Histoire au travail: David Gagné

David Gagné (Crédit photo : Nadia Lemelin)

Nom : David Gagné
Employeur : Ville de Lévis, direction de l’urbanisme et des arrondissements.
Localité : Lévis
Emploi occupé : Historien, conseiller en patrimoine
Nombre d’années d’implication : 12 ans (8 ans à l’emploi de la Ville de Lévis)

Quelle est votre description de tâche au travail?
Je suis à l’emploi du Service du patrimoine de la Ville de Lévis, qui se trouve sous la Direction de l’urbanisme et des arrondissements. Notre service est responsable de l’application des règlements en matière de protection du patrimoine, de l’aide financière et technique auprès des citoyens qui ont des projets de rénovation ou de restauration de leur résidence, de la toponymie, de l’archéologie ainsi que des comités chargés de protéger les différents patrimoines de Lévis.

Mes tâches ont bien évolué depuis les premiers mois de mon embauche au sein de la Ville de Lévis. Cette municipalité a joué d’audace en embauchant un historien à temps plein afin de collaborer à divers projets, principalement en urbanisme et en aménagement. Le premier mandat étant de prendre en charge le comité de toponymie, qui a la charge de nommer les rues, parcs et édifices municipaux. À titre d’historien, j’ai rapidement été intégré à plusieurs équipes de travail qui ont trait à la planification urbaine, la gestion de projets et autres dossiers de développement. Lévis est une ville riche en histoire et en patrimoine et il y a un souci de développer le milieu en harmonie avec ses racines. Depuis mon embauche, j’ai monté une banque de données qui regroupe près de 5000 photographies anciennes, des cartes et des plans ainsi que bien d’autres documents historiques utiles dans les projets de la ville.

Je réalise les recherches historiques pour de nombreux projets. Je peux documenter l’évolution d’une industrie qui demande l’appui de la municipalité; chercher dans les documents iconographiques le revêtement original d’une habitation pour un projet d’aide financière à la restauration; retrouver l’origine d’un nom de rue appelé à changer ou à être conservé; décrire l’évolution urbaine d’un secteur précis pour développer une nouvelle stratégie d’aide au commerce local; réaliser la caractérisation patrimoniale d’un immeuble pour justifier sa sauvegarde… Bref, il n’y a aucune journée qui se ressemble.

Ayant constaté certaines lacunes dans les outils d’aménagement de la ville, j’ai développé un plan de gestion du patrimoine archéologique. Le territoire lévisien possède un très fort potentiel archéologique, nous y retrouvons un grand nombre de sites amérindiens, dont certains figurent parmi les plus anciens au Québec. Notre plan est devenu un modèle à travers le Québec en matière d’aménagement sur des zones sensibles. Je collabore étroitement avec le département d’archéologie de l’Université Laval, le ministère de la Culture et le réseau Archéo-Québec (dont je suis administrateur) pour développer des stratégies auprès des municipalités québécoises qui vivent également cette réalité.

Avec une spécialisation dans les domaines de l’histoire maritime et industrielle, je suis appelé à collaborer étroitement avec l’un des plus importants sites historiques de Lévis, soit le LHNC du Chantier A.C. Davie, le chantier maritime ayant connu la plus longue histoire au pays. J’y collabore pour les recherches, le développement des contenus éducatifs, les enquêtes ethnologiques, la formation des guides, etc. Je collabore également avec de nombreux organismes et écoles sur notre territoire pour différents projets de mise en valeur du patrimoine et de l’histoire locale. Depuis 2010, j’assure la coordination du comité de démolition, qui voit à l’autorisation ou la sauvegarde de tous les bâtiments construits avant 1965 sur le territoire, qui constitue un ensemble d’environ 5000 bâtiments. Mes tâches sont donc très variées, à l’image des multiples réalités et responsabilités du monde municipal.

À l’extérieur de mon emploi à la Ville de Lévis, je suis également conférencier pour l’Université Laval et le Centre universitaire des Appalaches. Je collabore étroitement avec différents médias dont Radio-Canada, RDI, le Canal Historia, le Canal Évasion et autres dans le cadre d’émissions spécialisées et chroniques. Je rédige également des articles dans des publications spécialisées en histoire, en patrimoine et en urbanisme. En mai 2011, j’ai publié mon premier livre intitulé Lévis, au passage du temps, publié aux Éditions GID.

