A Hair of the Dog: Irish drinking and American stereotype
de Richard Stivers (Pennsylvania State University Press, 1976)
La fête de la Saint-Patrick n'est pas loin derrière nous. Après avoir bu comme de vrais Irlandais, nous avons tous un peu du mal à nous y retrouver... D’où vient au juste le lien entre les Irlandais et l'alcool? Seriez-vous étonnés d'apprendre que les bars ont longtemps été fermés le jour de la Saint-Patrick en Irlande, même dans les années 1960? Est-ce vrai que les Irlandais ont une propension envers l'alcool?
Si ces questions vous intriguent, permettez moi de suggérer le livre A Hair of the Dog: Irish drinking and American stereotype de l'auteur Richard Stivers. J'ai eu la chance de lire ce fascinant bouquin lors de mes recherches doctorales. Malheureusement, l'ouvrage est plutôt difficile à trouver. Sa publication remonte à 1976. Il a été réédité qu'une seule fois par une petite maison d'édition. En général, nos professeurs nous encouragent à lire des ouvrages plus récents ; ceux-ci incorporent et commentent les recherches antérieures tout en profitant de l'évolution des méthodologies, etc. Cela dit, la question des Irlandais et l'alcool a été peu abordée depuis Stivers.
En gros, Stivers parcourt deux siècles d'histoire pour démontrer comment ce rapport a été utilisé à la fois pour et contre les Irlandais. Au début des années 1800, la consommation abusive d'alcool chez les classes populaires était généralisé tant en Irlande qu'en Écosse ou en Angleterre. Cela a favorisé l'émergence des mouvements de tempérance. Malgré des débuts prometteurs en Irlande, la tempérance n'a jamais eu autant de succès qu'en Grande-Bretagne. L'auteur avance plusieurs raisons pour expliquer cet échec, notamment des causes liées à la gestion des terres et à la faible industrialisation de l'Irlande. Quoi? Comment? Allez lire le livre, tout y est expliqué.
Du côté des États-Unis, la tempérance était perçue comme une initiative Protestante douteuse. Les immigrants irlandais fréquentaient les tavernes urbaines non seulement pour l'alcool, mais aussi parce qu'elles avaient des liens avec les employeurs. En gros, au milieu de XIXe siècle, il était vrai que les immigrants irlandais, souvent pauvres, buvaient plus que leurs compatriotes provenant d'autres ethnies. L'émergence de la caricature du "drunken Paddy" aux allures de singe violent n'a pas facilité leur intégration en Amérique. Certains groupes irlandais militaient contre ces stéréotypes.
Malgre tout cela, les Irlandais se sont intégrés dans leurs sociétés d'accueil. Cela a fait en sorte que le stéréotype de l'alcoolique dangereux s'est transformé en un stéréotype de bon-vivant et de joyeux fêtard. Puisque ce nouveau stéréotype positif leur permettait de se démarquer des masses américaines, les classes moyennes d'origine irlandaise se sont mises à boire avec fierté au tournant du XXe siècle. Et maintenant, nous sommes tous « Irish for a day » lors de la Saint-Patrick. Voilà une bonne occasion de lever nos verres et trinquer!