William Perchaluk

Le lendemain du jour où le 211th Battalion avait quitté Calgary, on trouva Perchaluk pendu aux barreaux de sa cellule avec une bande molletière.


William Perchaluk (Wasyl Perchaliuk), manœuvre, interné et soldat, né vers 1891 à Dereniowka (Ukraine) ; décédé le 5 décembre 1916 à Calgary.

William Perchaluk faisait partie des 170 000 Ukrainiens et plus, surtout originaires de l’Empire austrohongrois, qui vinrent au Canada avant la Première Guerre mondiale pour s’établir dans des fermes ou travailler en usine. Il compta par la suite parmi les 5 954 immigrants d’Autriche-Hongrie qui furent confinés dans des postes d’accueil et des camps d’internement canadiens pendant les hostilités. Ces gens construisirent des routes, bâtirent et réparèrent des édifices, défrichèrent et drainèrent des terres. En principe, les camps devaient recevoir les ressortissants de nationalité ennemie n’ayant pas obtenu la citoyenneté canadienne qui avaient contrevenu aux règlements ou qui représentaient un danger pour la sécurité, mais en pratique, c’était les nécessiteux et les chômeurs qui y étaient détenus. Certaines personnes, naturalisées sujets britanniques, aboutirent même dans ces camps à cause des pressions et des préjugés de Canadiens de naissance. Comme la majorité des internés ne menaçaient nullement la sécurité du pays, la plupart furent libérés sur parole au plus tard en 1916 et purent retourner sur le marché du travail.

D’abord interné à Lethbridge, en Alberta, Perchaluk fut transféré le 19 juillet 1915 au mont Castle, dans le parc national des Rocheuses (parc national de Banff). Dans ce camp, de 1915 à 1917, plus de 600 détenus exécutèrent divers travaux, dont la construction de la route de Banff au lac Louise. Le 26 juin 1916, Perchaluk et 25 autres internés furent libérés sur parole afin d’aller travailler à la Canmore Coal Company. À la fin de novembre, Perchaluk s’enrôla comme simple soldat dans le 211th Infantry Battalion à Calgary. Le bataillon était entré au camp Sarcee pour l’entraînement en juillet, mais comme l’effectif n’était pas complet, on fit une campagne de recrutement à la dernière minute. Perchaluk s’engagea à l’occasion de cette campagne. Le 2 décembre, dans l’agitation entourant le départ imminent du bataillon pour l’Europe, Perchaluk fut arrêté parce qu’un officier du camp d’internement de Banff l’avait reconnu. Incarcéré au poste de police de Calgary, il fut inculpé « en tant que ressortissant d’une nationalité ennemie rejoignant les forces d’outre-mer ». Le constable George Millen nota que Perchaluk portait l’uniforme, « parl[ait] anglais avec difficulté » et était, selon la rumeur, « un prisonnier de guerre évadé du camp de détention du mont Castle ».

Dans la soirée du 5 décembre, le lendemain du jour où le 211th Battalion avait quitté Calgary, on trouva Perchaluk pendu aux barreaux de sa cellule avec une bande molletière. Après l’avoir décroché, on lui donna les premiers soins en attendant l’arrivée d’un médecin, qui tenta en vain de le ranimer. On ne lui connaissait aucun parent au pays. Sa dépouille fut portée chez un entrepreneur de pompes funèbres, où il y eut enquête sur son décès. Selon le rapport d’autopsie, il était mort par strangulation ; le corps était « bien nourri et bien développé », le cœur et les organes abdominaux étaient normaux, mais les poumons étaient congestionnés et « noircis par de la fumée et de la poussière de charbon ».

La question de savoir qui devait payer l’inhumation de William Perchaluk fit l’objet d’une longue correspondance entre le Bureau des opérations d’internement à Ottawa et les autorités militaires. À la fin, le département de la Justice conclut que le Bureau des opérations d’internement n’était pas tenu de régler les frais engagés relativement aux prisonniers libérés sur parole. L’enquête d’un coroner conclut que Perchaluk « sembl[ait] avoir commis son acte inconsidéré dans un accès d’abattement ». L’humiliation subie dans les camps de détention, le désespoir d’avoir été arrêté pour s’être enrôlé dans les troupes de son pays d’adoption, la perspective d’être interné à nouveau dans un camp lui étaient, semble-t-il, devenus insupportables. On l’enterra au cimetière Union de Calgary. En 1926, les comptes du Bureau des opérations d’internement du Canada indiquaient que l’on devait à Perchaluk 26,55 $, soit l’équivalent de 106 jours et quart de travail sur l’autostrade de Banff au lac Louise.

—Texte par Peter Melnycky, “« BARKER, WILLIAM GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 mars 2015. Pour cette bibliographie et d'autres, visiter le Dictionnaire biographique du Canada.