Laura Elizabeth McCully, féministe, poète, journaliste, née le 17 mars 1886 à Toronto, une des trois enfants survivants de Samuel Edward McCully, médecin, et de Helen Fitzgibbon ; petite-nièce de Jonathan McCully, un des Pères de la Confédération ; décédée le 7 juillet 1924 à Toronto.
Par son adhésion à l'égalité politique des femmes, son engagement et une vie vouée aux interventions publiques et à la réforme sociale, Laura Elizabeth McCully incarne les aspirations de nombreuses féministes de la première vague. Sans jamais être une figure nationale comme Nellie Letitia McClung [Mooney], elle eut une solide réputation à Toronto. Sa carrière montre que le mouvement féministe du début du xxe siècle, dont on a souvent jugé les objectifs trop limités et la perspective trop bourgeoise, regroupait des femmes aux opinions et aux expériences diverses.
MLaura Elizabeth McCully s'exprima en public dès son enfance. Elle signa régulièrement des poèmes et des lettres dans le « Children's corner » du Daily Mail and Empire de Toronto ; le Harper's Bazaar de New York brossa un portrait d'elle en 1899. Elle continua d'écrire de la poésie toute sa vie et fit paraître à Toronto deux recueils, Mary Magdalene, and other poems en 1914 et Bird of dawn, and other lyrics en 1919. Dans ses vers, son amour du classique et de la nature s'entrelace à ses opinions politiques, à sa vision morale et à ses idées sur la condition humaine. Ainsi, dans un poème intitulé Cassandra, elle s'inspire de l'histoire antique pour exprimer ses propres vues sur la quête existentielle :
Savoir, aimer, vivre, c'est souffrir
Comme tenter de s'arracher à l'argile
Et sans souffrir, croître est impossible.
Elle était une auteure assez connue pour figurer dans la première édition de Canadian poets, l'anthologie de John William Garvin parue à Toronto en 1916, et dans l'édition révisée, dix ans plus tard.
Mlle McCully appartenait à la première génération de Canadiennes à qui s'ouvraient les portes de l'université. Après avoir fréquenté la Deer Park Public School et le Jarvis Street Collegiate Institute de Toronto, elle étudia à la University of Toronto, où elle obtint une licence ès arts en 1907 et une maîtrise ès arts en 1908. Dans son mémoire de maîtrise, « A critical study of Milton's theory of divorce », elle examinait les répercussions, sur les femmes et les enfants, de lois sur le divorce favorables aux hommes. La pénible séparation de ses parents, survenue dans les années 1890, pourrait avoir influé sur ses positions. En 1909, Mlle McCully reçut une bourse pour étudier l'anglo-saxon à la Yale University de New Haven, au Connecticut. En rapportant l'événement, le 2 octobre, le World de Toronto nota : « [voilà] un honneur rarement conféré par cette université à une femme ». On ignore pourquoi Mlle McCully rentra à Toronto en 1910 sans avoir achevé ses études, mais des procédures judiciaires opposant ses parents pourraient expliquer en partie ce fait.
Laura Elizabeth McCully commença à militer pour le suffrage féminin et la cause féministe pendant ses études de premier cycle. Selon elle, le suffrage était un droit que l'on devait accorder aux femmes en tant qu'êtres humains, et non pas simplement une récompense associée à leur qualité de mères. Elle comprenait l'utilité des tactiques militantes employées par certaines suffragettes britanniques mais ne les estimait pas nécessaires au Canada. L'image de femmes capables de se battre pour une cause, de résister à l'injustice et de s'imposer des sacrifices personnels l'inspirait. Pour faire avancer le mouvement, elle écrivait sur les droits des femmes, participa aux premières assemblées en plein air pour le suffrage, dont une à Orillia le 9 août 1908, et militait à la Canadian Women's Suffrage Association. Dans un article publié par le Maclean's de Toronto en janvier 1912 sous le titre « What women want », elle expliquait que les femmes voulaient voter notamment parce qu'elles étaient plus scolarisées qu'auparavant. Après avoir commencé à accéder aux professions, soutenait-elle, elles avaient compris que, « si importantes que soient l'instruction et l'émancipation du corps, aucun être humain n'est complet sans le statut légal de citoyen ». Dans sa prose comme dans sa poésie, Mlle McCully parlait des inégalités subies par les femmes. Célibataire toute sa vie, elle réfléchissait sur les difficultés de celles qui tentaient de se définir en dehors des rôles d'épouse et de mère. Bien qu'il lui soit arrivé de faire écho aux préjugés de la communauté anglo-canadienne, à laquelle elle appartenait – elle a écrit par exemple qu'il fallait accorder le droit de vote aux femmes pour que les Canadiens fassent mieux contrepoids aux étrangers –, dans l'ensemble, elle réclamait l'égalité en vue d'élargir les horizons de toutes les femmes.