Que préférez-vous dans votre emploi?
Certainement la variété des projets. Un jour je me trouve dans les archives de l’époque du régime seigneurial, un autre je suis sur un chantier de fouilles archéologiques, plus tard j’accompagne un citoyen dans un projet de restauration de sa résidence. Le lendemain, je rencontre des élèves du primaire pour une activité pour mieux connaître leur milieu, puis je pars en rencontre à l’hôtel de ville pour convaincre les conseillers municipaux de protéger un bâtiment menacé de la démolition. J’apprécie également la proximité avec les gens, ceux qui vivent ou qui ont vécu l’histoire, comme les anciens travailleurs, vétérans, porteurs de tradition ou bien les simples citoyens qui ont vu leur milieu évoluer.

Quel est le défi le plus important rencontré dans l’exercice de votre profession?
La persévérance et la patience sont certainement les outils les plus importants pour travailler dans le domaine de l’histoire. Les emplois et les occasions ne pleuvent pas comme dans d’autres domaines d’emploi. Je me suis impliqué bénévolement dans de nombreuses organisations et projets afin d’établir mon réseau de contact, qui a mené à mon embauche à la Ville de Lévis. De plus, comme l’histoire a des répercussions à très long terme, il faut être très patient pour observer les résultats de notre implication dans un projet. Un petit tableau d’interprétation peut mener à la revitalisation d’un quartier entier plusieurs années après. Il s’agit de sensibiliser, de persévérer, puis les résultats sont parfois étonnants.

Pour quelles raisons vous êtes-vous intéressé à l’histoire?
Je m’intéresse à tout, un rien me passionne. Le « pourquoi » et le « comment » des choses me fascine. Enfant, je voulais faire tous les métiers : physicien, aviateur, gardien de phare, ambulancier, organiste, coureur automobile, biologiste, constructeur de téléphériques… Avec l’histoire, je touche à tous ces domaines. Mon métier me permet donc de toucher à mes passions, ou presque. Je découvre le côté humain d’événements qui se sont déroulé sous les pieds des citoyens que je côtoie quotidiennement.

Quel conseil donneriez-vous à un étudiant intéressé à exercer le même emploi que vous?
La formation en histoire mène à bien des domaines d’emploi. C’est l’inverse d’une formation spécialisée qui mène à un travail précis. À moins de vouloir oeuvrer comme travailleur autonome dans la recherche, les emplois comme historien ne tombent pas nécessairement dans les mains des diplômés. Or, tous mes collègues de baccalauréat occupent tous de bons emplois aujourd’hui, avec d’excellentes conditions. Durant les études et après avoir gradué, il faut savoir s’impliquer auprès des organismes pour tisser notre réseau de contact, s’impliquer dans différents événements comme bénévole pour prendre de l’expérience et rencontrer les gens. Ce n’est peut être pas rémunéré, monétairement parlant, mais c’est extrêmement payant par les rencontres que nous faisons. Il faut saisir toutes les occasions et les contrats qui nous sont offerts, même ceux qui ne nous semblent moins intéressants. On y prend de l’expérience, on nourrit son corpus de connaissance, et on bâtit notre crédibilité.

De plus, il existe une multitude de programmes d’embauche pour les étudiants et les diplômés. Pour ma part, j’ai été engagé à la ville par le biais du programme Villes et villages d’art et de patrimoine (VVAP). Ce dernier m’a permis d’acquérir de nouvelles connaissances par le biais de formations obligatoires. Comme bien d’autres programmes semblables, il s’agit d’une opportunité à saisir, plusieurs de mes collègues doivent leur embauche à ces types de programmes.

J’ai occupé plusieurs emplois avant d’arriver à la Ville de Lévis. Chacun m’ont permis de vivre de nouvelles expériences. J’y ai connu les gens qui m’ont ouvert la voie vers mon travail actuel. Rien ne se fait par magie, il faut tout simplement être tenace, aimer ce que l’on fait et ne pas avoir peur d’aller rencontrer les bonnes personnes. C’est le chemin qui m’a mené, ainsi que mes autres collègues d’étude, à occuper des emplois qui nous permettent de vivre l’histoire au quotidien.