Annonçons la couleur dès le début, cet article sera le dernier de la longue (et passionnante j'espère) série historique sur le Titanic. J'entamerai par après quelques billets sur le raid canadien sur Dieppe en 1942, puis prendrai le train en marche et ferait un suivi des principaux évènements de la Guerre de 1812 (qui dure jusqu'en 1814, fait que les premiers articles ne seront pas en phase avec la chronologie, mais j'essaierai de poster les autres à la date anniversaire). Bonne lecture !
Nous allons y aller en remontant le fleuve Saint-Laurent, je n'ai pas trouvé grand chose (faute de temps à consacrer pleinement à ce blogue) pour le reste de la Confédération du Canada...
I Rimouski.
Le Site historique maritime de la Pointe-au-Père rend hommage aux victimes du R.M.S Titanic et du R.M.S. Empress of Ireland, coulé le 28 Mai 1914 au large de Rimouski, et présente notamment plusieurs objets issus des naufrages. C'est dans les environs de Rimouski que la plupart des navires faisaient appel à des pilotes des villages environnants pour naviguer dans le Saint-Laurent qui commence à se resserrer et présente en direction de Québec d'inquiétants hauts-fonds rocheux.
Quel rapport direct avec le Titanic ? Sur l'Empress of Ireland en 1914, il y avait un chauffeur (qui s'est illustré pendant le naufrage en parvenant à mettre un canot à l'eau puis en secourant les survivants), William CLARK. Deux ans auparavant, il survivait à un autre naufrage, celui du Titanic, où il remplissait la même fonction. Et le 7 Mai 1915, il est probable qu'il était aussi chauffeur sur le R.M.S. Lusitania lorsqu'il fut torpillé. Il travaillait alors sous le nom de Franck TONER pour éviter l'étiquette de porte-poisse...
Toute son histoire est racontée ici par monsieur Albéric GALLANT (du Site historique et maritime de la Pointe-au-Père) interviewé par Jean-Philippe PROULX pour Histoire-Canada.ca.
Le problème avec le Titanic, c'est qu'entre vérité et légende, même chez les survivants... En clair, si je crois vraisemblable les faits et gestes de William CLARK sur l'Empress of Ireland (coulé en quelques minutes, ce qui laisse peu de temps), j'ai franchement des doutes quant à ses dires pour le Titanic. Pour plusieurs raisons, notamment, que j'explique ici.
_William CLARK a été chauffeur sur le paquebot, c'est entendu. Entendu aussi qu'il soit resté à son poste jusqu'au bout et soit remonté sur le pont à l'ordre d'abandon du navire vers 01h55, alors que tous les canots étaient partis.
_À partir de là, deux hypothèses :
__Il a sauté à la mer, faisant partie des neuf premiers (dont quatre mécaniciens) à tenter l'expérience, et a donc été récupéré par le canot n°4 (et non le canot n°15, le seul à être parti à pleine charge) qui venait d'être affalé.
__Il est resté sur le Titanic jusqu'au bout, et a eu la chance d'être récupéré, là encore par le canot n°4 (nan, toujours pas le 15), le plus près du navire et le premier à revenir sur les lieux.
_Dans tous les cas, aucune chaudière du Titanic n'a explosé. Elles avaient été purgées et refroidies dès la première heure du naufrage. Je taxe donc ce brave homme d'exagération quant à son aventure. Qu'il ait été aspiré par le navire et qu'il ait eu des difficultés à remonter, je veux bien le croire. Je veux bien aussi envisager qu'une bulle d'air s'échappant des flancs du bateau l'ait aidé, mais ne me parlez d'explosion.
_Dans tous les cas également, il s'est trompé sur son numéro de canot. Il n'a pu être récupéré que par le n°4, mais il peut très bien s'être retrouvé sur le n°15 par après, lors de la réorganisation des chaloupes et de leur arrimage en attendant des secours.
II Québec.
Deux personnalités importantes sont à signaler pour Québec dans l'histoire du Titanic.
Lord William James, Baron et Vicomte PIRRIE (1847-1924), propriétaire des chantiers navals Harland & Wolff de Belfast où a été construit le Titanic, actionnaire important de la White Star Line et un des instigateurs du projet de la Classe Olympic. C'est également l'oncle de l'ingénieur qui a conçu le Titanic, Thomas ANDREWS, décédé dans la catastrophe. D'origine irlandaise, il est cependant né à Québec. Décédé d'une pneumonie lors d'un voyage en Amérique du Sud, il est rapatrié à Belfast par l'une de ses plus belles créations, le jumeau du Titanic, le R.M.S. Olympic.
Parmi les passagers, on trouvait aussi le sculpteur français canadianophile Paul CHEVRÉ (1866-1914). Il est l'auteur de plusieurs bustes de Sir Wilrid LAURIER (1841-1919) - Premier Ministre de la Confédération du Canada (1896-1911) - dont un sur lequel l'artiste travaillait coula dans le naufrage. Mais c'est surtout l'auteur de deux grandes statues qui ornent les environs de l'Hôtel du Parlement de Québec : celle d'Honoré MERCIER (1840-1894), Premier Ministre de la Province canadienne de Québec (1887-1891), réalisée en 1906, et celle de l'historien François-Xavier GARNEAU (1809-1866) réalisée en 1911. Mais sa plus célèbre reste cette qui trône sur la Terrasse Dufferin devant le Château Frontenac, l'imposant monument à Samuel de CHAMPLAIN (1567-1635) réalisée en 1896. Le soir du naufrage, Paul CHEVRÉ (qui voyageait en Première Classe, cabine A9) jouait au bridge avec l'aviateur Pierre MARÉCHAL, Lucien SMITH et Alfred OMONT. À l'annonce du péril, ils mettent leurs cartes dans leurs poches et se rendent sur le pont, où ils profitent du manque de femmes et de l'amabilité de l'officier MURDOCH pour embarquer à bord du canot n°7, à l'exception de Lucien SMITH parti chercher son épouse et qui périra dans le naufrage.