L'éclatement de la Première Guerre mondiale posa un dilemme moral à Laura Elizabeth McCully, comme à beaucoup de partisans du suffrage féminin. Même s'ils considéraient ce conflit comme la preuve de l'échec de la politique masculine, rares furent ceux qui parvinrent à conserver leurs convictions pacifistes d'avant-guerre en voyant que la civilisation était menacée. Cependant, à l'encontre de la plupart des partisans du suffrage féminin favorables à la participation des femmes à l'effort de guerre, Mlle McCully soutenait que celles-ci devaient être autorisées à porter les armes pendant la crise ou, du moins, à servir dans une unité auxiliaire de l'armée. En 1915, elle s'enrôla dans la Women's Home Guard, où des femmes s'entraînaient afin de libérer des hommes pour le service actif. Comme la presse tournait cette garde en ridicule, elle répliqua dans le Maclean's en avril 1916 par un article intitulé « The woman soldier : a by-product of the war ». Elle y contestait l'à-propos de tenir compte des différences entre les sexes en cas de conflit armé et soulignait l'absolue nécessité d'une participation féminine à l'effort de guerre.
Peu à peu, à compter de la fin de 1916, Laura Elizabeth McCully disparut de la scène publique. Atteinte du diabète et d'une maladie mentale – démence précoce, d'après le diagnostic –, elle fut hospitalisée à plusieurs reprises entre 1917 et 1923, tenta de se suicider en 1917 et sombra dans la misère. Les pensées qui l'assaillaient dans ses dernières années sont d'autant plus poignantes qu'elles révèlent les doutes et les peurs d'une femme apparemment très forte. Elle acquit la conviction que d'aucuns tentaient de ruiner sa réputation par de fausses allégations de grossesse. Elle pensait être menacée d'être contrainte à se prostituer. Elle croyait que d'autres s'attribuaient la composition de ses poèmes. Exprimées par un esprit confus, ses craintes n'en révèlent pas moins la vulnérabilité des femmes en général, et particulièrement celle des célibataires qui vivaient hors des sentiers battus.
Mlle McCully entra définitivement à l'hôpital en mars 1923 et y mourut le 7 juillet 1924 de complications résultant du diabète. Elle avait 38 ans. La presse torontoise rapporta son décès en disant qu'elle avait figuré parmi « les plus brillants diplômés de premier cycle de la Toronto University », été « une jeune poétesse aux dons remarquables » et « milité avec beaucoup d'enthousiasme à Toronto pour le droit de vote avant que ce ne soit à la mode ».
Dans une société où la destinée de la plupart des femmes était tracée d'avance du berceau à la tombe, Laura Elizabeth McCully défia les conventions qui étouffaient les aspirations féminines. Issue de la classe moyenne, elle eut peut-être plus facilement accès que d'autres à l'éducation et au travail, mais elle se distingua en mettant son instruction à profit pour mener au grand jour une vie consacrée à la réforme et aux droits des femmes.
—Texte par Sophia Sperdakos, “« McCULLY, LAURA ELIZABETH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 mars 2015. Pour cette bibliographie et d'autres, visiter le Dictionnaire biographique du Canada.