Mot de passe oublié

Avril 1912 - Avril 2012 : Il y a cent ans... le R.M.S. Titanic. 15°) Lundi 15 Avril 1912, le sauvetage.

Tout est terminé. Trois heures après avoir heurté l'iceberg, le R.M.S. Titanic a sombré au fond de l'Océan Atlantique Nord. Pour ceux qui n'ont pas coulé avec le navire, il faut maintenant survivre. Les cris des malheureux tombés à l'eau dans les dernières minutes du naufrage déchirent la nuit et parviennent jusqu'aux canots, regroupés à quelques centaines de mètres. À bord du canot n°6, un nouveau débat assez vif éclate entre Margaret BROWN qui veut retourner sur les lieux et le barreur Robert HICHENS qui ne veut pas. Une fois de plus, le canot se range du côté du quartier-maître. Sur le canot n°8, la comtesse de Rothes fait la même demande auprès du jeune matelot qualifié Thomas JONES, chargé de la chaloupe. Le jeune homme y accède mais ce sont alors les passagers du canot qui s'y opposent avec énergie et proposent plutôt de ramer vers une lumière aperçue au nord, celle du mystérieux chalutier Samson qui a assisté au naufrage sans le savoir. La comtesse et le jeune matelot entretiendront une relation épistolaire régulière durant le reste de leur vie.

 

Pourtant, les secours s'organisent. Les canots n°2 et 14 hissent leurs mâts et y accrochent des lanternes pour être vus. Un arrimage commun est réalisé entre les canots n°10, 12 et 14. Des passagers sont transférés du canot n°14 vers le n°12 afin que le 14 puisse retourner sur les lieux et aider les gens dans l'eau. Le canot n°14 porte alors assistance au canot pliable A, rempli d'eau jusqu'au banc de nage et dont trois occupants sont déjà morts d'hypothermie. Les corps sont abandonnés et le radeau laissé à la dérive. Le n°14 retourne alors porter les occupants du A au canot n°12 avant de revenir à vide sur les lieux du naufrage, 40 minutes après la catastrophe. Le mer est à -2°C et le temps de survie dans une eau à cette température n'excède pas 20 minutes. Lorsqu'il parvient sur place, le canot n°14 ne peut que constater qu'il arrive trop tard, naviguant dans un champ de cadavres gelés maintenus à la surface par leurs gilets de sauvetage (même le moniteur de sport Thomas McCAWLEY est retrouvé mort juché sur un transat, sans gilet car ça le gênait pour nager). Il ne peut plus alors que prendre le canot pliable D en remorque et l'arrimer avec le 12, le 10 et le 4 arrivé entretemps.

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Car de son côté, le canot n°4 est retourné rapidement sur les lieux et est parvenu à sortir sept personnes de l'eau, dont trois meurent de froid dans les minutes qui suivent. Il vient ensuite en aide au canot pliable B, retourné et dont les passagers se tiennent debout en équilibre sur la coque pour éviter de chavirer. Quelques uns sont déjà morts, dont le radio Jack PHILLIPS. D'autres sont en bonne santé comme le boulanger Charles JOUGHIN qui barbote joyeusement dans l'eau, l'alcool lui tenant chaud... Trois personnes embarque dans la canot n°4 mais l'équilibre devient trop instable et le radeau est finalement pris en remorque est arrimé avec les canots 10, 12, D et 14. Quelques personnes montent encore sur le canot n°12 (alors en surcharge avec 70 personnes) mais le 2nd officier Charles LIGHTOLLER, le radio Harold BRIDE et Archibald GRACIE restent sur leur coque de noix.

 

À peine tout ceci est-il fait qu'une fusée éclate au loin. Il est 3h20. Puis une autre, encore une autre, encore une. Les veilleurs du S.S. Californian, au loin, remarquent de nouveaux des fusées mais cela les conforte dans l'idée qu'il s'étaient faits quelques heures plus tôt, il s'agit d'un signal de compagnie et le radio n'est toujours pas réveillé. Pour les rescapés du Titanic, c'est l'espoir qui renaît. Des passagères brûlent leurs chapeau pour faire des signaux, tout le monde crie et tente de se faire repérer. Ces fusées sont celles du R.M.S. Carpathia, arrivé une heure trop tard, qui signale son approche. Pourtant, le vieux paquebot de la Cunard Line n'a pas ménagé sa peine. Le capitaine Arthur Henry ROSTRON (1869-1940), apprenant la détresse du Titanic, n'a pas regardé aux risque pour lui venir en aide. Consignant les passagers dans leurs cabines, libérant les ponts pour les rescapés, il a fait couper l'eau chaude et l'électricité afin que "chaque goutte de vapeur soit utilisée pour avancer plus vite". Soupapes de sécurité fermées, le vaillant navire prévu pour une vitesse de pointe de 15,5 nœuds pulvérise cette nuit son record de vitesse avec 17,5 nœuds. Tous les hommes d'équipage étaient sur le pont, armés de jumelles. Précaution utile, le Carpathia dû a contourner pas moins de huit icebergs sans ralentir l'allure cette nuit-là. À 3h30, les mâts du navire sont aperçus par les rescapés.

