La White Star Line peine à se remettre du naufrage. En plus des sommes abyssales à verser à l'assurance, du remboursement des passagers, elle doit affronter une chute des ventes compréhensible et la mise en chantier de sa flotte pour correspondre aux nouvelles normes. Elle s'en sort pourtant. Le R.M.S. Olympic, qui n'attire plus personne, est profondément modifié, sa coque renforcée, son personnel changé, son nombre de canots triplé mais HADDOCK en garde le commandement, certain que ça va revenir. Ca revient en effet, mais après la guerre. L'Olympic a redoré son blason durant la guerre 14-18, a gagné son surnom de "Vieux Fidèle" et a suivi une brillante carrière.
Pourtant ça avait mal commencé dès sa mise à l'eau en 1911. En partant de Liverpool pour sa troisième traversée, il est heurté par le croiseur britannique H.M.S. (His Majesty Ship) Hawk (à droite).
Pendant la guerre, le jumeau du Titanic est peinturluré avec un beau camouflage digne d'une œuvre d'art et sert comme transport de troupes en Atlantique, transportant parfois jusqu'à 7.000 hommes d'un coup. Chacune de ses arrivée à Halifax est saluée par un triomphe et il devient l'un des navires les plus populaires au Canada.
Mieux, le 12 Mai 1918, il est menacé par le sous-marin allemand impérial Unterseeboot U-103 qui tente de le torpiller et de l'achever au canon. Plutôt que de fuir, comme sa vitesse le lui permettait, l'Olympic fait face à son adversaire et, usant de sa méthode favorite, le coule en le heurtant. Il reste à ce jour le seul navire marchand désarmé à avoir coulé un navire de guerre, qui plus est un sous-marin.
Il vient aussi plusieurs fois en aide à des navires en difficulté suite à des torpillages, qu'importe les risques. Sa gloire est faite. J'ai parlé de méthode favorite en citant la collision car l'Olympic a toujours eu une fâcheuse tendance à se heurter à d'autres navires... En 1924, c'est avec le S.S. Fort Saint-George. En 1929, il est secoué par un séisme sous-marin en pleine océan ! Il termine sa carrière en beauté en éperonnant et en coulant, en 1934, le bateau-feu LV-117 de l'Île de Nantuket...
En 1934, la Cunard et la White Star fusionnent et dégraissent. Les plus vieux navires sont envoyés à la casse. Photographie magnifique. Le dernier départ de Southampton du R.M.S. Olympic (à gauche) et du R.M.S. Mauretania (à droite), envoyés à la casse le même jour, en 1937... Sur le quai, un vieux capitaine de presque 70 ans les regarde partir en pleurant, Arthur ROSTRON.
La White Star Line a tout de même réussi à mettre à l'eau le Gigantic, troisième jumeau de la Classe Olympic. Renommé Britannic pour faire moins pompeux après le naufrage du Titanic, il sort des chantiers en 1914, sans inauguration et est immédiatement réquisitionné pour la guerre. C'est alors le navire le plus sûr de son temps, sept compartiments étanches, double coque, il est même encore plus luxueux que le Titanic bien qu'un peu moins grand.
Brièvement transport de troupes, il est transformé en navire hôpital en 1915. Le 12 Novembre 1916, au large de l'île de Kéa, en Grèce, une explosion interne secoue le H.M.H.S. (His Majesty Hospital Ship) Britannic.
