confrontée à la guerre sous-marine à outrance à compter du 1er février 1917, la Grande-Bretagne tourna son attention vers le Canada, dominion dont la route maritime était la plus courte pour rallier ses ports.lxxii Le 19 mars 1917, une lettre du Secrétaire d’État pour les colonies à Londres, Walter Long, informa le Premier ministre canadien des vivres nécessaires aux Britanniques, ce qui permettait de guider les actions du Ministre fédéral de l’Agriculture. La liste des productions que devait fournir les agriculteurs canadiens s’allongea encore : blé, avoine, bœuf, bacon, fromage, œufs, beurre, volailles, fèves, et pois notamment.lxxiii

L’année 1917 fut celle d’une action plus engagée d’Ottawa dans l’effort de guerre, passant du volontariat à la conscription au niveau du recrutement, et instaurant nombre de commissions pour prendre en main des éléments de l’économie, comme la mise sur pied d’un Fuel Controller et du Board of Grain Supervisors. À compter de ce moment, les Canadiens apprirent à vivre avec un contrôle et une ingérence dans leur vie quotidienne du gouvernement fédéral, ce qui n’avait pas de précédent, que ce soit pour gérer l’essence, le charbon ou la nourriture disponibles et pouvant être consommés au Canada au nom des besoins alliés d’outre-mer.lxxiv Au sein de la société canadienne, le Premier ministre canadien subissait les pressions de zélateurs patriotiques en faveur d’un soutien inconditionnel à l’effort de guerre. Ces derniers se basaient sur l’exemple britannique avec les débuts du gouvernement de Lloyd George en décembre 1916.lxxv

C’est dans ce contexte d’émergence d’un dirigisme étatique en Grande-Bretagne que le Gouvernement d’Union s’imposa à Robert Borden en 1917. Que ce soit pour soutenir la conscription ou renforcer l’aide canadienne aux Alliés, il fallait aller de l’avant en priorisant l’effort de guerre. Si, jusqu’en 1917, le gouvernement fédéral s’était montré réticent à l’idée d’un interventionnisme étatique (sauf à quelques occasions comme pour l’achat de blé en 1915), c’est que l’administration fédérale était alors petite et inexpérimentée. Mais ce choix s’imposa à tous les belligérants face à un conflit qui s’enlisait. Si le monde économique et des affaires avait pu conserver sa marge de manœuvre, les besoins et l’impact du conflit mirent Robert Borden au pied du mur. Il dut engager le Canada vers une centralisation des productions indispensables à l’effort de guerre : grains, fuel et denrées.lxxvi

Cette centralisation fédérale répondait aussi aux limites de plus en plus apparentes des ressources canadiennes après 3 ans de conflit, notamment autour de la force vive indispensable pour les usines de munitions et la production agricole au regard de la mise en place controversée de la conscription à l’été 1917. Il s’agissait pour Robert Borden de rationnaliser l’effort de guerre canadien, sans pour autant aller aussi loin que les Européens avec leur choix de dirigisme étatique.

Que ce fût pour contrer la famine ou soutenir l’Empire et les Alliés, à partir de 1917, les vivres devinrent une arme que seuls les agriculteurs étaient à même de fournir. La guerre sous-marine à outrance imposa aux agriculteurs canadiens un devoir vital de ravitaillement qui ira en s’imposant en 1918. De son côté, en faisant du dimanche 1er avril 1917 un Production Sunday, le gouvernement ontarien sensibilisa l’ensemble de sa population à l’impératif que représentaient les vivres face aux besoins de l’Empire et à l’inflation au Canada.lxxvii

Plus qu’un devoir de soumission coloniale, le discours officiel de 1917 fit apparaître un devoir de solidarité du Canada envers la Grande-Bretagne présentée comme menacée par la famine : “L’Angleterre demande de l’aide aux cultivateurs canadiens. Elle a besoin de vivres (…) Le danger est pressant – et vous pouvez aider.lxxviii” Le Canada semblait de plus en plus conscient du rôle actif qu’il jouait dans l’effort de guerre britannique, ce que les Britanniques eux-mêmes reconnurent avec la Conférence impériale de 1917.

