Mot de passe oublié

Déjà, je tiens à vous présenter mes excuses pour la longue coupure dans la série sur le R.M.S. Titanic. Ce n'était que du copier-coller de mes autres blogs, mais j'ai rencontré des problèmes techniques et informatiques, doublés d'un manque de temps chronique, pour achever.

Donc ça, c'est fait.

Cela étant, pour achever "scientifiquement"cette série, il lui manque une petite bibliographie, que je m'engage à faire dans les prochains jours.

Toujours dans les prochains jours, je m'engage à rajouter quelques articles sur le Titanic et le Canada, rien que pour vous, sans copier-coller, ni rien, du 100% original ! Cela traitera des rapports particuliers du paquebot avec le Canada, Montréal, Ottawa, Halifax, les Canadiens, etc... Oh, il y en aura assez peu et ils seront brefs (mais instructifs), mais voilà.

Maintenant, si vous avez été charmés par mon style décontracté, impressionnés par ma rigueur scientifique et époustouflés par la taille de mes articles et leur richesse iconographique (Comment ça, je me flatte ? Pas du tout ! ^^), je ne peux que vous conduire vers mes deux autres séries historiques déjà existantes mais qui ne concernent pas le Canada, d'où leur absence de ce blogue-ci.
_L'attaque japonaise sur Pearl Harbor le Dimanche 7 Décembre 1941, provoquant l'entrée des États-Unis d'Amérique dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). J'ai rédigé cette courte série (8 articles) en Décembre 2011, à l'occasion des 70 ans de l'évènement. Ça se passe ici ou .
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_La Commune de Paris, révolte à caractère socialiste qui a eu lieu du 18 Mars au 28 Mai 1871 à Paris, dans le flou politique qui a suivi l'effondrement du Second Empire français (1851-1870) et l'invasion de la France par les forces coalisées des États allemands. Cette série est assez longue (88 articles) puisque j'ai écrit un article par jour pour célébrer les 140 ans. Ça se passe ici ou .
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J'en profite pour vous annoncer les prochaines séries à venir.
_Sur mes deux autres blogues, un hommage historique et littéraire pour célébrer les 150 ans de publications du roman "Les Misérables" (1862) de Victor Marie HUGO (1802-1885), les 210 ans de naissance du Poète, et du même coup les 180 ans d'un des évènements centraux de l'œuvre : l'Insurrection républicaine de Juin 1832.
Ici et .
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_Sur ce blogue-ci et les deux autres, le début d'une série à épisodes très écartés les uns des autres puisqu'elle suivra de loin en loin les évènements marquants de la Guerre de 1812.
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_Sur ce blogue et les deux autres, une mini-série historique en Août sur le débarquement raté de Dieppe en 1942, où furent surtout engagés (et sacrifiés) des Canadiens.
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Voilà. Bien entendu, ce blogue n'est pas qu'une suite de séries. Je vous tiendrai également au courant des évènements culturelles et historiques de l'actualité.

Bien à vous, chers lecteurs.

Le modeste auteur : Rémi BOUGUET
Posté : 2012-05-21 22:24:49 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Le naufrage du R.M.S. Titanic, s'il n'eut pas de conséquences économiques internationales, décapita néanmoins une bonne partie de la gente masculine de la haute-société et du patronat américain et britannique. Les successions se firent assez bien, ce sont les héritiers qui ont dû être contents... La Banque Molson et la Société Protectrice Canadienne des Animaux (SPCA) ont toutes les deux perdu leur président. L'inauguration du Château Laurier à Ottawa (Canada) n'a jamais eu lieu, par respect pour celui qui devait en être le président d'honneur, Charles Melville HAYS, décédé dans le naufrage. L'industrie du rail est-américain et est-canadien a également souffert.

 

Une des affaires les plus retentissantes est celle de ceux qui furent connus comme "les orphelins du Titanic" : les frères NAVRATIL. Français, trop jeunes pour connaître leur nom de famille, leur père visiblement décédé et ayant voyagé sous un faux nom, personne ne les réclame. Recueillis par une Américaine francophone et une passionnée de la France, ils sont photographiés et la photo part sur le premier bateau en direction de la France pour être publiée dans tous les journaux. Remarquez les prénoms sur la photo... "Louis et Lola ?" Le point d'interrogation est éloquent. C'est un garçon et pourtant... Le fait est que Michel (l'aîné) était presque tout le temps appelé "Lolo", son surnom, qui est devenu "Louis". Le cadet, Edmond, était surnommé "Momo", ce qui prononcé par un enfant de quatre ans, avec un bon accent franco-italien du sud de la France de 1912 a dû sonner dans les oreilles américaines comme "Lola"...

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L'autre photographie est également éloquente, et ma foi assez triste. Remarquez les jouets que tiennent les bambins. La petite automobile miniature que tient le petit Edmond dans sa main (à gauche) et le modèle réduit de bateau (le Titanic...) entre les jambes de Michel (à droite). Ces deux jouets étaient des gracieusetés de la White Star Line aux enfants de Seconde Classe du Titanic et ont été offerts par le 5ème officier "junior" LOWE aux deux garçons à leur embarquement à Southampton. Leur père a pris soin de leur donner avant de les emmener au canot D, mais c'est tout ce qu'ils ont sauvé du naufrage...

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Les photographies paraissent dans les journaux en France, et Marcelle NAVRATIL, leur mère,  tombe dessus en lisant le Figaro du Dimanche 21 Avril 1912. La White Star Line lui offre un aller-retour sur le R.M.S. Oceanic et la famille se trouve réunie dix jours après le drame.

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La famille SPEDDEN, rescapée, se fera connaître bien plus tard. Daisy SPEDDEN écrira en 1913 pour son fils Douglas un conte mettant en scène son ours en peluche, Polar. Conte aujourd'hui édité sous le nom de "Polar, l'ours du Titanic" (1994).

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Le manuscrit a été retrouvé en 1982 seulement. Douglas SPEDDEN est mort à l'âge de dix ans, en 1915, renversé par une camionnette alors qu'il courait après une balle.

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N'ayant eu qu'un seul enfant, ses parents conservèrent sa chambre comme un sanctuaire jusqu'à leur mort, Polar trônant sur le lit, avant de finir dans la même malle que le manuscrit, au grenier, après le décès des parents. En 1983, le cousin qui avait rouvert la malle, après avoir lu le conte, demanda l'ouverture du caveau familial dans le Maine (États-Unis) et alla déposer la peluche dans le cercueil blanc du petit Douglas, où l'enfant et son ours reposent encore aujourd'hui, désormais unis comme autrefois.

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En 2002, le bébé inconnu enterré à Halifax est exhumé pour procéder à des tests génétiques, sans grand espoir. Pourtant, grâce à des descendants, il est identifié. Il fait en effet partie d'une des familles "connues" de la Troisième Classe, les GOODWIN, la famille nombreuse en photo dans l'article sur la Troisième Classe, bien qu'il soit absent du cliché (pris en 1909) faute d'être déjà né ! Il s'agit du petit Sidney Leslie GOODWIN (1910-1912).

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Beaucoup de passagers de Seconde Classe demandèrent le remboursement de leurs biens ou de leur billet, rarement les deux (après tout, ils étaient arrivés en Amérique, ce qu'ils voulaient), mais la plupart s'arrangèrent avec les assurances sauf pour les objets à valeur sentimentale. Les Troisième Classe se firent oublier assez vite, ils avaient atteint le continent américain, une nouvelle vie commençait pour eux. En revanche, deux comportements s'opposent en Première Classe. Il y a ceux qui ont exigé le remboursement de tous leurs biens et de leur billet, jusqu'au moindre centime et parfois en gonflant les estimations ou en attentant des procès à la White Star Line. D'autres jouèrent la carte de l'humilité et ne demandèrent qu'un remboursement symbolique ou pour des choses particulières. William Ernest CARTER, déjà bien aise pour avoir survécu en étant un homme, ne demanda que le remboursement de ses deux chiens restés sur le navire et d'un tiers de sa Renault 1912, les autres deux-tiers étant couverts par son assurance.

 

Margaret BROWN fonda une société regroupant les survivants afin d'aider au remboursement des plus démunis et de rendre hommage aux victimes. Elle-même ne demanda que le remboursement du quart de son billet qu'elle versa à la Cunard puisqu'après tout c'est avec cette compagnie qu'elle avait fini la traversée. Le milliardaire Archibald GRACIE fut un membre actif de son association mais ne se remit jamais du naufrage. Perché avec LIGHTOLLER sur le radeau B, il a passé une partie de la nuit dans l'eau. Il commence à réunir des témoignages dans le but d'écrire un livre sur le naufrage mais est gêné dans ses travaux par les maladies à répétition. Il passe de coups de froid en maux pulmonaires sans jamais véritablement guérir malgré l'action de nombreux médecins. Une pneumonie l'emporte finalement le 4 Décembre 1912, il avait 53 ans. Son livre sortira à titre posthume en 1913, "Rescapé du Titanic".

 

Charles LIGHTOLLER demande sa mutation dans la marine militaire, où il finit par commander un navire, et publie ses mémoires au début des années 1930 afin de se renflouer financièrement. À sa retraite, il achète et restaure un yacht, le Sundowner, avec lequel il "racheta une partie des vies perdues sur le Titanic". En Juin 1940, âgé de 66 ans, il répond à l'appel de la Royal Navy pour aider à l'évacuation des militaires britanniques encerclés par les Allemands à Dunkerque. Il en sauve 130. À la fin des années 1940, il rencontra plusieurs historiens pour livrer d'ultimes témoignage sur la catastrophe, notamment John Walter LORD Junior (1917-2002). Il meurt en 1952. Les autres officiers du Titanic restèrent dans la marine marchande... et n'obtinrent jamais un commandement.

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Le commandant Charles LIGHTOLLER.

 

La carrière du capitaine Stanley LORD, commandant du S.S. Californian, est brisée. Certes, il n'était pas aussi proche qu'on l'a pensé au début, ce qu'a reconnu l'enquête britannique. Néanmoins, il aurait pu porter secours au Titanic dans ses derniers instants. En ne se montrant pas intrigué par les fusées et en refusant de réveiller le radio, LORD a commis une grave faute professionnelle. Il est démis de son commandement, licencié de sa compagnie et cassé de la marine marchande. Le Californian continue sa carrière. Transport de troupes pendant la Grande Première Guerre mondiale (1914-1918) est torpillé le 9 Novembre 1915 et coule par 5.000 mètres au fond au large de la Grèce. Son épave n'a jamais été retrouvée.

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Le capitaine Stanley LORD.

 

La possibilité que le Samson soit le navire mystérieux aperçu par le Californian et le Titanic n'a été évoqué que lors d'une révision générale des archives des capitaineries des ports d'Islande en 1924. L'équipage jure ses grands dieux qu'ils n'ont rien vu. En 1992, la théorie est confirmée.

 

En revanche, la carrière du capitaine Sir Arthur Henry ROSTRON prend une tournure héroïque. Salué partout, fait chevalier, acclamé comme le héros du Titanic, décoré de la Médaille d'Honneur du Congrès par les États-Unis, il est l'un des hommes les plus admirés de la marine. Fin 1912, Molly BROWN lui offre, au nom des survivants, une coupe pour le remercier. La Cunard Line le remercie également en lui donnant des commandements de plus en plus importants, l'apothéose étant le superbe R.M.S. Mauretania, orgueil de la flotte. Il le commande de 1918 à 1928 et fait honneur à sa réputation non seulement en conservant le Ruban Bleu mais en augmentant régulièrement le record. Il prend sa retraite en 1931, unanimement salué comme le commandant le plus apprécié (et le mieux payé ^^) de l'époque, comme le fut SMITH en son temps.

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Le R.M.S. Carpathia resta sous le feu des projecteurs et l'on se battait pour voyager à son bord, alors qu'il n'était au départ qu'un vieux paquebot d'immigration. ROSTRON laissa la coupe de Molly BROWN dans une vitrine sur la passerelle de commandement. Bien que vieux et pas particulièrement rapide, son prestige était tel qu'il fut chef de file de tous les convois auxquels il participa durant la Grande Guerre... Le 15 Juillet 1918, il est torpillé par trois fois et coule en deux heures et demi, entraînant avec lui la coupe du Titanic. L'épave repose au large de l'archipel des Sorlingues, entre l'Irlande et l'Angleterre, par 155 mètres de fond. Elle est découverte en 1999 et depuis souvent visitée toujours avec le plus grand respect. Des objets sont régulièrement remontés et restaurés mais la coupe n'a pas encore été retrouvée.