Vraisemblablement, il transportait une cargaison de munitions malgré son statut de navire-hôpital... Le R.M.S. Lusitania de la Cunard, torpillé en 1915, était également illégalement chargé de munitions. Manque de bol pour le Lusitania, la torpille a frappé en plein dans les munitions, provoquant une deuxième explosion qui a ouvert une brèche gigantesque dans la coque et a englouti le navire en 18 minutes... Pour le Britannic, l'explosion (d'origine interne et encore indéterminée) a aussi causé des dégâts considérables mais il semble à la hauteur de sa réputation d’insubmersibilité. Il penche mais ne coule pas, ni ne chavire. Le personnel hospitalier est évacué (heureusement, le navire était à vide) et le commandant tente d'échouer le navire sur l'île, broyant au passage une chaloupe et ses 30 occupants qui n'avaient pas pu s'éloigner assez vite des hélices en marche. Non, ce qui a perdu le Britannic, c'est qu'en prévision de l'accueil des blessés, le navire était en pleine aération, tous les hublots ouverts. La gîte a fini par faire renter l'eau par les hublots, condamnant le navire qui coule par 100 mètres de fond.
L'épave sera localisée par le commandant Jacques-Yves COUSTEAU (1910-1997) en 1975.
L'épave du R.M.S. Titanic, quant à elle, est retrouvée en 1985 par Robert Duane BALLARD (1942- ).
Quartiers du commandant SMITH.
Restes du Grand Escalier.
Toute tentative de renflouement est vaine, déjà parce que c'est compliqué par la séparation de l'épave en deux, ensuite parce que le Titanic est attaqué par une bactérie, Titanicae Halmonas, qui s'agglutine en espèces de stalactites qui peuvent atteindre des tailles impressionnantes (oui, oui, c'est bien les concrétions bien visibles sur l'épave...), qui ronge l'acier et le transforme en poudre de rouille. Le navire perd 165 kilogrammes par an, d'ici cinquante ans il n'en restera plus grand chose. La bonne nouvelle, c'est que ça nettoie naturellement le fond des océans de toutes les cochonneries en métal que les humains ont pu y mettre, épaves ou déchets.
En 1963 est fondé la Titanic Historical Society qui tente de racheter les souvenirs et les objets remontés du Titanic ou à tout ce qui s'y rapporte.
Dans les années qui suivent le naufrage, à Halifax (Canada), à Belfast (Irlande), aux États-Unis et en Angleterre, des stèles, des statues, des plaques sont bâties pour rendre hommage aux victimes du Titanic. Aux hommes qui se sont sacrifiés pour les femmes et les enfants, pour les musiciens de l'orchestre, pour le commandant SMITH, pour les machinistes...
Monument en hommage aux musiciens de l'Orchestre du Titanic, à Southampton (Angleterre).
L'histoire du Titanic a profondément marqué les esprits. Il reste à ce jour une des plus grandes catastrophes maritimes de l'histoire, l'une des plus meurtrières. Bien sûr, il n'atteint pas les dix-mille morts des paquebots allemands coulés en Mer Baltique en 1945 à la fin de la guerre. Le nombre de passagers décédés est même battus dès 1914 par le naufrage de l'Empress of Irland face à Rimouski, au Québec, dans le fleuve Saint-Laurent. Mais tous ces chiffres rentrent dans les horreurs de la guerre, et surtout aucun de ces navires n'avait le prestige d'être le plus grand et le plus beau navire du monde. Témoin de la fin d'une époque, de la fin d'un monde, le Titanic passionne toujours autant un siècle plus tard. Il n'y a qu'à voir le chambardement pour son centenaire et les 2.213 fanatiques qui ont refait une traversée en suivant ses traces. C'est également le seul navire pour lequel les sirènes des navires sonnent en hommage chaque fois qu'ils passent dans la zone du naufrage. James CAMERON y a été pour beaucoup dans le renouveau de la légende en se croyant obligé de sortir un chef d’œuvre en 1997, qu'il ressort en 3D maintenant, pour faire bonne mesure.
"Hymn to the Sea" (1997), James HORNER (1953- ).
Ainsi s'achève ma série historique sur le R.M.S. Titanic. Jamais je n'ai dû écrire autant et aussi vite. Je ne recommencerai pas ça tous les ans, même si je suis satisfait de mon travail. J'espère que vous avez pris autant de plaisir à lire que moi à écrire. Je remercie encore une fois mes nombreux lecteurs de ces dernières semaines.