Charles Edward Doherty

Il se dépensait beaucoup pour faire valoir les aspects positifs et le professionnalisme de la psychiatrie et des établissements pour malades mentaux.


Charles Edward Doherty, psychiatre, surintendant d’asile et officier dans la milice et dans l’armée, né le 29 novembre 1873 dans le canton de Toronto, Ontario, fils de William Frederick Doherty et d’Anna Maria Henley ; en 1905, il épousa Elweena Martin, et ils eurent au moins deux enfants ; décédé le 14 août 1920 à New Westminster, Colombie-Britannique.

Les parents de Charles Edward Doherty faisaient partie des pionniers de l’agriculture et des grands propriétaires terriens du comté de Peel, en Ontario. Charles Edward était encore enfant quand ils s’installèrent à Eglinton (Toronto). Sans doute grâce à leur aisance, il put faire des études supérieures, d’abord au Toronto Collegiate Institute, puis au Trinity Medical College. En 1899, à l’âge de 25 ans, il reçut son doctorat de médecine et une maîtrise en chirurgie.

Tout de suite après, Doherty alla s’établir en Colombie-Britannique, où il assuma en 1900 la surintendance du Kootenay Lake General Hospital à Nelson. En mai 1902, il quitta la région de Kootenay pour occuper le poste de surintendant médical adjoint au Public Hospital for the Insane de New Westminster. Sa première période d’emploi dans la fonction publique provinciale fut courte : il démissionna six mois plus tard, apparemment parce que sa faible rémunération avait refroidi son enthousiasme initial. Il devint coroner à Ymir et ouvrit un cabinet de médecin, mais il ne parvint pas à se constituer une clientèle suffisante.

Le 1er mars 1905, Doherty réintégra la fonction publique en qualité de surintendant médical de l’asile d’aliénés ; il succédait à George Herbert Manchester, qui avait démissionné. En une dizaine d’années, l’asile connaîtrait une expansion considérable. D’ailleurs, l’ensemble des installations pour malades mentaux bénéficieraient de la prospérité de la Colombie-Britannique : de 1904 à 1914, les sommes qui leur seraient allouées par le gouvernement passeraient de 84 561 $ à 357 710 $. Doherty se révéla un administrateur compétent ; il savait manœuvrer au sein de la fonction publique provinciale, alors en plein essor. Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, il entretenait des relations cordiales avec les hommes politiques et fonctionnaires sous l’autorité desquels il travaillait. Le premier ministre Richard McBride était l’un de ses amis ; le secrétaire de la province, Henry Esson Young, lui-même médecin, soutenait vigoureusement l’amélioration du traitement des maladies mentales.

Doherty se dépensait beaucoup pour faire valoir les aspects positifs et le professionnalisme de la psychiatrie et des établissements pour malades mentaux. Ce n’était pas une mince tâche car, dans le passé, l’asile avait connu des scandales et suscité la méfiance de la population [V. Richard Irvine Bentley]. En exprimant, dans ses rapports annuels, des réserves d’inspiration eugéniste sur la santé mentale des immigrants et de leurs enfants, Doherty faisait écho à des arguments avancés par des groupes féminins de la province et qui illustraient que les règles de l’asile répondaient aux préoccupations de l’époque. Il donnait également des conférences à ses concitoyens de la profession médicale et les invitait à visiter son hôpital. Pendant quelques années, il appartint au comité directeur de la British Columbia Medical Association, fondée en 1909. Au cours d’une assemblée tenue en 1912 par l’American Medico-Psychological Association à Atlantic City, dans le New Jersey, il brossa un tableau optimiste des changements en cours dans sa province. Il parla entre autres d’une résidence de conception nouvelle, Essondale, que l’on construisait à Port Coquitlam. L’établissement se composerait d’un pavillon administratif autour duquel seraient groupés, en fer à cheval, d’autres édifices, dont un pour les patients en phase aiguë et un pour les malades chroniques. Les bâtiments seraient à l’épreuve du feu, bien aérés et très ensoleillés.

