Volontaire de la première heure, le jeune Arthur Giguère est un mouleur de profession et milicien au 54e Régiment des Carabiniers de Sherbrooke lorsqu’il s'enrôle dans le Corps expéditionnaire canadien à Valcartier en août 1914. À la dissolution de son unité, le 12e Bataillon d'infanterie en Angleterre, il est muté au 14e Bataillon (aujourd'hui le Royal Montreal Regiment) avec lequel il combat en Belgique. En décembre 1915, il est malheureusement blessé et tombe prisonnier aux mains des Allemands lors de la bataille de Langemarck en Belgique. Si sa guerre est terminée, il entreprend au contraire le début d’un long calvaire qui durera jusqu'à l'Armistice du 11 novembre 1918. En effet, il vivra dans d’horribles conditions.
Son retour au pays ne signifie pas la fin de ses souffrances. En raison de sa faible santé causée par la brutalité de ses geôliers et les privations de ses années de détention, il n’arrivera jamais à conserver un emploi stable. Tout au long de sa vie, cet homme brisé se referme sur lui-même lorsqu’on lui demande de raconter ses expériences de la guerre. Toutes les nuits, il revivra ses cauchemars jusqu’à la fin de ses jours. Il ne raconta jamais sa guerre à ses onze enfants. Arthur Giguère est décédé en 1974. En 2006, l'un de ses fils trouve une vieille malle dans le grenier de la maison ancestrale. À l'intérieur, on y retrouve de nombreuses lettres, dont une adressée au gouvernement fédéral. Elle fut écrite dans le but de recevoir une pension d'invalidité. Elle constitue sans doute le seul témoignage de sa longue détention1:
« … J'ai été fait prisonnier le 23 décembre 1915. On m'a transporté à Lille dans un hôpital militaire où je suis demeuré 2 ou 3 semaines. Je fus par la suite transporté en Allemagne à l’hôpital du camp des prisonniers de Munster où je suis demeuré 5 mois. Par la suite, on m'a transféré à un autre camp dont je ne me rappelle plus le nom avant d'être de nouveau transféré à un autre camp dans les mines de charbon. J’y ai travaillé 3 jours et j'ai reçu un coup de bâton sur la tête parce que je ne comprenais pas leur langage. J'ai travaillé sur les chemins de fer à charroyer des rails sur mon épaule. Les sentinelles nous frappaient avec la crosse de leur carabine dans le dos. J'ai aussi fait chauffer les bouilloires. C'était trop dur et j'étais incapable de faire l’ouvrage. Comme punitions, il fallait courir autour du camp jusqu’à épuisement. J'ai eu des maux de tête et d’estomac très souvent…
À mon arrivée à Sherbrooke, j'ai travaillé à la Fairbanks dans mon métier de mouleur pendant 8 ou 11 jours et je fus renvoyé, car j'étais incapable de faire l’ouvrage… J'ai essayé avec une autre manufacture, mais c'était la même chose. Pendant toute l'année 1919, j'ai été sans travail. En 1921, j'ai été obligé d’aller à Plessisville, à Montmagny et à Cornwall, en Ontario. N'ayant pas de succès, je suis allé à l’étranger, aux États-Unis, où j'ai demeuré 8 mois. En 1922, j'ai commencé et j'ai dû changer d’ouvrage parce que je ne pouvais plus la faire… »
Vous avez un parent qui a servi pendant la Grande Guerre? Soumettez son histoire et elle pourrait se retrouver sur le site de l’Album de la Grande Guerre.
—Texte par Michel Litalien
1Texte retravaillé afin qu’il soit lisible aux lecteurs.