Mot de passe oublié

Avril 1912 - Avril 2012 : Il y a cent ans... le R.M.S. Titanic. 11°) Dimanche 14 Avril 1912 : la collision.

Le ciel est dégagé mais la nuit n'est pas claire pour autant. C'est presque la nouvelle Lune, il fait sombre. Pas un souffle de vent ne vient agiter les flots, la mer est d'huile, presque parfaitement lisse. Cela rend d'autant plus difficile le repérage d'obstacles car aucune vague ne vient s'y briser en créant cette écume blanche si caractéristique et visible de loin. Pire, l'absence de vent ne permet pas à la brume thermique de se disperser. Cette brume se crée à la surface de l'eau à cause du choc de température entre l'air et l'eau, qui refuse de geler malgré les -15°C extérieurs et les -2°C de la mer.

Perchés dans le nid de pie du mât avant, les veilleurs LEE et FLEET tentent d'être attentifs. Mais ils ne disposent pas de jumelles, oubliées à quai à Southampton. Sur la passerelle, le 1er officier MURDOCH, le 4ème officier "junior" BOXHALL et le 6ème officier "junior" MOODY sont de quart. Le quartier-maître HICHENS est à la barre. Le commandant est parti se coucher vers 22h45, demandant qu'on le réveille s'il se passe quoi que ce soit. Dans la cabine radio, PHILLIPS et BRIDE tentent de rattraper le retard, pris à cause de la panne de la journée, dans les messages privés à envoyer. Le R.M.S. Titanic, illuminé de toutes ses lumières, file à 22,5 nœuds marins (41,7 km/h) dans ces eaux dangereuses.
 

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À 23h39, les veilleurs FLEET et LEE n'en croient pas leurs yeux. Surgissant de la brume, un monstre de glace de près de trente mètres de haut (aussi haut que le navire !) se dresse droit devant le Titanic, à un peu plus de 500 mètres. La brume, le calme plat et le manque de jumelles ont empêché de le voir avant. (La photographie montre l'iceberg "assassin", cliché pris le lendemain par un autre navire.)
 

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Lorsqu'on l'a retrouvé et identifié formellement deux semaines plus tard, il avait un peu diminué mais c'était bien lui, déchiré sur un flanc et portant des traces de peinture.
 

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C'est LEE qui voit le danger en premier mais c'est FLEET qui réagit. Trois coups de cloche résonnent sinistrement dans la nuit sur le navire endormi.
 

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BOXHALL, qui prenait l'air sur la passerelle extérieure (dans "Titanic" de CAMERON, c'est MURDOCH), cherche à savoir ce qui se passe. MURDOCH, qui, lui, dispose de jumelles, scrute l'horizon.
 

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C'est MOODY qui répond au téléphone qui communique avec la vigie. C'est plus un cri qu'une réponse qui lui parvient. "Iceberg ! Droit devant !" On dit même qu'il l'a eu en stéréo, l'obstacle étant tellement proche que BOXHALL et MURDOCH l'ont vu au même instant, hurlant la même alerte dans la passerelle.
 

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Tout se passe alors très vite, trop vite. Le 1er officier MURDOCH est le plus gradé, c'est à lui de prendre une décision. Plusieurs choix s'offrent à lui.

_Se dire que c'est trop tard et prendre le risque de frapper l'iceberg de plein fouet par la proue, comptant sur les quatre compartiments avant étanches pour assurer la flottabilité du navire, mais en prenant le risque de dommages structurels importants suite à un choc frontal d'un paquebot de 50.000 tonnes lancé à 42km/h.

_Tenter de l'éviter en tournant.

Il choisit la deuxième option, craignant (avec raison) que le navire ne résiste pas au choc frontal avec un tel monstre. Mais il commet une erreur lors de la manœuvre.

MURDOCH agit en moins de dix secondes. "Barre à droite, toute !" (Note : en navigation et selon la conception des navires de l'époque, cela revenait à faire virer le navire... à gauche, à bâbord.) Puis il fait stopper les moteurs. MOODY affirme qu'il a fait mettre les machines en arrière, mais les mécaniciens et les autres officiers disent qu'il a bel et bien réglé le transmetteur d'ordres sur "Stop". Ce qui est probable car faire marche arrière n'aurait servi à rien sinon à annuler la vitesse du navire et à l'empêcher de tourner, un officier de la qualité de MURDOCH en était conscient. Ceci fait, il actionne la fermeture des portes étanches. Depuis l'alerte, il s'est écoulé seulement 12 secondes. Durant encore 25 secondes, tous les officiers retiennent leur souffle.
 

