Armand Laverdure

« Voici; nous avons reçu une invitation d’aller prendre le thé chez l’impératrice Eugénie à Farnsborough. Le Colonel a accepté avec plaisir. »


Originaire d'Ottawa, Armand Laverdure s'est enrôlé comme officier (lieutenant) avec le 150e bataillon d'infanterie canadien-français. En septembre 1917, alors qu'il est en attente en Angleterre avec son bataillon, il reçoit, avec d’autres des officiers, une invitation à visiter l'Impératrice Eugénie, veuve de Napoléon III, alors en exil en Angleterre. Aussitôt revenu au camp, Laverdure écrit à son père :

Mon cher Papa,

[…] J’ai fait dernièrement avec 15 officiers du bataillon une belle visite. Voici; nous avons reçu une invitation d’aller prendre le thé chez l’impératrice Eugénie à Farnsborough. Le Colonel a accepté avec plaisir.

Donc, nous sommes arrivés là au château vers 4 hrs par un Dimanche. Nous avons visité le château qui est très beau quoiqu’il soit presque une étable à comparer à la résidence qu’elle avait en France. Il y a là des peintures à l’huile qui sont des chefs-d’œuvre. Elle-même, dans son jeune âge, était une beauté, tous les peintures de sa personne n’étaient pas ordinaires; celles de son mari Napoléon III et de son fils Le prince impérial étaient et sont encore belles. Deux peintures m’ont frappé; elle-même, grandeur naturelle, avec son fils sur ses genoux à l’âge de trois ans, est à peu près ce qu’il y a de plus parfait. L’autre, elle-même, en compagnie de ses 9 dames de compagnie, grandeur naturelle, est un bijou qu’on ne voit pas souvent car elle possède l’original et la seule peinture de ce genre. Il faut que je vous dise que aujourd’hui l’Impératrice a 92 ans et elle se porte très bien. Elle demeure avec son neveu le prince Louis Napoléon et sa femme la princesse Clémentine qui est une fille de Léopold II, défunt roi des Belges; ils étaient là avec eux aussi pour nous recevoir.

Nous avons aussi visité son musée qui est une bâtisse spéciale. Elle nous l’a fait visiter et c’est un honneur pour nous car depuis trois ans il n’avait été ouvert pour les étrangers et la dernière fois fut pour Georges V […]

[…] Ce qu’on trouvait étonnant chez elle et chez son neveu c’était de nous entendre parler le français si bien : jusqu’à ce jour ces gens pensaient que notre français était un patois que personne autre que les [Canadiens français] pouvaient comprendre […]

Vous avez un parent qui a servi pendant la Grande Guerre? Soumettez son histoire et elle pourrait se retrouver sur le site de l’Album de la Grande Guerre.

—Texte par Michel Litalien