III Montréal.
C'est à Montréal que l'on trouve le plus de monuments en rapport avec le Titanic et son naufrage.
La White Star Line avait à l'époque ses bureaux dans l'édifice Canadian Imperial Bank of Commerce (CIBC), rue Saint-Jacques Ouest. C'est là que les familles inquiètes se sont d'abord rendues avant de prendre la route de New York ou d'Halifax.
Au 333 rue de la Commune, avec vue sur le Port, se trouve l'édifice Allan, siège de la Allan Company, compagnie navale propriétaire du S.S. Virginian, l'un des premiers navires au courant de la détresse du Titanic et qui a relayé le message, qui s'est donc rendu (en passant par Cap Race) jusqu'à Montréal. Le récepteur ayant un ami dans la presse, les journalistes montréalais sont les premiers mis au courant du naufrage et le suivent pour ainsi dire en temps réel. La Dépêche de Montréal du Lundi 15 Avril 1912 sera donc le premier quotidien du monde à publier sur la catastrophe, et ses informations seront reprises par plusieurs journaux américains.
En Première classe se trouvait le banquier Harry Markland MOLSON (1856-1912), l'un des plus importants de la ville et yachtman confirmé première photo). En Europe depuis plusieurs mois, il avait été convaincu par son ami (seconde photo) le lieutenant-colonel Arthur Godfrey PEUCHEN (1859-1929), également yachtman montréalais, de retarder son retour pour pouvoir voyager sur le Titanic. Si PEUCHEN survécut en descendant en rappel dans le canot n°6, MOLSON resta sur le pont et coula. Le Banque Molson était située au 228 rue Saint-Jacques Ouest.
Pour les passionnés de généalogie et du Régime seigneurial... Parmi les survivantes, traumatisées à vie bien qu'effectuant souvent le voyage Amérique-Europe pour affaire, on trouve Marie Josette Hélène CHAPUT-BAXTER de Lanaudière et sa fille Mary Hélène Suzette BAXTER (toutes deux ci-dessous en photo), qui résidaient dans ce qui est aujourd'hui le Baxter Block sur le Boulevard Saint-Laurent, propriété du banquier et courtier en diamant monréalais James BAXTER (décédé en 1905). Josette Hélène de Lanaudière descendait en droite ligne d'une influente famille seigneuriale, les Tardieu de Lanaudière, et d'une ancêtre glorieuse dans l'histoire des premiers colons, Madeleine de Verchères (1678-1747) dont on peut voir une statue sur le port de Verchères (Route 132). Quigg Edmond BAXTER (1887-1912), le fils de Hélène (deuxième photo) meurt dans le naufrage tandis que sa famille et sa bien aimée Berthe Antonine MAYNE (1887-1962), chanteuse de cabaret belge (troisième photo), échappent à la mort à bord du canot N°6.
Notons que la famille ALLISON, dont nous avons abondamment parlé en raison de son destin tragique (décès de la petite Loraine avec ses parents, la seule enfant de Première Classe à périr), bien qu'originaire de Toronto (Province canadienne d'Ontario) et y vivant la plupart du temps, possédait une maison au 464 Avenue Roslyn à Westmount.
Parmi les victimes qui endeuillèrent le plus la haute société canadienne... et l'économie, on compte Charles Melville HAYS (1856-1912), magnat du chemin de fer, propriétaire de la Compagnie de Chemin de Fer du Grand Tronc du Canada, qu'il avait sauvée de la faillite, canadianisée, redressée, modernisée et remise sur la voie d'un tracé transcontinental (au prix de plusieurs grèves qu'il mate de façon particulièrement répressive...). Il avait son siège dans l'édifice Gérald GODIN, au 360 rue McGill.
Le Cimetière Mont Royal accueille douze tombes de passagers morts sur le Titanic. Parmi elles, celle du banquier MOLSON (Section F-1) et celle de Charles HAYS (Section Pine Hill Side), retrouvé par le Minia en Avril 1912, et auprès de qui sont enterrées sa femme et sa fille. Le Cimetière Notre-Dame-des-Neiges accueille également sept tombes de victimes.
IV Ailleurs dans la Confédération du Canada.
À Ottawa, Province canadienne d'Ontario, le célébrissime Fairmont Hôtel Château Laurier devait être inauguré le 26 Avril 1912 en présence de Paul CHEVRÉ et de Charles Melville HAYS comme Président d'Honneur. Le décès de ce dernier fit que la cérémonie fut annulée... On raconte que le fantôme de HAYS revient hanter cet hôtel...
Et toujours à propos de Charles Melville HAYS, les villes de Melville (Province canadienne du Saskatchewan) et de Hays (Province canadienne d'Alberta) ont été nommées en son honneur.
Pour en savoir plus, vous pouvez vous procurer :
_Alan HUSTAK, Titanic : The Canadian Story, Montréal, Véhicule Press, 1998 (réédition en 2012).
_Titanic : The Canadian Story, L'Héritage canadien, DVD documentaire, 2012.