 

La White Star Line peine à se remettre du naufrage. En plus des sommes abyssales à verser à l'assurance, du remboursement des passagers, elle doit affronter une chute des ventes compréhensible et la mise en chantier de sa flotte pour correspondre aux nouvelles normes. Elle s'en sort pourtant. Le R.M.S. Olympic, qui n'attire plus personne, est profondément modifié, sa coque renforcée, son personnel changé, son nombre de canots triplé mais HADDOCK en garde le commandement, certain que ça va revenir. Ca revient en effet, mais après la guerre. L'Olympic a redoré son blason durant la guerre 14-18, a gagné son surnom de "Vieux Fidèle" et a suivi une brillante carrière.

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Pourtant ça avait mal commencé dès sa mise à l'eau en 1911. En partant de Liverpool pour sa troisième traversée, il est heurté par le croiseur britannique H.M.S. (His Majesty Ship) Hawk (à droite).

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Pendant la guerre, le jumeau du Titanic est peinturluré avec un beau camouflage digne d'une œuvre d'art et sert comme transport de troupes en Atlantique, transportant parfois jusqu'à 7.000 hommes d'un coup. Chacune de ses arrivée à Halifax est saluée par un triomphe et il devient l'un des navires les plus populaires au Canada.

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Mieux, le 12 Mai 1918, il est menacé par le sous-marin allemand impérial Unterseeboot U-103 qui tente de le torpiller et de l'achever au canon. Plutôt que de fuir, comme sa vitesse le lui permettait, l'Olympic fait face à son adversaire et, usant de sa méthode favorite, le coule en le heurtant. Il reste à ce jour le seul navire marchand désarmé à avoir coulé un navire de guerre, qui plus est un sous-marin.

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Il vient aussi plusieurs fois en aide à des navires en difficulté suite à des torpillages, qu'importe les risques. Sa gloire est faite. J'ai parlé de méthode favorite en citant la collision car l'Olympic a toujours eu une fâcheuse tendance à se heurter à d'autres navires... En 1924, c'est avec le S.S. Fort Saint-George. En 1929, il est secoué par un séisme sous-marin en pleine océan ! Il termine sa carrière en beauté en éperonnant et en coulant, en 1934, le bateau-feu LV-117 de l'Île de Nantuket...

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En 1934, la Cunard et la White Star fusionnent et dégraissent. Les plus vieux navires sont envoyés à la casse. Photographie magnifique. Le dernier départ de Southampton du R.M.S. Olympic (à gauche) et du R.M.S. Mauretania (à droite), envoyés à la casse le même jour, en 1937... Sur le quai, un vieux capitaine de presque 70 ans les regarde partir en pleurant, Arthur ROSTRON.

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La White Star Line a tout de même réussi à mettre à l'eau le Gigantic, troisième jumeau de la Classe Olympic. Renommé Britannic pour faire moins pompeux après le naufrage du Titanic, il sort des chantiers en 1914, sans inauguration et est immédiatement réquisitionné pour la guerre. C'est alors le navire le plus sûr de son temps, sept compartiments étanches, double coque, il est même encore plus luxueux que le Titanic bien qu'un peu moins grand.

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Brièvement transport de troupes, il est transformé en navire hôpital en 1915. Le 12 Novembre 1916, au large de l'île de Kéa, en Grèce, une explosion interne secoue le H.M.H.S. (His Majesty Hospital Ship) Britannic.

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Vraisemblablement, il transportait une cargaison de munitions malgré son statut de navire-hôpital... Le R.M.S. Lusitania de la Cunard, torpillé en 1915, était également illégalement chargé de munitions. Manque de bol pour le Lusitania, la torpille a frappé en plein dans les munitions, provoquant une deuxième explosion qui a ouvert une brèche gigantesque dans la coque et a englouti le navire en 18 minutes... Pour le Britannic, l'explosion (d'origine interne et encore indéterminée) a aussi causé des dégâts considérables mais il semble à la hauteur de sa réputation d’insubmersibilité. Il penche mais ne coule pas, ni ne chavire. Le personnel hospitalier est évacué (heureusement, le navire était à vide) et le commandant tente d'échouer le navire sur l'île, broyant au passage une chaloupe et ses 30 occupants qui n'avaient pas pu s'éloigner assez vite des hélices en marche. Non, ce qui a perdu le Britannic, c'est qu'en prévision de l'accueil des blessés, le navire était en pleine aération, tous les hublots ouverts. La gîte a fini par faire renter l'eau par les hublots, condamnant le navire qui coule par 100 mètres de fond.

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L'épave sera localisée par le commandant Jacques-Yves COUSTEAU (1910-1997) en 1975.

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L'épave du R.M.S. Titanic, quant à elle, est retrouvée en 1985 par Robert Duane BALLARD (1942- ).

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Quartiers du commandant SMITH.
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Restes du Grand Escalier.
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Toute tentative de renflouement est vaine, déjà parce que c'est compliqué par la séparation de l'épave en deux, ensuite parce que le Titanic est attaqué par une bactérie, Titanicae Halmonas, qui s'agglutine en espèces de stalactites qui peuvent atteindre des tailles impressionnantes (oui, oui, c'est bien les concrétions bien visibles sur l'épave...), qui ronge l'acier et le transforme en poudre de rouille. Le navire perd 165 kilogrammes par an, d'ici cinquante ans il n'en restera plus grand chose. La bonne nouvelle, c'est que ça nettoie naturellement le fond des océans de toutes les cochonneries en métal que les humains ont pu y mettre, épaves ou déchets.

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En 1963 est fondé la Titanic Historical Society qui tente de racheter les souvenirs et les objets remontés du Titanic ou à tout ce qui s'y rapporte.

Dans les années qui suivent le naufrage, à Halifax (Canada), à Belfast (Irlande), aux États-Unis et en Angleterre, des stèles, des statues, des plaques sont bâties pour rendre hommage aux victimes du Titanic. Aux hommes qui se sont sacrifiés pour les femmes et les enfants, pour les musiciens de l'orchestre, pour le commandant SMITH, pour les machinistes...

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Monument en hommage aux musiciens de l'Orchestre du Titanic, à Southampton (Angleterre).

 

L'histoire du Titanic a profondément marqué les esprits. Il reste à ce jour une des plus grandes catastrophes maritimes de l'histoire, l'une des plus meurtrières. Bien sûr, il n'atteint pas les dix-mille morts des paquebots allemands coulés en Mer Baltique en 1945 à la fin de la guerre. Le nombre de passagers décédés est même battus dès 1914 par le naufrage de l'Empress of Irland face à Rimouski, au Québec, dans le fleuve Saint-Laurent. Mais tous ces chiffres rentrent dans les horreurs de la guerre, et surtout aucun de ces navires n'avait le prestige d'être le plus grand et le plus beau navire du monde. Témoin de la fin d'une époque, de la fin d'un monde, le Titanic passionne toujours autant un siècle plus tard. Il n'y a qu'à voir le chambardement pour son centenaire et les 2.213 fanatiques qui ont refait une traversée en suivant ses traces. C'est également le seul navire pour lequel les sirènes des navires sonnent en hommage chaque fois qu'ils passent dans la zone du naufrage. James CAMERON y a été pour beaucoup dans le renouveau de la légende en se croyant obligé de sortir un chef d’œuvre en 1997, qu'il ressort en 3D maintenant, pour faire bonne mesure.

 

"Hymn to the Sea" (1997), James HORNER (1953- ).


Ainsi s'achève ma série historique sur le R.M.S. Titanic. Jamais je n'ai dû écrire autant et aussi vite. Je ne recommencerai pas ça tous les ans, même si je suis satisfait de mon travail. J'espère que vous avez pris autant de plaisir à lire que moi à écrire. Je remercie encore une fois mes nombreux lecteurs de ces dernières semaines.
 

Posté : 2012-05-21 20:39:33 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

ATTENTION ! DEUX PHOTOGRAPHIES (D’ÉPOQUE) DANS CET ARTICLE SONT SUSCEPTIBLES DE CHOQUER LES ÂMES SENSIBLES ET LES ENFANTS. ELLES MONTRENT EN EFFET L’ÉQUIPAGE DU MACKAY-BENNETT  (DE LOIN) EN TRAIN DE SORTIR UN CORPS DE L'EAU ET UN CADAVRE (EN ARRIÈRE-PLAN) SUR LE PONT DU NAVIRE.

 

Immédiatement après le dénombrement des victimes, une commission d'enquête est organisée, d'abord aux États-Unis d'Amérique, puis au Royaume-Uni de Grande-Bretagne. Joseph Bruce ISMAY, les officiers et matelots qualifiés sont forcés de témoigner, tandis que tous les passagers voulant faire une déposition sont les bienvenus.

 

La commission n'est pas tendre en Amérique, et ce d'autant plus qu'elle est dirigée par un sénateur incompétent dans les affaires maritimes, William Alden SMITH (1859-1932), à qui il faudra expliquer plusieurs fois que la proue c'est l'avant du navire...

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Les Américains se montrent très durs avec Bruce ISMAY, le jugeant responsable du naufrage et de toutes les vies perdues, alors même que tous les passagers prennent sa défense. Il faut que le gouvernement britannique menace l'Amérique d'un incident diplomatique pour éviter un procès expéditif à ISMAY et le rapatrier en Angleterre.

Une fois au pays, une nouvelle commission d'enquête, plus sérieuse et plus clémente, est mise en place. Elle est diligentée par John Charles BIGHAM, Lord Mersey (1840-1929).

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Elle a plus pour but de comprendre le naufrage et en tirer des leçons plutôt que de dégager des responsabilités. Bruce ISMAY est blanchi, des erreurs sont soulignés, mais aucun blâme ne tombe, c'est déjà assez dramatique comme ça. La construction du bateau n'est pas remise en question, au contraire elle est saluée. En effet, il est établi qu'à dommages comparables, un autre navire que le Titanic (l'Olympic ou le Mauretania) aurait coulé deux fois plus vite et aurait probablement chaviré. Le Titanic a coulé en trois petites heures, ce qui a laissé le temps d'évacuer correctement les passagers, même s'il aurait été possible d'en sauver 500 de plus si les canots avaient été remplis.

 

Suite à la commission d'enquête, des mesures sont prises pour renforcer la législation maritime sur la sécurité des paquebots. Ces mesures sont encore en vigueur aujourd'hui.

_Emport de fusées de détresse rouges en plus des fusées de signalement blanches.

_Emport de canots de sauvetage de manière à ce qu'il y ait 200 places disponibles de plus que le nombre maximum de passagers pouvant être transportés par le navire.

_Les canots de sauvetage devront tous être équipés de mâts à lanterne, de fusées de détresse vertes, d'un poste de T.S.F. fonctionnant sur batterie, de couvertures et de rations de survie.

_Les navires devront être équipés d'une double coque en acier renforcé. (Cela ne s'applique qu'aux paquebots, pas aux cargos... ceux qui se souviennent du naufrage du pétrolier Erika fin 1999 se souviendront ainsi qu'une des causes du naufrage vient du fait qu'il ne disposait que d'une coque simple... Ca évolue pas vite les règlements...)

_Internationalisation du signal de détresse "SOS".

 

Parallèlement, dès le Mercredi 17 Avril 1912, la White Star Line affrète un navire, le C.S. (Cable-Ship) Mackay-Bennett qui part de Halifax pour ramener autant de corps qu'il le pourra.

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Il croise pendant près d'une semaine sur les lieux de la catastrophe et sort 328 corps de l'eau, dont 116 sont rejetés à la mer faute d'être transportables tellement ils sont dévorés par les oiseaux de mer.

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Parmi les autres, rares sont ceux à être identifiables, et peu de familles réclament leurs proches. Sur les 212 corps ramenés, on parvient néanmoins à reconnaître Isidor STRAUS, mais pas son épouse. Est également repêché le corps de Michel NAVRATIL, le père. Dans sa poche, on retrouve son revolver. Il est enterré à Halifax sous le nom marqué sur son passeport d'emprunt : Louis HOFFMAN. La plaque sera changée à la demande de son épouse en 1916.