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Le premier canot à atteindre le Carpathia est le Canot n°2, à 4h10, qui a dérivé loin au sud faute de bras à la rame. En revanche, c'est lui qui attiré l'attention du navire en tirant des fusées de détresse vertes.

À 6h00, l'évacuation des autres canots commence. Tous les passagers montent à bord, les uns après les autres. Le canot n°7 et le canot n°5, arrimés, arrivent en premier. En descendent notamment deux français, l'aviateur Pierre MARÉCHAL et son ami Paul CHEVRÉ (1866-1914), le sculpteur de la statue de Samuel de Champlain et de celle de François-Xavier GARNEAU à Québec, et qui devait assister à l'inauguration du Château LAURIER à Ottawa avec Charles Melville HAYS mort sur le Titanic. Leur partie de bridge au fumoir a été interrompue et ils ont encore leurs cartes en poche. Hélas, l'un des membres du quatuor manque à l'appel, resté sur le navire... Les deux canots sont hissés à bord du Carpathia.

Le canot n°6 ensuite, où Molly BROWN, seule femme à la rame, se dispute toujours avec le major Arthur PEUCHEN et Robert HICHENS. Le canot est hissé à bord.

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Le canot n°3. Juste avant que le canot n'atteigne le Carpathia, un jeune garçon s'éveille à bord. La famille SPEDDEN y est réfugiée et leur fils Douglas a dormi pendant tout le naufrage, serrant Polar, son ours en peluche, dans les bras. Lorsque le petit Douglas, six ans et demi, ouvre les yeux, voyant la lumière de l'aube, il s'écrie "Regardez le beau Pôle Nord sans Père Noël dessus !" ce qui fait sourire les rescapés. Le jeune garçon monte ensuite l'échelle de coupée presque sans aide et est accueilli par le capitaine ROSTRON en personne. Son ours polaire reste dans le canot et il craint pendant un temps l'avoir perdu, ce qui ne plaît guère non plus à ses parents car il s'agissait d'une pièce unique artisanale, articulée et en poil véritable, fabriquée en Allemagne. La peluche est retrouvée lorsque le canot est hissé sur le navire. En 1913, Daisy SPEDDEN écrira pour son fils un conte sur le naufrage mettant en scène Polar. Le manuscrit, retrouvé en 1982, n'est publié qu'en 1994 et devient un livre à succès pour enfants : "Polar, l'ours du Titanic". Douglas SPEDDEN ne vivra pas jusqu'à l'âge adulte. En 1915, âgé de dix ans, il sera renversé par une automobile près de chez lui.

Les canots n°8, 1 (photo ci-dessous), 10 et 9 arrivent à leur tout et sont hissés à bord.

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Le canot n°12 en surcharge est à son tour hissé à bord.

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Puis le canot n°13, où se trouve Lawrence BEESLEY. Celui-ci décèdera en 1967 à 89 ans. À noter une tentative de suicide pour le moins originale... Demandé comme témoin historique sur le tournage du film "Atlantique, latitude 41°" en 1958, il tente, lors du tournage de la scène du naufrage du Titanic, de se faire oublier sur la grande maquette coulée pour l'occasion afin de s'y noyer ! Le canot n°15 arrive juste après. En revanche, seul le n°13 est hissé sur le Carpathia, le n°15 est laissé à la dérive.
Le canot n°11, avec Alice CLEAVER et Trevor ALLISON (qui mourra d'une intoxication alimentaire en 1929, âgé de dix-huit ans) est déchargé est laissé à la dérive, tandis que le canot n°16 est hissé à bord.

Le canot n°16.