La présence de Doherty à l’assemblée d’Atlantic City met en évidence un autre aspect de ses efforts en vue de promouvoir le traitement professionnel des maladies mentales en Colombie-Britannique. En participant dès 1906 à des réunions du groupe américain, il fut le premier surintendant d’asile de la province à s’intégrer à la communauté internationale des psychiatres. Sans être lui-même un pionnier, il fit entrer, dans le réseau provincial, des idées nouvelles sur le traitement et l’étude des maladies mentales, ce qui permit à la Colombie-Britannique de s’inscrire dans le courant dominant de la pratique psychiatrique. Sous son administration, l’asile provincial instaura deux nouvelles thérapies, soit le traitement par le travail et l’hydrothérapie, et l’on installa un laboratoire de pathologie à Essondale. À son époque, le traitement par le travail consistait le plus souvent à affecter les femmes à la buanderie et les hommes à la ferme de l’asile. Cette méthode curative, beaucoup plus utilisée que l’hydrothérapie, avait en outre l’avantage d’être très rentable. En 1910, les recettes générées par les malades s’élevèrent à 25 000 $, ce qui correspondait au quart des dépenses d’entretien de l’année.

En août 1913, Doherty s’enrôla à titre de major dans le 104th Regiment de la milice. Dès le début de la Première Guerre mondiale, l’année suivante, il s’inscrivit au Corps de santé de l’armée canadienne. Affecté à l’état-major de l’Hôpital général no 1, il s’embarqua pour l’Angleterre avec celui-ci en septembre 1914 et passa en France en mai 1915. Au bout d’un mois, on le muta de nouveau en Angleterre, où il devint directeur adjoint du service de santé. Le 5 décembre 1916, il fut promu lieutenant-colonel. Au début de 1917, ses « précieux services en rapport avec la guerre » furent portés à l’attention du secrétaire d’État britannique à la Guerre. De retour au Canada dans le courant de la même année, il y resta pour travailler au Newmarket Military Hospital, en Ontario, auprès des soldats traumatisés par les bombardements. Le traitement de ces commotionnés de la guerre des tranchées fut abrégé, tant à cause de l’ignorance des milieux psychiatriques canadiens que de la répugnance des autorités militaires du pays et du gouvernement fédéral à accepter la charge de ce groupe d’anciens combattants invalides. Doherty quitta l’armée en juin 1918, mais fut rappelé dès le mois d’août et nommé au Dépôt no 11 du Corps de santé de l’armée canadienne à Victoria. Il conserva son poste jusqu’à sa démobilisation officielle en 1919. Par la suite, il appartint au comité directeur de la Great War Veterans’ Association of Canada.

En 1920, le Canadian Journal of Mental Hygiene publia un rapport exhaustif sur les établissements pour malades mentaux en Colombie-Britannique. Même si Doherty était retourné dans la province peu de temps avant l’évaluation, on peut lire ce document comme un témoignage contemporain sur sa carrière. Louangeur dans l’ensemble, le rapport souligne les cours de formation de deux ans mis sur pied avant la guerre pour les infirmières en psychiatrie, l’enthousiasme des médecins à l’égard de leur travail et l’excellence des archives écrites et photographiques.

Atteint de néphrite depuis quelques mois, Charles Edward Doherty mourut en 1920 à l’âge de 46 ans. Essentiellement, sa carrière médicale avait été celle d’un fonctionnaire et d’un administrateur. Elle fut extrêmement réussie puisqu’il avait forgé des liens fructueux entre l’asile provincial et la hiérarchie médicale locale, le gouvernement provincial et la communauté internationale des psychiatres.

—Texte par Megan J. Davies, “« DOHERTY, CHARLES EDWARD», dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 août 2015. Pour cette bibliographie et d'autres, visiter le Dictionnaire biographique du Canada.