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L'erreur de MURDOCH a été de faire stopper les machines. Le navire lutte maintenant contre sa propre inertie pour tourner, rendant la barre difficile à manœuvrer, ce que remarque à voix haute HICHENS qui pèse de tout son poids sur la barre. Brisé dans son élan, le Titanic tourne moins vite que si sa vitesse avait été constante. Mais de toute façon, son gouvernail est un peu court au vu de sa taille et de son poids, rendant hasardeux un virage d'urgence. Par ailleurs, le Titanic ne peut s'arrêter que sur trois fois sa longueur, il lui faut donc plus de 800 mètres pour s'immobiliser...
 

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Les secondes s'écoulent et semblent durer des heures. Le paquebot ne vire toujours pas, l'iceberg se rapproche rapidement. Alors que moins de 100 mètres séparent les deux géants, l'un de l'Homme et l'autre de la Nature, enfin la proue du Titanic semble vouloir tirer un peu à bâbord (à gauche). L'étrave s'éloigne de la glace. Lentement. Très lentement. Trop lentement. 37 secondes précisément après avoir été repéré, l'iceberg frappe le Titanic sur son flanc droit, des pans de glace tombant sur le pont. Il est 23h40, le Dimanche 14 Avril 1912. (L'image du dessus ci-dessous est extraite du téléfilm "Le Titanic" [1996])
 

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Petite scène de collision, extraite du film "Atlantique, latitude 41°" (1958), réalisé en partie grâce au témoignage oral de survivants venus eux-mêmes sur le plateau. Remarquez Frederick FLEET dans le nid de pie, celui qui cloche et qui appelle. Regardez maintenant "Titanic" (1997) de CAMERON. Faites attention au colonel GRACIE à qui Rose demande durant le naufrage s'il reste des canots et à qui elle met, sans écouter la réponse, un sacré vent. Bon, ben c'est le même acteur, Bernard FOX (1927- ), à quarante ans d'intervalle dans deux films sur le Titanic. Pas d'image, je n'en ai pas trouvé de satisfaisantes... Remarquez également la ressemblance de l'iceberg avec les photgraphies originales plus haut.
 



On a longtemps cru que l'iceberg avait raclé la coque du paquebot sur 100 mètres en la déchirant. Une telle brèche aurait englouti le navire en 20 minutes, portes étanches ou pas...
 

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On sait aujourd'hui qu'en réalité, l'iceberg a bel et bien raclé le Titanic sur 100 mètres mais sans déchirer la coque. Les tôles d'acier renforcé résistent bien au choc, choc qui par ailleurs n'est absolument pas ressenti. Seul HICHENS à la barre fait exception, du fait qu'il tient toute la superstructure du navire entre ses mains. Seuls quelques passagers de Troisième Classe sont réveillés par un bruit de tôle froissée. La faiblesse vient des rivets. Les fameux rivets dont une moitié a été faite en fer et non en acier par faute de temps. Les rivets en acier tiennent le choc, pas les rivets en fer. Ils cèdent, les uns après les autres sous l'impact. Les tôles ainsi désolidarisées laissent pénétrer l'eau, non par véritable perforation mais par écartement des plaques.
 

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Au total, la brèche dans la coque fait un peu plus d'un mètre au carré. Mais sous la pression de l'eau, ça fait quand même plusieurs milliers de litres qui se déversent chaque seconde dans les cales du Titanic. Mais surtout, la brèche s'étend au-delà du quatrième compartiment. Or, après celui-là, même s'il y a encore des portes étanches, les ponts ne le sont plus, ce qui permet à l'eau de se répandre par dessus les portes.
 

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MURDOCH fait rétablir la barre pour éviter que la poupe ne touche à son tour. Les passagers encore debout et sur le pont peuvent alors admirer l'iceberg frôler le Titanic. Comme aucune secousse n'ébranle le navire, personne ne s'inquiète. Sur la passerelle, l'ambiance est tendue. Le Titanic s'arrête finalement quelques centaines de mètres plus loin tandis que l'iceberg poursuit son bonhomme de chemin, porté par les courants. L'incident est relaté dans le journal de bord. Dimanche 14 Avril 1912, 23h40, le R.M.S. Titanic a heurté un iceberg par 41°46'N et 50°14'O.

 
Posté : 2012-05-08 15:24:08 par RÚmi Bouguet | avec 0 commentaires
Filed under: Séries, Titanic


Rémi Bouguet

Né en 1991 à Tours, en France, Rémi Bouguet suit d'abord des études scientifiques au lycée avant de se tourner vers l'histoire à l'université. Arrivé au Québec en échange universitaire en 2010, il y reste pour effectuer sa maîtrise à l'Université Laval. Il travaille sur les Chemins du Roy de la rive sud.

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