Perceptions des pratiques sportives dans le Québec du siècle dernier
Élise Detellier ose s’attaquer à un sujet peu étudié jusqu’à présent dans l’historiographie québécoise. Elle analyse des textes tirés de publications médicales et religieuses afin de voir de quelle manière étaient perçus les sports au Québec entre 1920 et 1950. Elle fouille le sujet en l’approfondissant à travers le prisme du genre, de la religion et de l’appartenance ethnolinguistique.
Detellier montre que pour la période étudiée, les médecins et l’Église considéraient les sports comme un moyen permettant l’affermissement de la puissance nationale. Ils produisaient «des hommes en mesure de performer dans la société industrielle et amélioraient la forme physique des mères ». Le corps des hommes devait refléter une vigueur et une robustesse afin de mieux servir dans l’armée ou dans les industries alors que celui des femmes devait permettre des grossesses plus faciles et la venue de nouveaux-nés à la fois forts et vigoureux.
« Les médecins et l’Église s’entendaient pour dire que les sports devaient représenter un moyen d’améliorer le travail intellectuel et non une fin en soi… » On encourageait la pratique des sports pourvu qu’ils s’avèrent un bienfait pour l’esprit, permettent la croissance d’une âme supérieure et n’encouragent pas le culte du corps ou encore l’idolâtrie pour certaines vedettes sportives. Aussi, les sports permettaient aux jeunes hommes en particulier de se détourner des amusement clandestins ou des fréquentations douteuses.
Detellier montre les différences pouvant exister selon que l’on appartienne à un groupe linguistique ou à un autre. « Les sports rehaussaient l’estime de soi des Canadiens français et mettaient fin d’une certaine façon à la domination économique dont ils étaient victime. D’un autre côté, les femmes anglo-saxonnes étaient probablement davantage émancipées que les canadiennes-françaises en ce qui a trait à la pratique des sports et plus particulièrement les sports de compétition.
Les autorités cléricales et les médecins encourageaient les femmes à pratiquer des sports solitaires afin d’éviter qu’émerge une solidarité féminine menaçante pour la société patriarcale. De plus, les femmes devaient se limiter à pratiquer un nombre restreint de sports afin de ne pas compromettre leurs fonctions reproductrices. La grâce devait toujours primer sur la force. Dans un contexte ou les pratiques sportives étaient utilisées comme moyen de viriliser l’identité masculine, l’Église et les médecins craignaient qu’elles donnent le même résultat sur le corps et les comportements féminins, brouillant ainsi les différences sexuelles.
«“Bonifier le capital humain” : le genre dans le discours médical et religieux sur les sports au Québec, 1920-1950» est publié dans la Revue d’histoire de l’Amérique française en 2009. La même année, Élise Detellier recevait les Prix Guy et Lilianne Frégault et Hilda Neatby pour cet article.