Les mêmes procédés de mobilisation des agriculteurs furent retenus par Martin Burrell. Au printemps 1917, il débuta une campagne d’information dans la presse urbaine et rurale avec la publication d’encarts. En 1917, le thème Cultivation faisait en sorte que la campagne s’adressait dorénavant autant aux agriculteurs, pour accroître la production agricole, qu’aux citadins, pour cultiver un lot vacant et répondre ainsi à leurs besoins. Au regard de la guerre sous-marine à outrance et de ses conséquences pour l’accès aux vivres, chaque Canadien était tenu de faire sa part. De ce fait, à la différence de 1916, les agriculteurs furent déchargés en partie du fardeau de produire des substituts pour le marché intérieur. Le Ministre fédéral de l’Agriculture appelait dans la presse rurale les agriculteurs à se concentrer sur les besoins de l’exportation, tandis que dans la presse urbaine, les citadins étaient invités à produire leurs propres légumes en cultivant un lot vacant.

Au contraire de 1915 et de 1916, en 1917, Martin Burrell ne publia pas de manuel. Selon John S. Ewart, auteur d’un pamphlet anti-conscriptionniste, dans le contexte de la mise en place de la conscription, la campagne de 1917 pouvait difficilement rappeler le devoir des agriculteurs à produire plus, alors même que le gouvernement leur ôtait les bras utiles aux récoltes. Ajoutons qu’il y avait aussi le fait qu’au contraire du manuel de 1916 qui vanta les récoltes exceptionnelles de 1915, il aurait été difficile pour le Ministre de valoriser l’échec des récoltes de 1916, ou la situation alimentaire alliée qui empirait à cause de la guerre sous-marine. À défaut d’une publication, Martin Burrell n’en tenait pas moins à fournir l’information utile aux agriculteurs et, plutôt que d’aller au-devant d’eux, il instaura un Bureau de renseignements à Ottawa. Cet organisme avait pour mission de centraliser les demandes des agriculteurs sur des sujets touchant à la production agricole. Il permettait ainsi de diffuser des brochures du ministère de l’Agriculture suivant le problème posé.lxxix

À l’exemple de 1915, les mauvais résultats des récoltes de 1916 eurent une incidence sur les semences disponibles pour les récoltes de 1917. Le gouvernement canadien instaura donc, à la fin de 1916, la Commission fédérale d’achat des grains de semence (Seed Purchasing Commission). Son siège était à Regina et, avec le concours des provinces, cette commission permit aux agriculteurs d’acheter des semences à prix coûtant. En 1917, 829 000 boisseaux de semences de blé et 408 000 d’avoine furent redistribués à travers le monde rural canadien.lxxx

De son côté, avec des surfaces cultivées plus importantes, le gouvernement saskatchewannais lança un emprunt provincial en 1917 : le Saskatchewan Greater Production Loan. Son but était de permettre aux agriculteurs de la province de disposer de fonds pour se doter de machineries, de grains et de semences pour accroître encore plus leurs productions.lxxxi Le Premier ministre saskatchewannais, William M. Martin, présenta cette mesure comme un moyen de faire en sorte que la récolte de 1917 ne fût pas en-deçà de celle de 1916. Il valorisa cet emprunt comme un prolongement de la campagne fédérale Patriotism and Production de 1915.lxxxii Pour les Saskatchewannais, il convenait donc de faire montre de leur patriotisme en contribuant au prêt qui était aussi présenté comme en faveur du développement de leur province.lxxxiii

Poursuivant sa campagne de mobilisation de 1916, en 1917-1918, par le biais de l’Organization of Resources Committee, le gouvernement ontarien lança une campagne dans la presse rurale de la province. Il s’agissait d’encarts en pleine page qui définissaient le devoir des agriculteurs ontariens envers la Grande-Bretagne et les Alliés en représentant leurs besoins et en donnant des conseils pour améliorer les cultures. Ces publicités informaient aussi les agriculteurs du soutien offert par le gouvernement.