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Est également ramené un petit enfant de deux ans environ, visiblement de Troisième Classe. Les marins n'ont pas pu se résoudre à le rendre à l'océan. Il est enterré anonymement, grâce à une cotisation des matelots (intégralement remboursée par Molly BROWN par après) et sa tombe (photographie) sert alors de mémorial pour tous les enfants décédés dans le naufrage. Les corps ramenés sont enterrés au Canada, province de Nouvelle-Écosse, à Halifax, dans trois cimetières : Fairview Lawn (photographie), Mont des Oliviers et Baron de Hirsch.

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Posté : 2012-05-21 19:41:50 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Dans la journée du Jeudi 18 Avril 1912, sous une pluie battante, le R.M.S. Carpathia arrive finalement à New York. Sur les quais, une foule immense qui ne sait si elle doit acclamer ou garder le silence. Du R.M.S. Olympic sont parties les premières nouvelles du naufrage et des rescapés. Mais la plupart des annonces sont fausses. Il a d'abord été annoncé que le R.M.S. Titanic, en difficulté, était remorqué vers Halifax par son jumeau l'Olympic. Puis, qu'il avait bel et bien coulé mais que le Carpathia, arrivé à la rescousse, avait pu sauver tout le monde. Le radio du Carpathia rétablit en partie la vérité dans la journée du Mercredi 17 Avril 1912, d'abord en annonçant officiellement le naufrage sous la dictée de ISMAY (télégramme) : "J'ai le regret de vous aviser que le Titanic a coulé au matin du 15 suite à une collision avec un iceberg, occasionnant la perte de nombreuses vies, particulièrement en Troisième Classe.".

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Ensuite en publiant une première liste des pertes d'une centaine de noms... dont certains sont pourtant bien vivants ! Le journal ci-dessous titre "Tout le monde sauvé du Titanic après la collision !".

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Bref, c'est une foule un peu anxieuse qui attend sur les quais de la Grosse Pomme et devant le siège de la White Star Line.

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Le Carpathia s'arrête une heure devant le quai de la White Star Line pour y déposer les canots du Titanic.

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Puis, le vieux paquebot se dirige vers le quai de la Cunard Line pour y débarquer les rescapés. Le terrible verdict tombe. Ils sont peu, si peu... Ici, Harold BRIDE, le radio survivant, débarque. Il a les jambes gelées, n'oublions pas qu'il a passé la nuit dans l'eau sur le radeau B qui s'était retourné...

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Ci-dessous, un petit montage de films d'époque. Dommage, les 3/4 du temps, c'est le R.M.S. Olympic qui est filmé, à l'exception du chargement des bagages et du départ de Southampton (près du quai, l'image de loin c'est encore l'Olympic). Même le commandant Edward John SMITH (car c'est bien lui) est filmé sur la passerelle extérieure de l'Olympic. En revanche, c'est bel et bien le R.M.S. Carpathia, le capitaine Arthur ROSTRON et un survivant du naufrage qui distribue... des autographes ! Notez le petit mousse qui fait l'andouille tellement il est content. Remarquez que les jeunes sont plus à l'aise devant la caméra, question de génération sûrement. SMITH et ROSTRON sont un peu... figés et mal à l'aise, non ?

 

Bruce ISMAY se précipite au siège new-yorkais de la White Star Line et télégraphie officiellement la nouvelle du naufrage ainsi qu'une première liste des victimes, non exhaustive mais qui dépasse déjà le nombre des survivants. Deux jours plus tard, la liste est officialisée : 711 survivants, 1.502 morts et disparus (67,8% des 2.213 embarqués).

_Première Classe : 123 morts sur 325 passagers (38,6%). 114 hommes sur 175, 4 femmes sur 144 (dont Bess ALLISON et Ida STRAUS), et un seul enfant sur les six (la petite Loraine ALLISON).

_Seconde Classe : 167 morts sur 285 passagers (58,6%). 154 hommes sur 168, 13 femmes sur 93, les 24 enfants ont été sauvés.

_Troisième Classe : 536 morts sur 714 passagers (74,8%). 389 hommes sur 464, 91 femmes sur 167, 56 enfants sur 83.

Au total, 826 passagers sur 1.324 (62,2%) ont péri.

_Équipage : 677 membres sur 889 ont trouvé la mort, ce qui en fait la "classe" la plus touchée avec 76% de décès. Le commandant Edward SMITH (on ne sait trop s'il est mort sur le navire ou s'il a été précipité à la mer... certains occupants du canot A jurent l'avoir reconnu en train d'aider un enfant à nager vers le radeau) et le commandant en second Henry WILDE (peut-être suicidé) figurent parmi les victimes, mais ce sont surtout des machinistes, des chauffeurs et l'intégralité du personnel de service masculin à l'exception notable du boulanger Charles JOUGHIN). Officiellement, 3 femmes sur les 23 sont mortes, et 674 hommes sur les 866 ont péri. Pas d'enfants évidemment, mais il est à noter que les garçons d'ascenseurs et garçons de cabines étaient tous âgés de 12 à 17 ans et qu'aucun n'a survécu, ils sont comptés comme des hommes...

 

Pour achever sur une larme, le "Nearer my God to Thee" ou "Plus près de toi mon Dieu" tel que repris comme musique d'apocalypse dans tous les films.

Posté : 2012-05-21 19:31:08 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Tout est terminé. Trois heures après avoir heurté l'iceberg, le R.M.S. Titanic a sombré au fond de l'Océan Atlantique Nord. Pour ceux qui n'ont pas coulé avec le navire, il faut maintenant survivre. Les cris des malheureux tombés à l'eau dans les dernières minutes du naufrage déchirent la nuit et parviennent jusqu'aux canots, regroupés à quelques centaines de mètres. À bord du canot n°6, un nouveau débat assez vif éclate entre Margaret BROWN qui veut retourner sur les lieux et le barreur Robert HICHENS qui ne veut pas. Une fois de plus, le canot se range du côté du quartier-maître. Sur le canot n°8, la comtesse de Rothes fait la même demande auprès du jeune matelot qualifié Thomas JONES, chargé de la chaloupe. Le jeune homme y accède mais ce sont alors les passagers du canot qui s'y opposent avec énergie et proposent plutôt de ramer vers une lumière aperçue au nord, celle du mystérieux chalutier Samson qui a assisté au naufrage sans le savoir. La comtesse et le jeune matelot entretiendront une relation épistolaire régulière durant le reste de leur vie.

 

Pourtant, les secours s'organisent. Les canots n°2 et 14 hissent leurs mâts et y accrochent des lanternes pour être vus. Un arrimage commun est réalisé entre les canots n°10, 12 et 14. Des passagers sont transférés du canot n°14 vers le n°12 afin que le 14 puisse retourner sur les lieux et aider les gens dans l'eau. Le canot n°14 porte alors assistance au canot pliable A, rempli d'eau jusqu'au banc de nage et dont trois occupants sont déjà morts d'hypothermie. Les corps sont abandonnés et le radeau laissé à la dérive. Le n°14 retourne alors porter les occupants du A au canot n°12 avant de revenir à vide sur les lieux du naufrage, 40 minutes après la catastrophe. Le mer est à -2°C et le temps de survie dans une eau à cette température n'excède pas 20 minutes. Lorsqu'il parvient sur place, le canot n°14 ne peut que constater qu'il arrive trop tard, naviguant dans un champ de cadavres gelés maintenus à la surface par leurs gilets de sauvetage (même le moniteur de sport Thomas McCAWLEY est retrouvé mort juché sur un transat, sans gilet car ça le gênait pour nager). Il ne peut plus alors que prendre le canot pliable D en remorque et l'arrimer avec le 12, le 10 et le 4 arrivé entretemps.

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Car de son côté, le canot n°4 est retourné rapidement sur les lieux et est parvenu à sortir sept personnes de l'eau, dont trois meurent de froid dans les minutes qui suivent. Il vient ensuite en aide au canot pliable B, retourné et dont les passagers se tiennent debout en équilibre sur la coque pour éviter de chavirer. Quelques uns sont déjà morts, dont le radio Jack PHILLIPS. D'autres sont en bonne santé comme le boulanger Charles JOUGHIN qui barbote joyeusement dans l'eau, l'alcool lui tenant chaud... Trois personnes embarque dans la canot n°4 mais l'équilibre devient trop instable et le radeau est finalement pris en remorque est arrimé avec les canots 10, 12, D et 14. Quelques personnes montent encore sur le canot n°12 (alors en surcharge avec 70 personnes) mais le 2nd officier Charles LIGHTOLLER, le radio Harold BRIDE et Archibald GRACIE restent sur leur coque de noix.

 

À peine tout ceci est-il fait qu'une fusée éclate au loin. Il est 3h20. Puis une autre, encore une autre, encore une. Les veilleurs du S.S. Californian, au loin, remarquent de nouveaux des fusées mais cela les conforte dans l'idée qu'il s'étaient faits quelques heures plus tôt, il s'agit d'un signal de compagnie et le radio n'est toujours pas réveillé. Pour les rescapés du Titanic, c'est l'espoir qui renaît. Des passagères brûlent leurs chapeau pour faire des signaux, tout le monde crie et tente de se faire repérer. Ces fusées sont celles du R.M.S. Carpathia, arrivé une heure trop tard, qui signale son approche. Pourtant, le vieux paquebot de la Cunard Line n'a pas ménagé sa peine. Le capitaine Arthur Henry ROSTRON (1869-1940), apprenant la détresse du Titanic, n'a pas regardé aux risque pour lui venir en aide. Consignant les passagers dans leurs cabines, libérant les ponts pour les rescapés, il a fait couper l'eau chaude et l'électricité afin que "chaque goutte de vapeur soit utilisée pour avancer plus vite". Soupapes de sécurité fermées, le vaillant navire prévu pour une vitesse de pointe de 15,5 nœuds pulvérise cette nuit son record de vitesse avec 17,5 nœuds. Tous les hommes d'équipage étaient sur le pont, armés de jumelles. Précaution utile, le Carpathia dû a contourner pas moins de huit icebergs sans ralentir l'allure cette nuit-là. À 3h30, les mâts du navire sont aperçus par les rescapés.

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Le premier canot à atteindre le Carpathia est le Canot n°2, à 4h10, qui a dérivé loin au sud faute de bras à la rame. En revanche, c'est lui qui attiré l'attention du navire en tirant des fusées de détresse vertes.

À 6h00, l'évacuation des autres canots commence. Tous les passagers montent à bord, les uns après les autres. Le canot n°7 et le canot n°5, arrimés, arrivent en premier. En descendent notamment deux français, l'aviateur Pierre MARÉCHAL et son ami Paul CHEVRÉ (1866-1914), le sculpteur de la statue de Samuel de Champlain et de celle de François-Xavier GARNEAU à Québec, et qui devait assister à l'inauguration du Château LAURIER à Ottawa avec Charles Melville HAYS mort sur le Titanic. Leur partie de bridge au fumoir a été interrompue et ils ont encore leurs cartes en poche. Hélas, l'un des membres du quatuor manque à l'appel, resté sur le navire... Les deux canots sont hissés à bord du Carpathia.

Le canot n°6 ensuite, où Molly BROWN, seule femme à la rame, se dispute toujours avec le major Arthur PEUCHEN et Robert HICHENS. Le canot est hissé à bord.

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Le canot n°3. Juste avant que le canot n'atteigne le Carpathia, un jeune garçon s'éveille à bord. La famille SPEDDEN y est réfugiée et leur fils Douglas a dormi pendant tout le naufrage, serrant Polar, son ours en peluche, dans les bras. Lorsque le petit Douglas, six ans et demi, ouvre les yeux, voyant la lumière de l'aube, il s'écrie "Regardez le beau Pôle Nord sans Père Noël dessus !" ce qui fait sourire les rescapés. Le jeune garçon monte ensuite l'échelle de coupée presque sans aide et est accueilli par le capitaine ROSTRON en personne. Son ours polaire reste dans le canot et il craint pendant un temps l'avoir perdu, ce qui ne plaît guère non plus à ses parents car il s'agissait d'une pièce unique artisanale, articulée et en poil véritable, fabriquée en Allemagne. La peluche est retrouvée lorsque le canot est hissé sur le navire. En 1913, Daisy SPEDDEN écrira pour son fils un conte sur le naufrage mettant en scène Polar. Le manuscrit, retrouvé en 1982, n'est publié qu'en 1994 et devient un livre à succès pour enfants : "Polar, l'ours du Titanic". Douglas SPEDDEN ne vivra pas jusqu'à l'âge adulte. En 1915, âgé de dix ans, il sera renversé par une automobile près de chez lui.