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Arrive alors le canot n°14, prenant en remorque le canot pliable D. Le 14 est laissé à la dérive tandis que le radeau est hissé sur le bateau. Sur le canot D, les deux orphelins NAVRATIL sont vite devenus la coqueluche des femmes à bord, dont une seule parle français. Il apparaît, au dire du petit Michel, que la mère est à la maison et le père sur le Titanic... Leur situation est donc connue, mais en revanche les petits ne savent pas leur nom de famille ! À l'arrivée au Carpathia, Michel (l'aîné) veut escalader l'échelle de coupée tandis que son frère est hissé par un sac de toile. Mais l'enfant est trop petit pour l'échelle, au bout de trois essais, il voyage à son tour dans le sac de toile, ce qu'il trouve très insultant. À bord Arthur ROSTRON, ayant été mis au courant de la situation, décore Michel NAVRATIL de la Médaille du Courage, aucun des deux enfants ne montrant de faiblesse lors même que le désastre s'étale autour d'eux.

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C'est au tour du radeau C d'être secouru et embarqué. ISMAY en sort, est reconnu et conduit devant ROSTRON. L'air absent, il répète simplement "Je suis ISMAY...". Le médecin du bord lui donne un sédatif et lui prête sa cabine.

Enfin, le canot n°4 remorquant le radeau B retourné. Les deux canots sont laissés à la dérive. Le 2nd officier Charles LIGHTOLLER, l'officier le plus gradé à avoir survécu au naufrage, monte à bord en dernier et présente ses respects et la situation au capitaine ROSTRON.

 

Sur le pont du Carpathia, les rescapés s'organisent. Molly BROWN, gagnant son surnom de "Insubmersible Molly BROWN", s'occupe d'une bonne part des soins et des installations... des passagers de Seconde et Troisième Classe !

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Les autres navires commencent à arriver. C'est d'abord le vieux S.S. Mount Temple dont le moteur poussif est néanmoins parvenu à le faire avancer à 14 nœuds. Il arrive vers 6h15. L'évacuation étant déjà en cours, il est entendu que le Carpathia s'occupe des chaloupes pendant que les autres navires croiseront sur les lieux du naufrage à la recherche d'éventuels survivants.

À 7h10, c'est le S.S. Californian, enfin, qui rattrape le Carpathia et lui propose son assistance, ce que ROSTRON décline. Le radio du Californian, Cyril EVANS, réveillé vers 5h30, a finalement intercepté un message du S.S. Frankfurt annonçant le naufrage. Effrayé, le commandant Stanley LORD ne veut pas croire qu'il était aussi près et qu'ils n'ont rien fait. Il donne l'ordre de se diriger vers la dernière position connue du Titanic. Il faut néanmoins près d'une heure et quart pour que le Californian s'extraie du champ de glace qui le cernait. Moins d'une heure après, il est sur les lieux. Il aurait donc pu assister le Titanic dans ses derniers instants et sauver quelques vies supplémentaires...

Entre 7h25 et 8h00, le S.S. Birma et le S.S. Frankfurt arrivent à leur tour. Mais il n'y a plus d'espoir de retrouver des survivants. La mer n'est qu'un vaste champ de cadavres flottants, à demi-gelés. Spectacle sinistre qui hantera longtemps la mémoire des équipages... À 9h00, les navires reprennent leur route.

 

Toujours le Lundi 15 Avril 1912, le Carpathia fait donc demi-tour pour revenir à New York déposer les rescapés. Vers 14h30, le télégraphe s'anime. C'est le R.M.S. Olympic, jumeau du Titanic, qui s'apprête à croiser la route du R.M.S. Carpathia et dont le commandant (le capitaine HADDOCK pour ceux qui l'aurait oublié) propose d'embarquer les rescapés à son bord afin que le Carpathia puisse poursuivre sa route. Arthur ROSTRON décline l'offre en arguant que les survivants du Titanic ne sont probablement pas psychologiquement en état d'embarquer sur un paquebot en tous points semblable à celui qui venait de couler sous leurs pieds. Avis plein de bon sens auquel HADDOCK se range, infléchissant sa route pour que les deux navires ne se croisent pas, même de loin...

Posté : 2012-05-21 19:15:56 par RÚmi Bouguet | avec 0 commentaires
Filed under: Séries, Titanic


Rémi Bouguet

Né en 1991 à Tours, en France, Rémi Bouguet suit d'abord des études scientifiques au lycée avant de se tourner vers l'histoire à l'université. Arrivé au Québec en échange universitaire en 2010, il y reste pour effectuer sa maîtrise à l'Université Laval. Il travaille sur les Chemins du Roy de la rive sud.

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