Au Québec, l’implication de la province se caractérisa par les prises de position de son Ministre de l’Agriculture, J.-E. Caron, qui s’adressa aux élites locales pour leur demander de transmettre les impératifs de l’augmentation de la production agricole. Le 29 décembre 1916, J.-E. Caron écrivit par exemple aux évêques et archevêques du Québec pour faire savoir qu’il allait s’adresser aux curés pour obtenir d’eux de diffuser en chaire sa campagne de promotion de l’agriculture.lxxxiv De son côté, la presse rurale reproduisit les lettres du Ministre. À défaut de disposer d’encarts gouvernementaux comme en Ontario, les agriculteurs québécois étaient sensibilisés à la campagne de production agricole par des correspondances officielles. En ce qui a trait aux récoltes de blé de 1917, comme en 1916, elles furent mauvaises à cause de la météo défavorable et du manque de main-d’œuvre dû au recrutement puis à la conscription. Sans doute à cause d’agriculteurs découragés par le manque de bras qualifiés, en plus de l’impact des mauvaises récoltes de 1916, à l’échelle canadienne, les surfaces cultivées en blé furent pour la première fois en baisse depuis 1915. Elles passèrent au Canada de 15 369 709 acres, en 1916, à 14 755 850 acres, en 1917. Les récoltes de blé passèrent quant à elles de 262 781 000 boisseaux, en 1916, à 233 742 850 boisseaux en 1917.lxxxv Seul le Québec se différencia avec une augmentation de la production de blé de printemps qui passa de 960 000 boisseaux, en 1916, à 3,9 millions de boisseaux en 1917. Ce chiffre exceptionnel fut le résultat de l’augmentation considérable des surfaces cultivées dédiées au blé au Québec, qui passa de 64 000 acres, en 1916, à 277 400 acres en 1917 (contre 769 500 acres pour le blé en 1917, en Ontario).lxxxvi

Dans le contexte de la guerre sous-marine à outrance, avec une demande toujours grandissante en blé des Britanniques et des Européens et des mauvaises récoltes qui ne permettaient pas de répondre à l’ensemble de la demande outre-mer, les cours augmentèrent de manière importante au Canada en 1917 : “The price rose from $1.90 a bushel to $3.02 a bushel within a single month.lxxxvii” Face à cette situation qui pouvait remettre en cause la capacité financière des Britanniques et des Alliés de se procurer le blé canadien, le 11 juin 1917, le gouvernement fédéral instaura le Board of Grain Supervisors, avec à sa tête Robert Macgill. Jusqu’à la fin de la guerre, sa mission fut de fixer les prix du blé au pays et à l’exportation, en plus de gérer l’achat et la vente de blé à la Grande-Bretagne et aux Alliés.lxxxviii Si, de 1910 à 1916, le prix du boisseau de blé fut en moyenne de 1,07$lxxxix, en 1917, pour la qualité Northern n°1, il fut fixé à 2,21$, et, en 1918, à 2,24$, en parité avec le prix appliqué aux États-Unis. Sur le plan alimentaire, c’est sans doute l’année 1918 qui fut décisive au Canada dans le contexte de la conscription.

CAMPAGNE DE 1918 : GREATER PRODUCTION

L’année 1918 fut la plus critique pour les Alliés sur le plan alimentaire avec une menace réelle de famine, notamment au regard des mauvaises récoltes de 1917 en Amérique du Nord, en Argentine et en Europe. Dans ce contexte, le 5 mars 1918, le Contrôleur des vivres britannique rencontra les Hauts-Commissaires représentant les dominions de l’Empire pour leur exposer la situation de la Grande-Bretagne. Les besoins en céréales furent présentés comme plus importants que la viande. Avec l’Australie qui avait des surplus mais ne pouvait pas les expédier à cause de la guerre sous-marine à outrance, ce fut le Canada qui retint l’attention.xc

Face à l’“urgence” que représentait la nécessité de soutenir les Alliés, le gouvernement fédéral demanda la coopération active de l’ensemble des provinces canadiennes pour le succès de la campagne de 1918 qui retint pour thème : Greater Production. La gestion de cette campagne fut confiée à la Commission des vivres du Canada, instaurée en 1918 après la démission du Contrôleur des vivres. Le commissaire des vivres, Henry Thomson, dépendait directement du Ministre de l’Agriculture et avait pour mission de soutenir par tous les moyens humains, législatifs et matériels la production et l’économie des vivres au Canada pour garantir les exportations de denrées outre-mer.