Les canots n°8, 1 (photo ci-dessous), 10 et 9 arrivent à leur tout et sont hissés à bord.

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Le canot n°12 en surcharge est à son tour hissé à bord.

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Puis le canot n°13, où se trouve Lawrence BEESLEY. Celui-ci décèdera en 1967 à 89 ans. À noter une tentative de suicide pour le moins originale... Demandé comme témoin historique sur le tournage du film "Atlantique, latitude 41°" en 1958, il tente, lors du tournage de la scène du naufrage du Titanic, de se faire oublier sur la grande maquette coulée pour l'occasion afin de s'y noyer ! Le canot n°15 arrive juste après. En revanche, seul le n°13 est hissé sur le Carpathia, le n°15 est laissé à la dérive.
Le canot n°11, avec Alice CLEAVER et Trevor ALLISON (qui mourra d'une intoxication alimentaire en 1929, âgé de dix-huit ans) est déchargé est laissé à la dérive, tandis que le canot n°16 est hissé à bord.

Le canot n°16.

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Arrive alors le canot n°14, prenant en remorque le canot pliable D. Le 14 est laissé à la dérive tandis que le radeau est hissé sur le bateau. Sur le canot D, les deux orphelins NAVRATIL sont vite devenus la coqueluche des femmes à bord, dont une seule parle français. Il apparaît, au dire du petit Michel, que la mère est à la maison et le père sur le Titanic... Leur situation est donc connue, mais en revanche les petits ne savent pas leur nom de famille ! À l'arrivée au Carpathia, Michel (l'aîné) veut escalader l'échelle de coupée tandis que son frère est hissé par un sac de toile. Mais l'enfant est trop petit pour l'échelle, au bout de trois essais, il voyage à son tour dans le sac de toile, ce qu'il trouve très insultant. À bord Arthur ROSTRON, ayant été mis au courant de la situation, décore Michel NAVRATIL de la Médaille du Courage, aucun des deux enfants ne montrant de faiblesse lors même que le désastre s'étale autour d'eux.

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C'est au tour du radeau C d'être secouru et embarqué. ISMAY en sort, est reconnu et conduit devant ROSTRON. L'air absent, il répète simplement "Je suis ISMAY...". Le médecin du bord lui donne un sédatif et lui prête sa cabine.

Enfin, le canot n°4 remorquant le radeau B retourné. Les deux canots sont laissés à la dérive. Le 2nd officier Charles LIGHTOLLER, l'officier le plus gradé à avoir survécu au naufrage, monte à bord en dernier et présente ses respects et la situation au capitaine ROSTRON.

 

Sur le pont du Carpathia, les rescapés s'organisent. Molly BROWN, gagnant son surnom de "Insubmersible Molly BROWN", s'occupe d'une bonne part des soins et des installations... des passagers de Seconde et Troisième Classe !

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Les autres navires commencent à arriver. C'est d'abord le vieux S.S. Mount Temple dont le moteur poussif est néanmoins parvenu à le faire avancer à 14 nœuds. Il arrive vers 6h15. L'évacuation étant déjà en cours, il est entendu que le Carpathia s'occupe des chaloupes pendant que les autres navires croiseront sur les lieux du naufrage à la recherche d'éventuels survivants.

À 7h10, c'est le S.S. Californian, enfin, qui rattrape le Carpathia et lui propose son assistance, ce que ROSTRON décline. Le radio du Californian, Cyril EVANS, réveillé vers 5h30, a finalement intercepté un message du S.S. Frankfurt annonçant le naufrage. Effrayé, le commandant Stanley LORD ne veut pas croire qu'il était aussi près et qu'ils n'ont rien fait. Il donne l'ordre de se diriger vers la dernière position connue du Titanic. Il faut néanmoins près d'une heure et quart pour que le Californian s'extraie du champ de glace qui le cernait. Moins d'une heure après, il est sur les lieux. Il aurait donc pu assister le Titanic dans ses derniers instants et sauver quelques vies supplémentaires...

Entre 7h25 et 8h00, le S.S. Birma et le S.S. Frankfurt arrivent à leur tour. Mais il n'y a plus d'espoir de retrouver des survivants. La mer n'est qu'un vaste champ de cadavres flottants, à demi-gelés. Spectacle sinistre qui hantera longtemps la mémoire des équipages... À 9h00, les navires reprennent leur route.

 

Toujours le Lundi 15 Avril 1912, le Carpathia fait donc demi-tour pour revenir à New York déposer les rescapés. Vers 14h30, le télégraphe s'anime. C'est le R.M.S. Olympic, jumeau du Titanic, qui s'apprête à croiser la route du R.M.S. Carpathia et dont le commandant (le capitaine HADDOCK pour ceux qui l'aurait oublié) propose d'embarquer les rescapés à son bord afin que le Carpathia puisse poursuivre sa route. Arthur ROSTRON décline l'offre en arguant que les survivants du Titanic ne sont probablement pas psychologiquement en état d'embarquer sur un paquebot en tous points semblable à celui qui venait de couler sous leurs pieds. Avis plein de bon sens auquel HADDOCK se range, infléchissant sa route pour que les deux navires ne se croisent pas, même de loin...

Posté : 2012-05-21 19:15:56 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

À 1h20, l'évacuation s'accélère. Partent simultanément le canot n°10 à bâbord et le canot n°9 à tribord, tous deux de 65 places mais respectivement chargés de 45 et 34 personnes (LIGHTOLLER refuse toujours de laisser monter les hommes à bâbord).


Sphinx.


À 1h25, mouvement de panique à bâbord. Tout le monde (de toutes les classes) se presse autour du canot n°12. LIGHTOLLER ne parvient pas à contenir la foule, par ailleurs en grande partie dirigée là par ISMAY qui ratisse le plus de monde possible pour évacuer. Quand un homme force le passage pour embarquer, c'en est trop pour l'officier qui fait affaler le canot alors qu'il n'y a que 24 personnes à bord. Au même instant à tribord, un même mouvement de foule se produit autour du canot n°11, mais qui ne dégénère pas du fait que MURDOCH laisse embarquer tout le monde un temps soit peu que les femmes et les enfants passent d'abord. Alice CLEAVER, tenant le petit Trevor ALLISON avec elle, embarque ainsi, séparée de ses employeurs dans la première confusion. Finalement, le canot n°11 est affalé au même instant que le canot n°12 mais avec 58 personnes à son bord, presque plein.


Gold and Silver Waltz.


À 1h30, c'est le canot n°14 qui est affalé à bâbord. Le mouvement de foule du n°12 s'étant déplacé d'un bossoir, LIGHTOLLER n'a pas pu suivre et c'est le 5ème officier "junior" Harold LOWE avec le 6ème officier "junior" James MOODY qui se chargent de l'embarquement, sans pour autant se montrer plus clément envers la gente masculine que leur supérieur. Néanmoins, les deux officiers sont jetés dans le canot. MOODY parvient à s'extraire mais ne peut empêcher les gens de se jeter dans la chaloupe. Une femme manque de passer par-dessus bord. MOODY laisse passer une femme avec un châle... qui se révèle être un homme. Un autre monte en forçant le passage. MOODY ordonne alors d'affaler, LOWE n'ayant pas réussi à remonter sur le navire, il prend la direction de la chaloupe. Durant la descente, des passagers et des passagères sautent du pont directement dans le canot. LOWE dissuade ceux qui seraient tentés de les imiter de trois coups de revolver qui vont claquer sur le bossoir au-dessus de la foule. Fin du mouvement de panique. Le canot n°14 touche finalement l'eau avec 42 personnes à bord. Aucun passager ne fut tué par balle sur le Titanic, n'en déplaise aux différents films.


Maple Leaf Rag.


À 1h35 à tribord, deux canots sont affalés en même temps. Le n°13 et le n°15. L'évacuation s'accélérant, de plus en plus de passagers montent sur le pont et tentent d'atteindre les embarcations. MURDOCH décide de faire confiance à la galanterie de ces messieurs pour laisser passer ces dames. Lawrence BEESLEY est invité par une de ses amies à prendre place de le canot n°13, ce qu'il fait. Ce sont surtout des passagers de Seconde Classe qui montent à bord des deux canots. Frederick BARRETT, le chef mécanicien est chargé du canot n°13 et, le jugeant assez rempli avec 60 personnes, ordonne d'affaler. Moins d'une minute plus tard, c'est le canot n°15 à pleine charge (65 personnes) qui affale.

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Cette simultanéité empressée manque de provoquer un accident. Le canot n°13 peine à se dégager de ses cordages et dérive un peu vers l'arrière... juste sous le bossoir n°15 en train d'affaler son canot. Il faut toute l'énergie d'un cri de détresse pour alerter MURDOCH au milieu de la cohue qui règne sur le pont. Le canot n°15 est arrêté à moins d'un mètre au-dessus du n°13 qui parvient à se dégager de justesse avant que le canot n°15 ne touche l'eau. À tribord, tous les canots "Standard" de 65 places sont partis de même que le Canot de Secours de 40 places.

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À bâbord, le calme rétabli, l'embarquement du canot n°16 commence en même temps que celui des n° 13 et 15. LIGHTOLLER se montre toujours aussi intransigeant, aussi ce sont surtout des femmes de Troisième Classe qui embarquent. À 1h35, le canot n°16 est affalé avec 40 personnes pour 65 places... La gîte prise par le navire sur bâbord gêne un peu la descente, la chaloupe racle la coque et doit en être éloignée à coups de rames.


Spanish Dance op. 12 n°1.


À tribord, MURDOCH, ayant chargé tous ses canots, peste un temps sur ISMAY qui a fait partir le canot n°1 à vide, puis se dirige vers la proue qui commence à être immergée. En effet, il est temps de tenter quelque chose avec les canots pliables Engelhardt sur le toit de la passerelle. D'un type nouveau, le personnel de la White Star Line n'est pas formé à leur usage. C'est donc en tâtonnant que les officiers, ISMAY (toujours volontaire malgré les brimades) et quelques passagers se préparent à les mettre à l'eau. Déjà, il faut le faire descendre sur le pont. C'est chose faite pour le canot pliable C avec deux avirons en guise de rail. Le radeau est ensuite bossé comme-on-peut sur le bossoir du Canot de Secours n°1. En découvrant la bâche et en dépliant les bords, les marins ont la surprise de trouver quatre passagers de Troisième Classe qui s'y étaient réfugiés ! Sonnés par la descente un peu brutale, ils sont néanmoins indemnes et sont mis à contribution pour manœuvrer le bossoir. Tous les passagers alentours sont de la Troisième Classe, dont beaucoup d'enfants de moins de 12 ans. Le temps que les femmes et leurs enfants embarquent, les hommes sont allés s'affairer à bâbord emmenés par le second WILDE. MURDOCH est pour ainsi dire seul à la manœuvre avec un marin et ISMAY. Le radeau peut contenir 49 personnes, il est chargé de 42 passagers et hommes d'équipage. Au moment où la descente commence, le courage (à défaut du sang-froid) de Bruce ISMAY l'abandonne et il saute dans la chaloupe. Une fois le radeau à l'eau, le président de la White Star Line prit une rame et tourna le dos au Titanic. Il pleura durant tout le reste du naufrage, sans jamais plus oser regarder en arrière. Le canot C fut le dernier mis à la mer correctement à tribord, tandis que l'eau submerge définitivement la proue, accélérant de plus en plus l'inondation du navire et son naufrage, tout en se rapprochant de la passerelle où se trouvent les derniers canots.

