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Histoire au travail: Michel Allard

Histoire au travail: Michel Allard
Michel Allard à son bureau de travail (photo de la collection personnelle de Michel Allard)

Nom: Michel Allard

Employeur: Retraité de l’enseignement, mais toujours associé à l’UQAM

Localité: Sainte-Agathe-des-Monts

Emploi occupé: Historien et communicateur

Nombre d’années d’implication: 50 ans
 

Comment décririez-vous votre travail?

De 1962 à 2001, tout en faisant des études en pédagogie et en histoire qui m’ont conduit au doctorat, j’ai enseigné d’abord au primaire, puis l’histoire et d’autres matières au secondaire, par la suite j’ai enseigné l’histoire et la didactique de l’histoire dans des écoles de formation des maîtres (écoles normales). Enfin, en 1969, j’ai participé à la fondation de l’UQAM et, j’y ai enseigné l’histoire, la didactique de l’histoire et des sciences humaines ainsi que l’éducation muséale jusqu’en 2001, année de ma retraite. Depuis, je demeure professeur associé au département de didactique.

Depuis que j’ai pris ma retraite, je n’ai jamais autant travaillé, car, je collabore bénévolement avec différents organismes culturels de la région. J’ai occupé la présidence du Centre d’exposition de Val-David qui, en 2010, a remporté le prix du partenariat musée-école décerné conjointement par l’Association des musées canadiens et la Fédération canadienne des enseignants pour le projet « À part être » organisé en collaboration avec des artistes de la région, des élèves et des enseignants la Polyvalente des Monts de Ste-Agathe-des-Monts. J’ai aussi participé comme historien consultant à la mise sur pied de la première exposition permanente du musée du ski des Laurentides à qui, en 2012, a été décernée une Mention d’honneur au prix d'histoire du Gouverneur général pour l'excellence des programmes communautaires et, en 2010, le Prix communautaire de l’AQIP (Association québécoise pour l’interprétation du patrimoine) pour les efforts déployés pour préserver les ressources patrimoniales du milieu. À la télévision communautaire des Laurentides, j’ai tenu une chronique historique dans une série de 12 émissions portant sur les municipalités des Laurentides. J’écris régulièrement pour la Mémoire, le bulletin de la société historique des Pays-d’en-Haut des articles portant sur l’histoire des Laurentides. Avec des membres de cette dernière société, je dispense aux élèves de la polyvalente Norbert-Morin des cours qui portant sur l’histoire des Laurentides. Nous sommes aussi en train de préparer à leur intention un ouvrage sur l’histoire des Laurentides. Si on ajoute à ces activités que j’ai participé à la rédaction de plusieurs ouvrages portant entre autres sur l’histoire de l’enseignement de l’histoire nationale, sur mon ancêtre l’architecte Joseph Venne, sur l’histoire de l’éducation, sur l’éducation muséale et son histoire et que je présente des conférences sur ces sujets un peu partout à travers le Québec, le Canada et ailleurs dans le monde, vous comprendrez que je n’ai jamais autant travaillé. Mais par contre, je suis heureux de redonner à la société une partie de ce que j’ai reçu.

Que préférez-vous dans votre emploi?

Je suis et je demeure un passionné d’histoire et en particulier de notre histoire nationale. Toutefois, je crois que l’histoire doit être enseignée et communiquée d’une manière à la fois agréable et compréhensible. C’est pourquoi, tout au cours de ma carrière, je ne me suis pas contenté de faire des recherches en histoire, j’ai utilisé différents moyens de communication dont des conférences, des ouvrages, des articles de revues, des films, des CD, des sites internet, des émissions de télé et des expositions, etc. afin de répandre la connaissance de l’histoire. À mon avis, la connaissance de l’histoire est essentielle pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et nous amener à prendre librement des décisions éclairées, et critiques tant dans notre vie personnelle que dans notre implication sociale, politique et économique.

Quel est le défi le plus important rencontré dans l’exercice de votre profession?

Amoureux pour ne pas dire maniaque de l’histoire comme je le suis, je déplore que son enseignement se limite souvent à une nomenclature d’événements et de dates que l’on doit mémoriser ou encore consiste à raconter des « histoires » ou à vouloir embrigader les élèves pour une cause aussi noble soit elle. Inutile de vous dire que, dans ce contexte, l’enseignement de l’histoire est souvent considéré par la majorité des élèves comme une matière moralisante et ennuyante (« plate » comme on le dit fréquemment).

Si j’ai décidé de poursuivre des études en histoire c’est certes parce que j’aimais cette discipline, mais aussi parce que je voulais sinon réformer du moins améliorer son enseignement. En d’autres termes, je croyais et je crois encore que cette matière peut devenir des plus intéressantes si on sait comment la communiquer. C’était hier mon idéal de jeune enseignant et c’est encore aujourd’hui celui du professeur retraité qui n’a rien perdu de son enthousiasme et, je dirais de sa naïveté quant à l’enseignement de l’histoire.

Pour quelles raisons vous êtes-vous intéressé à l’histoire?