Pour définir les objectifs à atteindre, une conférence fédérale-provinciale fut organisée à Ottawa les 15 et 16 février 1918.xci Comme pour les années précédentes, le blé constituait la céréale prioritaire, tandis que la production d’orge et de seigle était encouragée pour permettre au marché canadien de disposer de substituts au blé réservé à l’exportation. Si les Prairies étaient prioritairement retenues pour produire le blé, pour l’Est du Canada, l’objectif assigné aux agriculteurs fut d’ajouter 2 millions d’acres aux cultures de céréales, soit 5 acres par ferme : 1 million d’acres pour l’Ontario et 600 000 pour le Québec.

L’élevage porcin et ovin devait aussi être davantage développé pour répondre aux besoins des Alliés, tandis que le mouton fournirait de la viande de substitution au marché canadien. La conférence renouvela également l’encouragement des citadins à produire leurs propres légumes avec la campagne des jardins de guerre, en plus de les inciter à servir aux champs, notamment les adolescents de 15-19 ans avec la création des Soldats du Sol (S.O.S.) qui devaient remplacer les fils d’agriculteurs conscrits. Les jeunes femmes ou farmerettes furent de leur côté retenues pour les récoltes de fruits et légumes. Néanmoins, cette main-d’œuvre non qualifiée ne satisfit en rien les agriculteurs qui se montrèrent le plus souvent réticents à engager ces jeunes gens des villes.

Dans le contexte de la conscription, la Commission des vivres du Canada misa également sur les tracteurs pour combler le manque de main-d’œuvre agricole. Dans ce domaine, c’est le gouvernement ontarien qui ouvrit la voie, dès 1917, en fournissant ces machines à prix coûtant à ses agriculteurs.xcii En 1918, cette politique fut étendue à tout le Canada agricole, et en particulier pour les vastes terres céréalières des Prairies. La Commission des vivres du Canada distribua ainsi 1 123 tracteurs à travers le pays : 382 allèrent à la Saskatchewan (le nombre le plus important), 203 à l’Ontario et 9 au Québec.xciii

Les tracteurs de la Commission des vivres du Canada furent achetés à Détroit, aux États-Unis. Ce choix venait du fait que les usines canadiennes avaient alors un faible taux de rendement (300 tracteurs par année). L’urgence du moment et l’impératif de soutenir la campagne Greater Production fit se tourner les autorités fédérales vers Henry Ford&Son. Dans le contexte de l’effort de guerre agricole américain, en 1917, Henry Ford avait en effet appliqué la méthode du fordisme (production de masse) pour la production de tracteurs Fordsons, à l’exemple de la Ford T produite dès 1908, étaient abordables.

Lors de la livraison des tracteurs américains, sur les trains les menant au Canada, les machines étaient recouvertes d’une bâche avec comme slogan : « Canada Food Board’s Greater Production Tractor Fleet. » Le tracteur était ainsi la solution trouvée pour le succès de la campagne Greater Production. Pour assurer la bonne utilisation de ces machines, des agents de l’entreprise Henry Ford&Son furent envoyés au Canada, et en particulier dans les Prairies, pour faire des démonstrations et donner des instructions sur le fonctionnement des tracteurs, en plus d’en assurer l’entretien. Si cette solution pu être profitable à l’Ouest canadien, au Québec et en Ontario, compte tenu des tailles des terres agricoles et de la nature des sols, voire au regard des fréquentes pannes et des difficultés à trouver des personnes compétentes pour les conduire, les tracteurs ne furent pas toujours bien considérés par les agriculteurs.