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Du côté bâbord, LIGHTOLLER est toujours aussi revêche à laisser monter les hommes. Pourtant, il ne reste presque plus que ça sur le pont. Résultat, à 1h45, le Canot de Secours n°2 part sans être guère plus rempli que son collègue le n°1, avec seulement 18 personnes pour 40 places, dirigé par le 4ème officier "junior" Joseph BOXHALL. C'est alors qu'on se souvient du canot n°4, toujours suspendu à son bossoir avec 35 passagers à son bord depuis le début de l'évacuation... Il est finalement affalé à 1h55, une heure après son chargement. C'est alors que certaines personnes, ne voyant plus aucun canot sur le pont, décident de tenter leur chance à la nage. Quatre mécaniciens et deux passagers sautent ainsi à la mer et rejoignent avec succès le canot n°4 qui est alors le plus proche du Titanic.


Schön Rosmarin.


Charles LIGHTOLLER imite ensuite William MURDOCH et tente sa chance avec le canot pliable D. Usant du même système d'avirons en guise de rail et le bossant au bossoir n°2, il parvient à le charger correctement, toujours en ne laissant monter que des femmes et des enfants de Troisième Classe, et deux enfants de Seconde Classe : Michel et Edmond NAVRATIL, que leur père a placé aux bons soins des dames à bord tandis qu'il reste sur le navire. À 2h05, le canot D s'éloigne avec seulement 24 personnes à bord pour 49 places.


Canzonetta.


Mais l'eau monte, toujours plus vite. La proue est totalement sous l'eau, et la mer s'engouffre ainsi par toutes les ouvertures, créant des remous dangereux. À 2h10, SMITH relève les opérateurs BRIDE et PHILLIPS de leurs fonctions. Jack PHILLIPS se permet d'envoyer un dernier message, résigné, signalant l'arrêt de mort du Titanic aux autres navires venant à son secours : "Femmes et enfants à bord des chaloupes. Les derniers instants ne tarderont plus. Priez pour nous.".

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Sur le pont, le désespoir gagne les passagers encore sur le navire. Tous les canots sont partis. Le boulanger Charles JOUGHIN s'illustre. Passablement imbibé d'alcool (pour se tenir chaud) ingurgité au cours des nombreux aller-retours entre le pont et sa cabine jusqu'à ce que cette dernière soit inondée, il jette les transats et les meubles à la mer, radeaux flottants pour ceux qui veulent tenter leur chance dans les eaux glacés. Pour l'instant, ils ne sont pas nombreux. Trois de mieux se jettent à la mer et sont recueillis par le radeau D. Sur le pont, la plupart des hommes discutent, ayant refusé d'embarquer. John Jacob ASTOR parvient à faire rire le fumoir en commandant au bar (encore en service) un whisky sans iceberg. Benjamin GUGGENHEIM quant à lui a revêtu ses plus beaux atours, a aidé à l'embarquement des canots à tribord et attend désormais la mort dans le Grand Escalier avec son secrétaire Victor GIGLIO. Isidor STRAUS et Ida STRAUS sont vus enlacés sur un transat, Ida ayant refusé de quitter son mari. Une famille en perdition se mêle à cette sereine résignation. Les ALLISON. Bess ayant été prise de panique dès l'annonce du naufrage alors que Hudson allait au nouvelle, elle fut séparée d'Alice CLEAVER et de son fils Trevor dans la confusion. Alice a pu embarquer sur un canot, mais Bess et Hudson, ignorant le sort de leur enfant, ont refusé d'embarquer tant qu'ils ne l'auraient pas retrouvés. Ils se retrouvent donc coincés sur le Titanic avec la petite Loraine.


Gavotta des Baisers.


Sur le haut de la passerelle, on s'affaire toujours à essayer de bosser les deux derniers radeaux avant que l'eau ne monte. SMITH est passé donner ses derniers ordres : "Messieurs, le navire est perdu. Abandonnez le navire. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Mais surtout, soyez Britanniques !". Le 1er officier MURDOCH parvient malgré tout à bosser à peu près bien le canot pliable A au bossoir n°1, mais le 2nd officier LIGHTOLLER a moins de chance car le canot pliable B se retourne. Harold BRIDE et Jack PHILLIPS, après avoir dû se battre (et probablement tuer) un chauffeur tentant de leur voler un gilet de sauvetage dans leur cabine, sont désormais sur le pont. En compagnie d'Archibald GRACIE qui, bien que gentleman ayant laissé sa place dans les canots, est bien décidé à tenter sa chance, ils vont aider les officiers avec les radeaux.


A Waltz Dream.


C'est alors que le naufrage s'accélère véritablement. L'eau pénétrant par toutes les ouvertures, le Titanic prend soudainement une gîte importante sur l'avant-bâbord. L'eau rejoint les bossoirs. C'est à ce moment qu'un officier se serait suicidé par balle. Si c'est vrai, ce ne peut être que le commandant en second Henry WILDE, dernier officier supérieur à être armé et dont on n'ait plus de nouvelles par après. MURDOCH et le 6ème officier MOODY sont précipités à la mer et donnent leurs ordres d'en bas. Il faut couper les cordes qui retiennent le canot A au bossoir, et vite ! C'est fait, péniblement, le radeau est rempli d'eau jusqu'au banc de nage et 17 personnes parviennent à se hisser à bord et à s'éloigner du remous causés par le navire. Au passage, on tente de retrouver William MURDOCH et James MOODY... sans succès, probablement morts noyés aspirés par le paquebot. Charles LIGHTOLLER a plus de chance. Le canot B n'étant pas encore bossé, il part à la dérive, ventre à l'air. Les deux opérateurs radio, le 2nd officier et Archibald GRACIE parviennent à l'atteindre à la nage, de même que 24 autres personnes qui se tiennent en équilibre précaire sur ce radeau improvisé.

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C'est le début de la fin pour le Titanic. Il est environ 2h15. Toujours adossé au gymnase, le vaillant orchestre fait résonner un dernier hymne alors que la poupe commence à se soulever. Il ne s'agit pas du "Plus près de toi mon Dieu", certes approprié et donc joué dans les films, mais de "Songe d'Automne", pas du tout guilleret celui-là, il est vrai assez proche du "Nearer my God to Thee", et qui salue en quelque sorte la mort du géant des mers. Aucun des membres de l'orchestre ne s'en sortit vivant.
 

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À 2h17, Thomas ANDREWS est vu seul au fumoir, calé dans un fauteuil fixé au sol derrière une table qui l'est aussi, résigné à couler avec sa création. À 2h18, dans un claquement strident, les câbles de la première cheminée lâchent et le conduit de 12 mètres de haut s'affaisse dans la mer. À 2h19, la verrière de la coupole se brise, laissant entrer l'eau dans le Grand Escalier. À 2h24, les lumières clignotent une dernière fois puis s'éteignent, le naufrage passe de la lumière à l'ombre, la mer illuminée devient soudain lisse et noire comme l'ébène. À 2h30, l'eau a dépassé la troisième cheminée et la poupe est alors surélevée de 11° par rapport à la surface. Les passagers encore à bord tentent de s'agripper à ce qu'ils peuvent, réfugiés sur l'arrière du navire.

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À 2h33, un craquement se fait entendre. C'est tout. Les passagers ne voient rien sinon la quatrième cheminée s'affaisser. Seul BRIDE, sur le canot B, affirme que le navire vient de se briser, ce que dément LIGHTOLLER et le reste des témoins au grand complet. Pour eux, le Titanic coule d'un bloc, tout juste a-t-il versé sur bâbord à la fin. Pourtant, le navire s'est bel et bien coupé en deux derrière la troisième cheminée, mais pas de la façon spectaculaire vue par CAMERON (photo). En fait, par un effet de pression/contre-pression, sa partie basse serait restée solidaire suffisamment longtemps pour mettre la poupe à la verticale sans qu'il y ait affaissement, qui aurait été vu par les rescapés. La faille se serait d'ailleurs produite sous l'eau et non pas à plusieurs mètres au-dessus de la surface. Une fois la poupe à la verticale, la proue se serait détachée. (vidéo)

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À 2h36, la poupe, à son tour, s'enfonce dans les flots, entraînant avec elle ou précipitant à l'eau les quelques 1.400 personnes encore à bord, dont les cris déchirent la nuit. À 2h40, l'Union Jack de poupe disparaît de la surface des flots. Quelques minutes plus tard, après un voyage de 3.823 mètres à grande vitesse, qui arrache en grande partie les structures arrières, l'orgueilleux paquebot touche le fond de l'Océan Atlantique Nord, en deux parties séparées par environ trois cents mètres.

C'en est fini du R.M.S. Titanic.

Posté : 2012-05-09 11:06:43 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Lundi 15 Avril 1912.

À 0h20, ordre est donné aux machinistes d'éteindre les chaudières et d'en évacuer la pression, afin d'éviter tout risque d'explosion et de coup de grisou dû au choc thermique entre l'eau à -2°C et la salle des machines à +60°C... À 0h25, il en résulte l'expulsion brutale par les trois cheminées de toute la vapeur sous pression. Cette purge produit un sifflement sourd, fort et continu, bruit qui persistera jusqu'à 0h40. Les machinistes sont ensuite invités à se réfugié à l'arrière, dans la chaufferie n°1, protégée par les pompes placées à cet effet par ANDREWS, afin de maintenir un rendement minimal pour faire fonctionner la dynamo du Titanic afin d'alimenter le navire en électricité, ce qui aidera aux opérations de sauvetage et permettra surtout de continuer à émettre par T.S.F..

À partir de 0h10, les officiers commencent à bosser les canots de sauvetages. Le 1er officier William MURDOCH est chargé de l'embarquement à tribord (droite), tandis que le 2nd officier Charles LIGHTOLLER est chargé du côté bâbord (gauche). À 0h25, le commandant SMITH répète l'ordre de faire monter en priorité les femmes et les enfants. Il n'y a que 1.178 places à bord des canots pour 2.213 personnes à bord du paquebot.

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À 0h30, le commandant demande à l'orchestre de jouer quelque chose d'enjoué pour éviter la panique sur le pont des embarcations. Voilà donc les sept musiciens, armés de leurs violons, violoncelles et contrebasse, qui s'installent près du gymnase et commencent à jouer. Leur premier morceau est, selon les témoignages, "The Wedding Dance Waltz".

Note : Petit effort d'imagination cher lecteur. Vous vous imaginez en train de couler en musique ? C'était vraiment une autre époque...
 

 

Par ailleurs, l'évacuation commence lentement. En fait non, elle ne commence pas. Les passagers de Première Classe, les premiers prévenus et dont le pont donne directement sur le pont des embarcations, ne croient pas au naufrage. Seuls quelques hommes au fumoir sont bien forcés de constater que l'alcool ne se tient plus droit dans leurs verres et pour cause, le Titanic penche... Toujours de plus en plus vers l'avant, doucement, et cette fois-ci vers bâbord, du fait des opérations de pompage et des compartiments transversaux, la gîte se fait du côté opposé à la brèche. Mais rien qui ne se ressente vraiment du côté passager. Ceux-ci patientent dans le Grand Escalier ou dans le gymnase, aucun ne veut sortir par ce froid et surtout vu le bruit assourdissant provoqué par la purge des chaudières. L'ambiance est plutôt détendue, même si les stewards distribuent des gilets de sauvetage et que quelques hommes de confiance (Archibald GRACIE notamment) ont été mis au courant de la situation par SMITH, ANDREWS ou ISMAY. Certains passagers retournent même purement et simplement à leurs cabines, d'autres refusent d'en sortir au milieu de la nuit. Au gymnase, on voit même John Jacob ASTOR disséquer au couteau un gilet de sauvetage pour montrer à son épouse Madeleine comment c'est fait à l'intérieur...