Pour de multiples raisons, d’abord le contexte familial s’y prêtait. Mon grand-père maternel et mes parents aimaient discuter et retracer les causes des événements contemporains. Inutile de vous mentionner les multiples discussions auxquelles j’ai assisté puis participé. J’ai très jeune attrapé la piqûre de l’histoire. Adolescent, j’ai eu la chance au début de la télévision de suivre les émissions de René Levesque , alors journaliste à l’émission Point de mire. Seul devant la caméra avec l’aide de cartes géographiques, d’une craie et d’un tableau noir, il expliquait les grands événements de l’heure. Au bout d’un certain temps, j’ai compris sa méthode. D’abord , cadrer le ou les événements en répondant aux questions : Qui, Que, Où, Quand puis tenter de répondre aux deux questions suivantes; comment cet événement est-il survenu? (niveau descriptif) et pourquoi est-il survenu (niveau explicatif)? Pour y répondre, Lévesque faisait appel à des témoignages et à des documents. Évidemment, il recourait toujours à la géographie et à l’histoire pour expliquer les événements. J’ai compris alors deux choses :

— le passé explique en partie le présent, mais encore faut-il savoir poser les bonnes questions;
— la façon de communiquer importe autant que le contenu.

Bref, vulgariser une explication n’est pas un défaut, mais une qualité pourvu que l’on ne tourne pas les coins ronds. Si l’historien a pour but de faire avancer la connaissance, il doit aussi la communiquer de façon à ce qu’elle soit comprise. Par la suite, j’ai rencontré au collège et à l’université des professeurs qui ont attisé mon engouement pour l’histoire.

Devenu professeur, j’ai toujours tenté dans mes cours de transmettre ma passion pour l’histoire. d’intéresser mes étudiantes et étudiants tout en leur faisant confiance et en les initiant à une pensée critique fondée sur leur liberté d’expression.

Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fière?

J’en compte deux principales. Primo, c’est d’avoir modestement contribué à former des étudiants qui exercent des professions variées. Certains enseignent à différents niveaux depuis le primaire jusqu’à l’universitaire; d’autres sont devenus des recherchistes, des bibliothécaires, des archivistes, des avocats, des administrateurs, ou encore ont décroché des postes dans le domaine du patrimoine, des musées voire de la construction, de l’industrie ou du commerce, etc., etc. J’ai constaté que l’étude de l’histoire ouvre la porte à des professions variées. Car, le raisonnement historique fondé sur des preuves documentaires (orales, écrites ou matérielles) s’applique partout et toujours. La réflexion précède l’action et c’est le fondement de la pensée de l’historien.

Secundo, je suis fier,d’œuvrer bénévolement auprès de nombreux organismes de ma région. Je rencontre des personnes qui, sans posséder toujours une connaissance académique de l’histoire, sont devenues des autodidactes passionnés, convaincus de l’importance de l’histoire dans la vie d’une société et animés par le désir de répandre la connaissance de l’histoire. Collaborer avec eux contribue à notre enrichissement réciproque.

Quel conseil donneriez-vous à un étudiant intéressé à exercer le même emploi que vous?

J’appartiens à cette génération des élèves des collèges et des séminaires dont les diplômés s’orientaient en majeure partie sinon en totalité vers la prêtrise ou les professions libérales en particulier la médecine, le droit, le notariat.

À la fin du cours classique, il était coutume de compléter une retraite fermée dite de décision qui durait cinq jours. De retour au séminaire, nous devions d’abord en présence du corps professoral puis devant l’ensemble de la communauté dévoiler notre choix de vocation. Cette cérémonie s’appelait « la prise de ruban ». Lorsqu’au retour de ladite retraite, j’annonçai que je me dirigeais à la faculté des lettres plus précisément en histoire, je remarquai quelques signes d’incrédulité sinon de désapprobation sur le visage de certains de mes professeurs. Quelques jours plus tard, je reçus une convocation de Mgr le recteur ( en 8 ans de séminaire, je n’avais jamais reçu une telle convocation quoique j’aie paradé, selon l’expression consacrée, quelques fois au bureau du directeur de discipline). Mgr le recteur me dit à peu près ceci; « Michel, je comprends que tu ne veuilles pas devenir un prêtre. Mais, pourquoi un jeune homme brillant comme toi se dirige-t-il en histoire? Tu serais bien mieux de t’orienter vers des professions plus honorables et plus payantes comme la médecine, le droit, le notariat, etc. ». Je lui répondis : « Mgr, j’aime l’histoire et je veux œuvrer dans un domaine où je serai heureux. ». Je n’ai jamais regretté ma décision. Il importe de faire ce qu’on aime et tout s’arrange. Durant toute ma vie, je n’ai jamais eu l’impression de travailler. Si on m’avait dit lorsque je me suis inscrit à la licence en histoire qu’à ma retraite, je serais devenu un concepteur et un réalisateur d’expositions historiques, je ne l’aurais sans doute jamais cru. Mais si, je l’aurais cru en partie, car l’histoire et sa communication sous toutes ses formes demeurent et demeureront ma passion. L’histoire mène à tout.

Donc, je dirais aux jeunes : après réflexion, faites ce que vous aimez et désirez. Si nécessaire, tenez votre bout envers et contre tous. Au surplus, n’hésitez pas à travailler bénévolement. À court ou à moyen terme, c’est vous qui en retirerez le plus de bénéfices.

 

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