La Cunard Line est la compagnie maritime qui tient le haut du pavé. Elle amorce réellement l'ère des géants des mers dès l'année 1906. Et modernes avec ça. Elle lance coup sur coup deux navires qui vont entrer dans la légende, deux sister-ship, bateaux jumeaux, le R.M.S. (Royal Mail Ship) Mauretania en Janvier 1906 et le R.M.S. Lusitania en Juin 1906. Leurs moteurs alimentés en carburant ET en charbon, leurs quatre hélices quadripales et une conception liant harmonieusement puissance et vitesse leur permettent de faire tomber tous les records de vitesse. Le Lusitania arrache le Ruban Bleu (record de vitesse lors de la traversée de l'Océan Atlantique) dès 1907. Le Mauretania lui prend à la fin de l'année 1907, le reconcède au Lusitania en 1908 et le récupère définitivement en 1909. Le Mauretania restera détenteur exclusif du Ruban Bleu jusqu'en 1929, longévité jamais égalée depuis. De plus, ces navires sont très luxueux et les billets s'arrachent. La traversée de l'Atlantique par paquebot devient, outre le moyen le plus rapide de passer d'un continent à l'autre, un moment de plaisir. La Cunard annonce également en 1909 la mise en chantier d'un petit frère, le R.M.S. Aquitania un peu moins grand que ses prédécesseurs mais plus gros et plus luxueux, prévu pour 1913.
Le R.M.S. Mauretania, de la Cunard Line, lancé en Janvier 1906, désarmé en 1937.
Le R.M.S. Lusitania, de la Cunard Line, lancé en Juin 1906, torpillé et coulé le 7 Mai 1915.
Le R.M.S. Aquitania, de la Cunard Line, lancé en Mai 1914, désarmé en 1950.
Pour contrer l'avantage pris par la Cunard, la compagnie maritime concurrente, l'Oceanic Steam Navigation Company plus communément appelée la White Star Line, décide à son tour de la mise en chantier de trois paquebots transatlantiques géants, plus grands encore que ses concurrents et si possible plus luxueux, quitte à ne pas regarder à la dépense. Sous l'impulsion de Joseph Bruce ISMAY (1862-1937), Président de la White Star Line, et sous le coup de crayon de l'ingénieur et architecte naval Thomas ANDREWS (1873-1912), décision est prise par la compagnie de créer la Classe Olympic, qui comprendra trois navires : le R.M.S. Olympic, le R.M.S. Titanic et le R.M.S. Gigantic.
Le premier à être mis en chantier est le R.M.S. Olympic en 1908. Mis à l'eau en 1909, il entre en service en 1910. Dès sa mise à l'eau, la construction du navire suivant, le R.M.S. Titanic, commence.
Le R.M.S. Olympic, de la White Star Line, lancé en 1910 et désarmé en 1937 (le même jour et au même endroit que le R.M.S. Mauretania), sister-ship du R.M.S. Titanic.
Le R.M.S. Titanic est construit dans les chantiers navals de Harland & Wolff, dirigés par le québécois Lord William James PIRRIE (1847-1924), sur Queen's Island à Belfast en Irlande (du Nord). Sa construction commence le 31 Mars 1909.
Ouvriers sur le chantier naval de Harland & Wolff, le Titanic est en construction à l'arrière-plan.
Le R.M.S. Titanic est voulu comme le paquebot le plus grand et le plus luxueux jamais construit, un mètre plus long et plus large que l'Olympic et près de trente mètres de plus que le Mauretania. Il mesure 269 mètres de long, 29 mètres de large, 30 mètres de haut (auxquels s'ajoutent les cheminées de 12 mètres de haut), il pèse 52.250 tonnes et jauge 46.328 tonneaux. Il peut transporter jusqu'à 3.500 passagers et membres d'équipage dans un luxe et un confort encore jamais vus y compris (et c'est nouveau) en Troisième Classe dans le but d'attirer plus de monde. Pour l'intérieur du bateau, voir les articles suivants.
Sa propulsion est assurée par vingt-neuf chaudières à charbon, consommant plus de 800 tonnes de charbon par jour à pleine vitesse, mais sans moteur auxiliaire à carburant comme les navires de la Cunard, ANDREWS n'étant pas certain de leur fiabilité sur un navire de cette taille. Ces chaudières alimentent :
_une machinerie mixte de quatre machines à vapeur à triple expansion actionnant les deux hélices latérales à trois pales.
_une turbine à basse pression, qui ne permet pas de renverser la vapeur pour faire marche arrière, actionnant l'hélice centrale à quatre pales.
_les dynamos de 400kW alimentant le navire en électricité.
Au total, les moteurs du Titanic développent 45.000 chevaux-moteur permettant d'atteindre une vitesse de croisière de 22 nœuds marins et une vitesse maximale de pointe de 24 nœuds marins. Rien qui ne puisse rivaliser avec les 68.000 chevaux-moteurs développés par les turbines du Mauretania et ses quatre hélices quadripales qui lui permettent d'atteindre les 25 nœuds marins en croisière et les 28 nœuds marins en pointe. Le Ruban Bleu ne sera pas pour la White Star Line, pas avec le Titanic, qui devra tout miser sur sa taille, son prestige et son luxe. ISMAY le sait et le fait qu'il ait fait pousser la vitesse du Titanic durant la traversée dans l'espoir de décrocher le record n'est qu'une légende.
Le Titanic est équipé de trois cheminées pour évacuer la fumée du charbon, une quatrième étant rajoutée au-dessus de la grille d'aération des chaufferies pour des raisons esthétiques.
Machine à vapeur à triple expansion de l'Olympic, semblable à celle du Titanic.
Hélices du Titanic.
Lors de l'ajout de l'hélice centrale, il a fallu amputer une partie du gouvernail, dans le respect des lois de la construction maritimes. Un gouvernail doit couvrir entre 1,5% et 5% de la surface de la coque en bas de la ligne de flottaison. Celui du Titanic ne couvre que 1,9% et se situe au bas de cette échelle. Il est établi qu'un gouvernail plus long facilite la manœuvre. Faute de fonds et de temps, ANDREWS se résigne à le laisser en l'état, le rallonger par l'arrière nuirait à l'esthétique et poserait des problèmes de solidité de l'ensemble.
Mise en place des hélices et du gouvernail du Titanic.
Un autre problème apparaît lors du rivetage de la coque. Celle-ci répond à des normes supérieures à celles en vigueur. C'est une coque en acier renforcé. La faiblesse vient bel et bien du rivetage. L'entreprise chargée de fondre les rivets en acier ne peut parvenir à suivre la cadence imposée par les chantiers navals. Comme les délais arrivent à terme et que ISMAY s'impatiente pour la mise à l'eau du navire, ANDREWS accepte finalement que les rivets non encore produits soient faits en fer et non acier, ce qui prend moins de temps de fabrication. Ainsi, un rivet sur deux du Titanic est en fer, répartis au hasard sur la coque lors du rivetage des tôles.
La coque est mise à l'eau le 31 Mai 1911, après une cérémonie officielle mais sans inauguration au champagne. En effet, Lord PIRRIE considère (avec raison) que trop d'incidents arrivent lors de ces inaugurations : bouteilles de champagne qui ne se cassent pas, bout de verre qui blesse quelqu'un, peinture écornée, etc... Or, ces incidents sont à l'origine de craintes et de superstitions qui entachent la réputation du navire avant même qu'il ne soit lancé. Donc, pas d'inauguration, mais une cérémonie festive autour du navire.
Mise à l'eau du Titanic, Vendredi 31 Mai 1911.