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Les passagers de Seconde Classe sont aussi avertis, mais l'incrédulité ralentit également les préparatifs. Certains se dirigent tout de même vers le pont des embarcations et vont se mêler à la foule au gymnase, certains profitent même de l'occasion pour aller voir de leurs yeux le Grand Escalier et sa coupole. Quant aux passagers de Troisième Classe, eux, ils sont au courant que le bateau prend l'eau. Le quartier de l'équipage et les cabines à l'avant du Pont E et du Pont D commencent à être inondés. Cela étant, ils se groupent dans leur salon en attendant des instructions qui ne viennent pas. Entendons-nous bien, l'équipage ne les martyrise pas, ne les brime pas, ne les grillage pas, il les a tout simplement oubliés dans le désordre en cours. Les grilles qui devaient être ouvertes en cas d'urgence, celles qui permettent de rejoindre l'escalier avant de la Seconde Classe pour rejoindre le pont des embarcation, restent fermées, faute de personnel pensant à les ouvrir. Cela complique sévèrement l'accès aux ponts supérieurs mais sans le rendre impossible. Ainsi, de petits groupes de passagers empruntent l'escalier arrière, arrivent à la poupe et empruntent illégalement mais sans qu'on leur en tienne rigueur les couloirs des équipages pour parvenir finalement au Grand Escalier de Seconde Classe qui leur permet enfin d'arriver au pont. Cet exemple n'est pas suivi par les familles qui préfèrent attendre les consignes auprès de leurs enfants. Ce sont donc des immigrants solitaires des deux sexes qui parviennent sur le pont des embarcation et ce dès le début de l'évacuation.


Alexander's Ragtime Band.


Sur la passerelle, à 0h35, le commandant en second Henry WILDE repère un mât allumé sur tribord, à environ dix miles. Il s'agit du chalutier Samson, qui ne dispose pas de la T.S.F., pris dans les glaces et dont l'équipage est au repos. Néanmoins, SMITH décide de tirer les dix fusées du navire pour attirer l'attention. Il faut savoir qu'à l'époque, les fusées étaient blanches et servaient à tout : signaux entre navires d'une même compagnie, signalement d'un danger ou d'un obstacle, signalement de position, bref à faire signe sans pour autant que ce soit grave. SMITH ordonne également de tenter d'entrer en communication par télégraphe optique. À 0h40 l'évacuation commence enfin, les passagers sont invités à se rendre sur le pont tandis que le bruit des cheminées s'estompe et s'éteint. Alors que l'embarquement dans les canots commence, de la passerelle part la première fusée qui illumine le ciel et qui est acclamée par les passagers comme une fusée de feux d'artifices...

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À 0h45, LIGHTOLLER charge le premier canot à bâbord, le canot n°4. LIGHTOLLER applique strictement à la lettre les consignes du commandant. Un peu trop. Il ne laisse aucun homme monter. Le canot de 65 places accueille ainsi 35 personnes, dont 4 hommes d'équipage pour manœuvrer. À bord se trouve Madeleine ASTOR, enceinte. Son mari, qui était descendu pour l'installer, demande s'il peut l'accompagner au vu de "sa situation délicate". LIGHTOLLER le regarde de travers et John Jacob ASTOR n'insiste pas et sort du canot... La chaloupe est alors affalée mais, sur ordre de LIGHTOLLER, arrêtée au niveau du Pont A pour pouvoir embarquer des passagers de seconde et de Troisième Classe, qui sont invités à embarquer mais qui se rendent compte une fois sur place que le pont est vitré et qu'ils ne peuvent embarquer. Le temps que l'information remonte, les officiers s'occupent déjà des autres embarcations et le canot n°4 reste donc planté là, à trois mètres sous les bossoirs et à 25 mètres au-dessus des flots.

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À 0h45 toujours mais du côté tribord, MURDOCH fait également affaler son premier canot. Il s'agit du canot n°7. MURDOCH se montre plus souple avec les consignes concernant les hommes car il se heurte à un drôle de problème : les passagers, refusant toujours de croire au naufrage, ne veulent pas embarquer ! MURDOCH compense donc le manque en autorisant les hommes à monter une fois que les femmes ont embarqué. Malgré cela et malgré les consignes, le canot n°7 ne descend qu'avec 28 personnes à bord pour 65 places...

Valse Septembre.


À 0h55, une seconde fusée est tirée tandis que le canot n°6 est mis à l'eau à bâbord. 23 personnes à bord pour 65 places, dont quatre hommes d'équipage. LIGHTOLLER assurant le tri, les évacués ne sont que des femmes de Première Classe, dont Margaret BROWN. Parmi les marins, on compte le veilleur Frederick FLEET et le quartier-maître Robert HICHENS qui est bien décidé à garder la barre (on se rappelle pourtant que ça ne lui avait guère réussi une heure plus tôt...). Ne reste donc que trois rameurs seulement. Molly BROWN, alors que le canot descend, ordonne sèchement d'arrêter la descente et interpelle LIGHTOLLER (et SMITH à ses côtés) pour qu'il fasse monter un rameur en plus. C'est à ce moment qu'un passager italien de Troisième Classe, Philippo ZENNI, chute dans la chaloupe et s'y casse le bras, sans que l'on sache très bien s'il a sauté volontairement dedans où s'il est tombé en manœuvrant le bossoir lors de l'arrêt brutal intimé par Molly BROWN. Aux côtés du 2nd officier, le major PEUCHEN, yachtman, propose alors ses services. Notons que LIGHTOLLER lui avait sévèrement défendu l'accès au canot quelques minutes plus tôt. Alors que SMITH veut faire remonter le canot pour lui permettre d'embarquer, l'officier demande à PEUCHEN de faire ses preuves en descendant à la corde les huit mètres qui le sépare de l'embarcation. PEUCHEN ne se fait pas prier et y parvient... plantant là et sur le pont son ami (également yachtman) le banquier MOLSON qu'il avait invité sur le Titanic et qui, lui, n'a pas cherché à monter dans la chaloupe... Le canot n°6 touche finalement l'eau avec 25 personnes à bord.

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À 0h55 toujours, côté tribord, le canot n°5 est affalé. MURDOCH fait toujours face au refus des passagers d'embarquer. De même que pour le canot précédent, il fait monter les hommes mais malgré cela l'embarcation de 65 places n'est qu'à moitié remplie. Tous les rescapés sont de Première Classe à l'exception de deux hôtesses, placées de force par ISMAY (qui a pris le temps de passer un vêtement chaud par dessus son pyjama, puis de remettre sa robe de chambre, une écharpe et son chapeau...) qui s'en retourne aussi vite pour convaincre ses passagers de sauver leur vie. Le canot n°5 touche l'eau avec 36 personnes à bord seulement, dont huit membres d'équipage. C'est le 3ème officier "junior" Herbert PITMAN qui est chargé d'en prendre la direction.

Emperor Waltz.

William MURDOCH, s'embarrassant moins du tri homme/femme, gagne du temps et se montre plus efficace que Charles LIGHTOLLER, tant au nombre de passagers embarqués que sur la rapidité d'évacuation. Cinq minutes plus tard, à 1h00, le canot n°3 est affalé à tribord avec 40 personnes à bord pour 65 places.

Smoky Mokes.

 

Sur la passerelle, on s'interroge toujours sur l'absence de réponse du mystérieux navire aperçu au loin. Une troisième fusée est tirée. Ce manège ne passe cependant pas inaperçu. Le Californian, à 20 miles, s'il ne peut apercevoir les lumières du Titanic trop loin en voit néanmoins les fusées. Croyant que cela provient du navire qu'il aperçoit dans ses jumelles, le silencieux Samson, l'officier de quart tente de prendre contact par télégraphe optique sans succès. Il n'ose pas réveiller le radio mais réveille le capitaine, qui refuse de s'en inquiéter, interprétant les fusées comme un signal de compagnie pour l'arrêt au milieu des glaces et se rendort aussi sec.


Hunky Dory.

 

À 1h10, le canot n°8 est mis à l'eau à bâbord avec 28 personnes à bord pour 65 places. Que des femmes (dont la comtesse Lucy Noël Leslie Martha de Rothes [1878-1956]) à l'exception de quatre membres d'équipage, LIGHTOLLER se montre toujours aussi intransigeant. ISMAY se distingue lors de l'embarquement en voulant faire descendre le canot plus rapidement. Il s'empare d'un cordage et presse la manœuvre, s'attirant les foudres du 5ème officier "junior" Harold LOWE : "Nous ne pouvons pas aller plus vite ! Vous allez tous me les noyer ! Dégagez de là !". ISMAY, dans un sursaut de fierté, lui répond : "Savez-vous qui je suis ?" Ce qui lui vaut cette réplique pour le moins cinglante : "Un passager ! Et c'est mon poing sur la gueule si vous restez dans nos jambes !". ISMAY s'en va voir à tribord s'il y est... 


Granada.


 

Sur l'extrait de "Titanic" (1997) ci-dessous, on peut voir le canot n°8 à droite, celui au centre étant le n°6, sur lequel s'engage un vif débat entre HICHENS et Molly BROWN qui veut retourner embarquer plus de passagers alors que le matelot craint que trop de monde embarque et fasse chavirer la chaloupe ou que les remous du navire ne le fasse couler. Le canot se range à l'avis de HICHENS, qui servira néanmoins de bouc émissaire après coup...

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À 1h10 également, à tribord, le canot n°1 (Canot de Secours) est mis à l'eau. C'est ISMAY qui le fait partir tandis que MURDOCH s'affaire plus loin. Seuls quelques passagers se trouvant aux environs, il ne part qu'avec 12 personnes à bord pour 40 places ! Cela n'échappe pas à ANDREWS qui prévient le commandant. Haut-parleur au poing et depuis la passerelle, celui-ci intime l'ordre au canot de revenir, en vain...


Oh You ! Beautiful Doll !


À 1h15, l'eau commence à déborder sur le pont de proue, les passagers peuvent alors constater de visu que le paquebot est bel et bien en train de sombrer. L'eau commence à envahir les ponts intérieurs C et D, poussant hors du salon les passagers de Troisième Classe qui finissent alors par affluer en masse sur le pont par des moyens détournés, une grille étant même enfoncée au Pont B directement dans un couloir de Première Classe.

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Le commandant en second Henry WILDE, craignant un mouvement de panique, se décide à distribuer les armes du bord aux officiers. Il cherche les armes. Ne les trouve pas. Va demander à Charles LIGHTOLLER qui lui dit d'aller voir William MURDOCH qui lui répond qu'elle sont dans sa cabine. À 1h20, tous les officiers supérieurs du Titanic, à l'exception de SMITH, sont armés de revolvers chargés.

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Posté : 2012-05-08 17:44:20 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Les passagers n'ont pour ainsi dire absolument rien vu ni senti. Pourtant, le Titanic est frappé à mort. Les moteurs sont stoppés, ce que remarquent les passagers encore éveillés et le commandant SMITH qui rejoint en toute hâte la passerelle. Mis au courant de la situation, il envoie le 6ème officier "junior" MOODY évaluer les dégâts. Celui-ci descend à 23h45 et fait une inspection rapide à l'avant. Il a la confirmation d'une voie d'eau mais se convainc que les portes étanches sécurisent la situation. Il remonte rassurer le commandant qui, les yeux sur l'inclinomètre, n'est pas convaincu. Le navire accuse une gîte croissante vers l'avant ainsi qu'une légère inclinaison sur tribord (droite). SMITH renvoie MOODY aux nouvelles. À peine parti, ce dernier croise le chef mécanicien Frederick BARRETT, les vêtements pleins de charbon et trempé jusqu'aux genoux qui lui annonce que la Chaufferie n°6 est évacuée car elle prend l'eau. (les images sont tirées du film "Atlantique, latitude 41°" [1958])
 

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Cela va donc plus mal que prévu. L'architecte ANDREWS, qui a remarqué l'arrêt des moteurs et a été mis au courant de la situation, se joint au charpentier du bord pour une inspection approfondie. Il est 23h50. Les deux hommes ne peuvent que constater que la proue s'enfonce déjà de quatre mètres dans les flots, que la Chaufferie n°6 se remplit rapidement et que de l'eau commence à arriver dans la Chaufferie n°5 (il y a six chaufferies dans le Titanic, par numéros décroissants de la proue vers la poupe) en passant au-dessus des cloisons étanches... 
 