Du point de vue de la promotion de la campagne Greater Production, des encarts produits par la Commission des vivres du Canada furent diffusés dans la presse canadienne rurale et urbaine pour en expliciter les objectifs. Pour conscientiser les Canadiens à la situation critique des Alliés et de la Grande-Bretagne, alors même que les exemptions pour les fils d’agriculteurs furent supprimées en avril 1918 à cause de la reprise de l’offensive ennemie sur le front occidental, la Commission des vivres du Canada publia un encart qui faisait des vivres un élément de la victoire…xciv Il s’agissait de rappeler aux agriculteurs non conscrits leurs devoirs, notamment face à la menace de certains de dimuer leurs productions au regard du manque de bras.

Pour assurer la coopération active des provinces à la campagne fédérale de 1918, en plus d’un soutien financier, un War Committee for Production devait être établi dans chaque province. Au Québec, il s’agit du Service de Surproduction; en Ontario, l’Organisation of Resources Committee fut réorganisé pour l’occasion; en Saskatchewan, des comités locaux furent instaurés avec comme mot d’ordre Fight or Farm. Tous ces organismes étaient placés sous la responsabilité des ministères provinciaux de l’Agriculture qui relayaient la campagne Greater Production auprès de leurs agriculteurs avec le concours des élites locales.

En Saskatchewan, la campagne fédérale se fit en partie au détriment des Autochtones. En effet, en 1918, le Département des Affaires indiennes, par l’entremise de son représentant dans les Prairies, William Graham, permit aux résidents des réserves d’augmenter la surface des terres à cultiver. Des lots de terres sur les réserves furent aussi confiés à terme fixé à des agriculteurs extérieurs aux réserves. En Ontario, des démarches furent également entreprises sur les réserves indiennes pour inciter les Autochtones à mettre en culture le plus de terres.xcv Lors de débats à Ottawa sur cette question, Arthur Meighen, Ministre des Affaires indiennes, fit remarquer qu’il n’y avait pas de mal à mettre en valeur les terres des réserves indiennes pour augmenter la production de blé, plutôt que de les laisser à des “chasseurs d’écureuils”.xcvi Le 13 mai 1918, le Surintendant Général du Département des Affaires indiennes notait qu’à défaut d’obtenir la coopération des Autochtones, c’était par la contrainte que la campagne Greater Production s’imposerait sur les réserves.xcvii

Malgré ces efforts, les récoltes canadiennes de blé de 1918 furent une déception. La sécheresse et le manque de main-d’œuvre qualifiée en furent les principales causes. Même si la campagne Greater Production porta fruit avec l’augmentation des surfaces cultivées en blé, qui passèrent au Canada de 14 755 850 acres, en 1917, à 17 353 902 acres en 1918, chiffre alors le plus important de toute la guerre, les récoltes de blé furent les plus basses depuis 1915. Elles chutèrent de 233 742 850 boisseaux, en 1917, à seulement 189 075 350 en 1918.xcviii Ceci fit en sorte que les exportations canadiennes de blé de 1918 furent les moins importantes de tout le conflit. Heureusement pour les Alliés, les Américains permirent de combler leurs besoins.

CONCLUSION

La guerre terminée, le monde agricole retrouve son calme et l’agriculteur n’a plus à répondre aux exhortations des autorités politiques. La guerre marqua une période temporaire de prospérité pour l’agriculture canadienne, jamais le métier d’agriculteur n’aura était aussi lucratif. Au Québec, la production de blé, en chute au début du XXème siècle et relancée avec la guerre, baissa dès le début des années 1920, pour disparaître dans les années 1950.xcix Les années 1920 marquèrent également la fin d’un règne : la population urbaine québécoise l’emporta dorénavant sur celle rurale. Le constat pour l’Ontario est identique : l’effort de guerre agricole ne permit pas d’enrayer l’exode rural engagé dès 1911.c Enfin, pour la Saskatchewan, le résultat du conflit fut d’enfermer la province dans la culture commerciale du blé. Ce choix aura des conséquences néfastes pour les agriculteurs quand les cours du blé s’effondreront en 1919-1923. Endetté durant le conflit pour produire toujours plus, l’entre-deux-guerres fut particulièrement difficile pour le monde agricole canadien.

Mourad Djebabla (PhD)

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