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Les deux ingénieurs se piquent de courage et continuent leur exploration jusqu'aux compartiments de coque, n'hésitant pas à se mouiller, pour constater que la brèche n'est pas réparable. En remontant, ils croisent le commis à la cale postale, l'air navré et lui aussi trempé, qui leur annonce que le compartiment du courrier, à l'avant du Pont F, est inondé. De retour sur la passerelle, ANDREWS entraîne le commandant vers sa cabine. Tandis que l'architecte enfile des vêtements secs, il expose la situation à SMITH. Le R.M.S. Titanic est condamné. Il va sombrer, dans une heure ou deux, l'inclinaison croissante vers l'avant provoquant un effet de vase communiquant entre les compartiments, les cloisons étanches et les pompes ne pourront que gagner du temps. Avec l'autorisation du vieux commandant, ANDREWS part superviser la mise en place des opérations de pompage pour conserver une chaufferie au sec le plus longtemps possible afin que le Titanic conserve ses possibilités électriques. Quant à SMITH, il retourne informer ses officiers, croisant au passage un ISMAY passablement intrigué, en robe de chambre. Les officiers savent ce qu'ils ont à faire. ISMAY ne dit rien et retourne à sa suite. La dernière consigne donnée par SMITH, au vu du manque de chaloupes, est "Les femmes et les enfants d'abord.".

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Il est alors 0h05, le Lundi 15 Avril 1912. Moins d'une demi-heure s'est écoulée depuis la collision. Edward SMITH pénètre dans la cabine des communications et demande au radio Jack PHILLIPS d'envoyer un message de détresse en donnant la position du navire, 41°46'N - 50°14'O et en décrivant les circonstances à qui voudra répondre.
 

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Le message de détresse alors en vigueur à la White Star Line (les messages ne sont pas encore internationaux) est le C.Q.D. : Come Quickly ! Danger ! (Venez Vite ! Danger !). À 0h15, sur la bande des 600 mètres, commence alors la longue plainte en morse du Titanic : _._.  _ _._  _.. (tatitati-tatatita-tatiti). Voici la teneur du message tel que capté par tous les opérateurs radio de l'Océan Atlantique Nord : "CQD ! Besoin d'assistance ! Notre position : 41°46'N - 50°14'O. Avons heurté iceberg.".

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Immédiatement des navires répondent, d'abord incrédules.

_Le R.M.S. Baltic, transatlantique de la White Star Line, tout d'abord, pourtant à 243 miles (450 kilomètres) à l'est. "Titanic ? Avez-vous fini avec Cape Race ?" Qui se fait répondre assez sèchement : "Nous coulons. Besoin d'assistance immédiate.". (télégramme) Le Baltic, trop loin, se charge de relayer le message aux navires alentours et joint ses plaintes à celles du Titanic.

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_Le S.S. Birma en deuxième, à 70 miles (130 kilomètres) au sud-ouest. "Quel est votre problème ?" PHILLIPS répond "OK ! Nous avons heurté un iceberg et coulons par l'avant. Dites à votre capitaine de venir." (télégramme). Le Birma se déroute immédiatement pour se porter au secours du Titanic mais il est loin.

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_Puis trois navires se signalent dans la même minute : le S.S. Virginian (170 miles, 315 kilomètres), photo du haut, qui est trop loin et relaie l'information ; le S.S. Frankfurt (153 miles, 285 kilomètres au sud-ouest), photo du centre, qui est très loin mais se déroute malgré tout ; et enfin un navire proche, le S.S. Mount Temple à 49 miles (90 kilomètres), photo du bas, au sud-ouest mais qui est hélas un vieux cargo, qui file péniblement 13 nœuds à pleine vitesse et qui ne compte pas arriver avant au moins cinq heures mais qui se déroute de toute la vitesse de son vénérable moteur.

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À 0h45, BRIDE lance, moitié à la plaisanterie ("C'est peut-être ta dernière occasion de l'utiliser !"), à PHILLIPS qu'il peut utiliser ce nouveau signal qui s'internationalise alors, plus simple d'emploi : S.O.S., Save Our Souls (Sauvez Nos Âmes). La T.S.F. du Titanic change alors de musique : ...  _ _ _  ... (tititi-tatata-tititi). La position est toujours donnée, mais est cette fois assortie d'un message désespéré : "CQD ! SOS ! Avons heurté un iceberg et coulons rapidement ! Besoin d'assistance immédiate !" (télégramme du haut). Puis un autre message lorsque les opérateurs apprennent que l'évacuation a commencé sur le pont : "SOS ! SOS ! CQD ! CQD ! Nous coulons rapidement. Passagers conduits aux chaloupes." (télégramme du bas). La position n'est plus spécifiée.

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Deux navires répondent.
_Le navire frère, le R.M.S. Olympic, celui qui avait vogué avec lui le 2 Avril lors des essais, qui a eu le temps de traverser l'Atlantique et qui vient juste de quitter Halifax. Le R.M.S. Olympic, à plus de 500 miles (930 kilomètres à l'ouest) ne peut absolument rien faire mais qui, sous l'impulsion de l'énergique capitaine James Herbert HADDOCK (véridique ^^) répond néanmoins à son jumeau "Poussons nos chaudières à fond ! Arrivons aussi vite que possible !" (télégramme du haut) et fait forcer la vapeur. Dans le même temps, il relaie l'information à Cape Race, qui transmet au continent nord-américain, qui prend donc connaissance des difficultés du Titanic pour ainsi dire en direct : "De l'Olympic. 23h, heure de New York. Le Titanic a envoyé un message de détresse. Avons répondu à son appel. Le Titanic a confirmé et donné sa position  41°46'N - 50°14'O et a dit "Avons heurté un iceberg". Nous sommes à 505 miles du Titanic." (télégramme du bas).

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_Enfin, le R.M.S. Carpathia, navire d'immigration de la Cunard Line en route pour la Mer Méditerranée, luxueux pour un navire de Troisième Classe, mais néanmoins vieux car il date de 1903. À 58 miles (107 kilomètres) au sud, il est avec le Mount Temple le navire le plus proche. Il est cependant plus rapide que le Mount Temple avec une vitesse de croisière de 15 nœuds. Faisant route à toute vapeur, il se détourne pour se porter à l'aide du navire en perdition mais ne compte pas arriver avant quatre heures.
 

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Tous les navires de l'Océan Atlantique Nord se portent à la rescousse du Titanic. Tous sauf deux. Dommage, ce sont les deux plus proches.
 

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Le S.S. Californian, cargo arrêté pour la nuit et cerné par les glaces, à 20 miles à peine (35 kilomètres) au nord du Titanic, mais dont l'unique opérateur radio et le commandant sont allés se coucher à 23h30 et n'entendent donc pas l'appel du paquebot.

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Entre les deux, à environ 10 miles au nord du Titanic (18 kilomètres) le chalutier norvégien Samson. Ne disposant pas de la T.S.F., lui aussi cerné par les glaces et avec un équipage réduit ne permettant pas de quart efficace, il n'a aucun moyen de savoir ce qui se passe sur le transatlantique, dont il aperçoit pourtant les lumières.

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Il est donc 0h45 à bord du R.M.S. Titanic. L'évacuation commence, mais l'espoir de sauver tous les passagers est inexistant, celui de voir arriver du secours à temps est très mince.

Posté : 2012-05-08 17:09:13 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Le ciel est dégagé mais la nuit n'est pas claire pour autant. C'est presque la nouvelle Lune, il fait sombre. Pas un souffle de vent ne vient agiter les flots, la mer est d'huile, presque parfaitement lisse. Cela rend d'autant plus difficile le repérage d'obstacles car aucune vague ne vient s'y briser en créant cette écume blanche si caractéristique et visible de loin. Pire, l'absence de vent ne permet pas à la brume thermique de se disperser. Cette brume se crée à la surface de l'eau à cause du choc de température entre l'air et l'eau, qui refuse de geler malgré les -15°C extérieurs et les -2°C de la mer.

Perchés dans le nid de pie du mât avant, les veilleurs LEE et FLEET tentent d'être attentifs. Mais ils ne disposent pas de jumelles, oubliées à quai à Southampton. Sur la passerelle, le 1er officier MURDOCH, le 4ème officier "junior" BOXHALL et le 6ème officier "junior" MOODY sont de quart. Le quartier-maître HICHENS est à la barre. Le commandant est parti se coucher vers 22h45, demandant qu'on le réveille s'il se passe quoi que ce soit. Dans la cabine radio, PHILLIPS et BRIDE tentent de rattraper le retard, pris à cause de la panne de la journée, dans les messages privés à envoyer. Le R.M.S. Titanic, illuminé de toutes ses lumières, file à 22,5 nœuds marins (41,7 km/h) dans ces eaux dangereuses.
 

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À 23h39, les veilleurs FLEET et LEE n'en croient pas leurs yeux. Surgissant de la brume, un monstre de glace de près de trente mètres de haut (aussi haut que le navire !) se dresse droit devant le Titanic, à un peu plus de 500 mètres. La brume, le calme plat et le manque de jumelles ont empêché de le voir avant. (La photographie montre l'iceberg "assassin", cliché pris le lendemain par un autre navire.)
 

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Lorsqu'on l'a retrouvé et identifié formellement deux semaines plus tard, il avait un peu diminué mais c'était bien lui, déchiré sur un flanc et portant des traces de peinture.
 

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C'est LEE qui voit le danger en premier mais c'est FLEET qui réagit. Trois coups de cloche résonnent sinistrement dans la nuit sur le navire endormi.
 

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BOXHALL, qui prenait l'air sur la passerelle extérieure (dans "Titanic" de CAMERON, c'est MURDOCH), cherche à savoir ce qui se passe. MURDOCH, qui, lui, dispose de jumelles, scrute l'horizon.
 

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C'est MOODY qui répond au téléphone qui communique avec la vigie. C'est plus un cri qu'une réponse qui lui parvient. "Iceberg ! Droit devant !" On dit même qu'il l'a eu en stéréo, l'obstacle étant tellement proche que BOXHALL et MURDOCH l'ont vu au même instant, hurlant la même alerte dans la passerelle.
 

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Tout se passe alors très vite, trop vite. Le 1er officier MURDOCH est le plus gradé, c'est à lui de prendre une décision. Plusieurs choix s'offrent à lui.

_Se dire que c'est trop tard et prendre le risque de frapper l'iceberg de plein fouet par la proue, comptant sur les quatre compartiments avant étanches pour assurer la flottabilité du navire, mais en prenant le risque de dommages structurels importants suite à un choc frontal d'un paquebot de 50.000 tonnes lancé à 42km/h.

_Tenter de l'éviter en tournant.

Il choisit la deuxième option, craignant (avec raison) que le navire ne résiste pas au choc frontal avec un tel monstre. Mais il commet une erreur lors de la manœuvre.

MURDOCH agit en moins de dix secondes. "Barre à droite, toute !" (Note : en navigation et selon la conception des navires de l'époque, cela revenait à faire virer le navire... à gauche, à bâbord.) Puis il fait stopper les moteurs. MOODY affirme qu'il a fait mettre les machines en arrière, mais les mécaniciens et les autres officiers disent qu'il a bel et bien réglé le transmetteur d'ordres sur "Stop". Ce qui est probable car faire marche arrière n'aurait servi à rien sinon à annuler la vitesse du navire et à l'empêcher de tourner, un officier de la qualité de MURDOCH en était conscient. Ceci fait, il actionne la fermeture des portes étanches. Depuis l'alerte, il s'est écoulé seulement 12 secondes. Durant encore 25 secondes, tous les officiers retiennent leur souffle.
 

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L'erreur de MURDOCH a été de faire stopper les machines. Le navire lutte maintenant contre sa propre inertie pour tourner, rendant la barre difficile à manœuvrer, ce que remarque à voix haute HICHENS qui pèse de tout son poids sur la barre. Brisé dans son élan, le Titanic tourne moins vite que si sa vitesse avait été constante. Mais de toute façon, son gouvernail est un peu court au vu de sa taille et de son poids, rendant hasardeux un virage d'urgence. Par ailleurs, le Titanic ne peut s'arrêter que sur trois fois sa longueur, il lui faut donc plus de 800 mètres pour s'immobiliser...
 

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Les secondes s'écoulent et semblent durer des heures. Le paquebot ne vire toujours pas, l'iceberg se rapproche rapidement. Alors que moins de 100 mètres séparent les deux géants, l'un de l'Homme et l'autre de la Nature, enfin la proue du Titanic semble vouloir tirer un peu à bâbord (à gauche). L'étrave s'éloigne de la glace. Lentement. Très lentement. Trop lentement. 37 secondes précisément après avoir été repéré, l'iceberg frappe le Titanic sur son flanc droit, des pans de glace tombant sur le pont. Il est 23h40, le Dimanche 14 Avril 1912. (L'image du dessus ci-dessous est extraite du téléfilm "Le Titanic" [1996])
 

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Petite scène de collision, extraite du film "Atlantique, latitude 41°" (1958), réalisé en partie grâce au témoignage oral de survivants venus eux-mêmes sur le plateau. Remarquez Frederick FLEET dans le nid de pie, celui qui cloche et qui appelle. Regardez maintenant "Titanic" (1997) de CAMERON. Faites attention au colonel GRACIE à qui Rose demande durant le naufrage s'il reste des canots et à qui elle met, sans écouter la réponse, un sacré vent. Bon, ben c'est le même acteur, Bernard FOX (1927- ), à quarante ans d'intervalle dans deux films sur le Titanic. Pas d'image, je n'en ai pas trouvé de satisfaisantes... Remarquez également la ressemblance de l'iceberg avec les photgraphies originales plus haut.
 



On a longtemps cru que l'iceberg avait raclé la coque du paquebot sur 100 mètres en la déchirant. Une telle brèche aurait englouti le navire en 20 minutes, portes étanches ou pas...
 

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On sait aujourd'hui qu'en réalité, l'iceberg a bel et bien raclé le Titanic sur 100 mètres mais sans déchirer la coque. Les tôles d'acier renforcé résistent bien au choc, choc qui par ailleurs n'est absolument pas ressenti. Seul HICHENS à la barre fait exception, du fait qu'il tient toute la superstructure du navire entre ses mains. Seuls quelques passagers de Troisième Classe sont réveillés par un bruit de tôle froissée. La faiblesse vient des rivets. Les fameux rivets dont une moitié a été faite en fer et non en acier par faute de temps. Les rivets en acier tiennent le choc, pas les rivets en fer. Ils cèdent, les uns après les autres sous l'impact. Les tôles ainsi désolidarisées laissent pénétrer l'eau, non par véritable perforation mais par écartement des plaques.
 

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Au total, la brèche dans la coque fait un peu plus d'un mètre au carré. Mais sous la pression de l'eau, ça fait quand même plusieurs milliers de litres qui se déversent chaque seconde dans les cales du Titanic. Mais surtout, la brèche s'étend au-delà du quatrième compartiment. Or, après celui-là, même s'il y a encore des portes étanches, les ponts ne le sont plus, ce qui permet à l'eau de se répandre par dessus les portes.
 

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MURDOCH fait rétablir la barre pour éviter que la poupe ne touche à son tour. Les passagers encore debout et sur le pont peuvent alors admirer l'iceberg frôler le Titanic. Comme aucune secousse n'ébranle le navire, personne ne s'inquiète. Sur la passerelle, l'ambiance est tendue. Le Titanic s'arrête finalement quelques centaines de mètres plus loin tandis que l'iceberg poursuit son bonhomme de chemin, porté par les courants. L'incident est relaté dans le journal de bord. Dimanche 14 Avril 1912, 23h40, le R.M.S. Titanic a heurté un iceberg par 41°46'N et 50°14'O.

 
Posté : 2012-05-08 15:24:08 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments

Le ciel est dégagé mais la nuit n'est pas claire pour autant. C'est presque la nouvelle Lune, il fait sombre. Pas un souffle de vent ne vient agiter les flots, la mer est d'huile, presque parfaitement lisse. Cela rend d'autant plus difficile le repérage d'obstacles car aucune vague ne vient s'y briser en créant cette écume blanche si caractéristique et visible de loin. Pire, l'absence de vent ne permet pas à la brume thermique de se disperser. Cette brume se crée à la surface de l'eau à cause du choc de température entre l'air et l'eau, qui refuse de geler malgré les -15°C extérieurs et les -2°C de la mer.

Perchés dans le nid de pie du mât avant, les veilleurs LEE et FLEET tentent d'être attentifs. Mais ils ne disposent pas de jumelles, oubliées à quai à Southampton. Sur la passerelle, le 1er officier MURDOCH, le 4ème officier "junior" BOXHALL et le 6ème officier "junior" MOODY sont de quart. Le quartier-maître HICHENS est à la barre. Le commandant est parti se coucher vers 22h45, demandant qu'on le réveille s'il se passe quoi que ce soit. Dans la cabine radio, PHILLIPS et BRIDE tentent de rattraper le retard, pris à cause de la panne de la journée, dans les messages privés à envoyer. Le R.M.S. Titanic, illuminé de toutes ses lumières, file à 22,5 nœuds marins (41,7 km/h) dans ces eaux dangereuses.
 

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À 23h39, les veilleurs FLEET et LEE n'en croient pas leurs yeux. Surgissant de la brume, un monstre de glace de près de trente mètres de haut (aussi haut que le navire !) se dresse droit devant le Titanic, à un peu plus de 500 mètres. La brume, le calme plat et le manque de jumelles ont empêché de le voir avant. (La photographie montre l'iceberg "assassin", cliché pris le lendemain par un autre navire.)
 

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Lorsqu'on l'a retrouvé et identifié formellement deux semaines plus tard, il avait un peu diminué mais c'était bien lui, déchiré sur un flanc et portant des traces de peinture.
 

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C'est LEE qui voit le danger en premier mais c'est FLEET qui réagit. Trois coups de cloche résonnent sinistrement dans la nuit sur le navire endormi.
 

Is-anyone-there-Yes-what-do-you-see-Iceberg.jpg
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BOXHALL, qui prenait l'air sur la passerelle extérieure (dans "Titanic" de CAMERON, c'est MURDOCH), cherche à savoir ce qui se passe. MURDOCH, qui, lui, dispose de jumelles, scrute l'horizon.
 

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C'est MOODY qui répond au téléphone qui communique avec la vigie. C'est plus un cri qu'une réponse qui lui parvient. "Iceberg ! Droit devant !" On dit même qu'il l'a eu en stéréo, l'obstacle étant tellement proche que BOXHALL et MURDOCH l'ont vu au même instant, hurlant la même alerte dans la passerelle.
 

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Tout se passe alors très vite, trop vite. Le 1er officier MURDOCH est le plus gradé, c'est à lui de prendre une décision. Plusieurs choix s'offrent à lui.

_Se dire que c'est trop tard et prendre le risque de frapper l'iceberg de plein fouet par la proue, comptant sur les quatre compartiments avant étanches pour assurer la flottabilité du navire, mais en prenant le risque de dommages structurels importants suite à un choc frontal d'un paquebot de 50.000 tonnes lancé à 42km/h.

_Tenter de l'éviter en tournant.

Il choisit la deuxième option, craignant (avec raison) que le navire ne résiste pas au choc frontal avec un tel monstre. Mais il commet une erreur lors de la manœuvre.

MURDOCH agit en moins de dix secondes. "Barre à droite, toute !" (Note : en navigation et selon la conception des navires de l'époque, cela revenait à faire virer le navire... à gauche, à bâbord.) Puis il fait stopper les moteurs. MOODY affirme qu'il a fait mettre les machines en arrière, mais les mécaniciens et les autres officiers disent qu'il a bel et bien réglé le transmetteur d'ordres sur "Stop". Ce qui est probable car faire marche arrière n'aurait servi à rien sinon à annuler la vitesse du navire et à l'empêcher de tourner, un officier de la qualité de MURDOCH en était conscient. Ceci fait, il actionne la fermeture des portes étanches. Depuis l'alerte, il s'est écoulé seulement 12 secondes. Durant encore 25 secondes, tous les officiers retiennent leur souffle.
 

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L'erreur de MURDOCH a été de faire stopper les machines. Le navire lutte maintenant contre sa propre inertie pour tourner, rendant la barre difficile à manœuvrer, ce que remarque à voix haute HICHENS qui pèse de tout son poids sur la barre. Brisé dans son élan, le Titanic tourne moins vite que si sa vitesse avait été constante. Mais de toute façon, son gouvernail est un peu court au vu de sa taille et de son poids, rendant hasardeux un virage d'urgence. Par ailleurs, le Titanic ne peut s'arrêter que sur trois fois sa longueur, il lui faut donc plus de 800 mètres pour s'immobiliser...
 

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Les secondes s'écoulent et semblent durer des heures. Le paquebot ne vire toujours pas, l'iceberg se rapproche rapidement. Alors que moins de 100 mètres séparent les deux géants, l'un de l'Homme et l'autre de la Nature, enfin la proue du Titanic semble vouloir tirer un peu à bâbord (à gauche). L'étrave s'éloigne de la glace. Lentement. Très lentement. Trop lentement. 37 secondes précisément après avoir été repéré, l'iceberg frappe le Titanic sur son flanc droit, des pans de glace tombant sur le pont. Il est 23h40, le Dimanche 14 Avril 1912. (L'image du dessus ci-dessous est extraite du téléfilm "Le Titanic" [1996])
 

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Petite scène de collision, extraite du film "Atlantique, latitude 41°" (1958), réalisé en partie grâce au témoignage oral de survivants venus eux-mêmes sur le plateau. Remarquez Frederick FLEET dans le nid de pie, celui qui cloche et qui appelle. Regardez maintenant "Titanic" (1997) de CAMERON. Faites attention au colonel GRACIE à qui Rose demande durant le naufrage s'il reste des canots et à qui elle met, sans écouter la réponse, un sacré vent. Bon, ben c'est le même acteur, Bernard FOX (1927- ), à quarante ans d'intervalle dans deux films sur le Titanic. Pas d'image, je n'en ai pas trouvé de satisfaisantes... Remarquez également la ressemblance de l'iceberg avec les photgraphies originales plus haut.
 



On a longtemps cru que l'iceberg avait raclé la coque du paquebot sur 100 mètres en la déchirant. Une telle brèche aurait englouti le navire en 20 minutes, portes étanches ou pas...
 

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On sait aujourd'hui qu'en réalité, l'iceberg a bel et bien raclé le Titanic sur 100 mètres mais sans déchirer la coque. Les tôles d'acier renforcé résistent bien au choc, choc qui par ailleurs n'est absolument pas ressenti. Seul HICHENS à la barre fait exception, du fait qu'il tient toute la superstructure du navire entre ses mains. Seuls quelques passagers de Troisième Classe sont réveillés par un bruit de tôle froissée. La faiblesse vient des rivets. Les fameux rivets dont une moitié a été faite en fer et non en acier par faute de temps. Les rivets en acier tiennent le choc, pas les rivets en fer. Ils cèdent, les uns après les autres sous l'impact. Les tôles ainsi désolidarisées laissent pénétrer l'eau, non par véritable perforation mais par écartement des plaques.
 

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Au total, la brèche dans la coque fait un peu plus d'un mètre au carré. Mais sous la pression de l'eau, ça fait quand même plusieurs milliers de litres qui se déversent chaque seconde dans les cales du Titanic. Mais surtout, la brèche s'étend au-delà du quatrième compartiment. Or, après celui-là, même s'il y a encore des portes étanches, les ponts ne le sont plus, ce qui permet à l'eau de se répandre par dessus les portes.
 

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MURDOCH fait rétablir la barre pour éviter que la poupe ne touche à son tour. Les passagers encore debout et sur le pont peuvent alors admirer l'iceberg frôler le Titanic. Comme aucune secousse n'ébranle le navire, personne ne s'inquiète. Sur la passerelle, l'ambiance est tendue. Le Titanic s'arrête finalement quelques centaines de mètres plus loin tandis que l'iceberg poursuit son bonhomme de chemin, porté par les courants. L'incident est relaté dans le journal de bord. Dimanche 14 Avril 1912, 23h40, le R.M.S. Titanic a heurté un iceberg par 41°46'N et 50°14'O.

 
Posté : 2012-05-08 15:24:08 par RÚmi Bouguet | avec 0 comments
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Rémi Bouguet

Né en 1991 à Tours, en France, Rémi Bouguet suit d'abord des études scientifiques au lycée avant de se tourner vers l'histoire à l'université. Arrivé au Québec en échange universitaire en 2010, il y reste pour effectuer sa maîtrise à l'Université Laval. Il travaille sur les Chemins du Roy de la rive sud.

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