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Mention de source : Part of the Abbey Ruins, at the Mackenzie King Estate in Gatineau Park. Reiver/Flickr

Gatineau en cadeau

Le fameux parc de la région de la Capitale fut le refuge préféré d’un ancien premier ministre. Par Lisa Keller

Je suis épuisée, mais aussi exaltée, après mon ascension jusqu’au lac Pink. « Ce n’est pas pour les débutants », me lance en riant mon compagnon, Greg Crevier.

Nous parcourons à vélo les chemins montagneux du parc de la Gatineau, une réserve naturelle jouissant d’un écosystème diversifié et d’une riche histoire. Le parc se trouve au confluent de la rivière des Outaouais et de la rivière Gatineau, à quinze minutes en voiture au nord de la Colline du Parlement.

Il y a plus de cent ans, William Lyon Mackenzie King, le dixième premier ministre du Canada, et celui qui a occupé ce poste le plus longtemps, sillonnait également le parc à vélo. Comment ne pas tomber amoureux de la région? Il acheta une grande partie du territoire et veilla à ce que le public puisse en admirer les beautés, et ce, pour les générations à venir.

Comme de nombreuses personnes à l’époque, King fuyait la grisaille de la capitale en prenant la route du parc. Même si Ottawa est aujourd’hui une ville propre, ses résidants aiment encore se rassembler dans ce parc afin de profiter de ses trésors, notamment du lac Pink.

On y découvre en fait que le lac Pink, ainsi nommé en l’honneur de la famille irlandaise qui s’y établit vers 1826, est d’un vert étonnant. Cependant, cette belle couleur est attribuable à un phénomène récent causé par l’eutrophisation. L’exploitation du lac à des fins récréatives a provoqué de l’érosion et alimenté le lac en nutriments qui ont contribué à une forte croissance d’algues. On tente aujourd’hui de remettre en état le lac Pink et de préserver ses caractéristiques uniques. Formé après la retraite des glaciers, il abrite l’épinoche à trois épines, un poisson d’eau salée qui, sur une période de plusieurs milliers d’années, s’est adapté aux eaux douces du lac. Les noms d’autres colons — Fortune, Meech, Lusk, Mousseau — ont également servi à nommer plusieurs endroits de ce parc.

On y a trouvé des vestiges d’habitations qui remontent à cinq mille ans. Au début du XVIIe siècle, les Algonquins y ont accueilli deux explorateurs français, Samuel de Champlain et Étienne Brûlé. Deux belvédères du parc portent aujourd’hui leur nom. Des coureurs des bois, attirés par le lucratif commerce des peaux de castor, les suivirent peu après, dont celui qui a donné son nom au parc, Nicholas de la Gatineau.

Nous enfourchons nos vélos et poursuivons notre route vers le nord-ouest, jusqu’à un panneau qui nous dirige vers le Domaine Mackenzie-King.

King tomba amoureux des beautés du parc et, en 1903, il acheta une petite parcelle de terre sur les berges du lac Kingsmere. Lorsqu’il prit le pouvoir en 1921, il continua d’acheter des terres et se retrouva avec une propriété de deux cent trente hectares, où il fit construire trois chalets d’été et une résidence permanente.

Nous traversons le portail blanc derrière un groupe d’enfants et foulons les pavés que King posa lui-même. En plus d’entretenir des centaines de kilomètres de sentiers dans le parc, la Commission de la capitale nationale propose des activités éducatives aux groupes d’écoliers : le parc se transforme alors en grande classe à ciel ouvert!

Nous nous promenons sans but précis, prenons le thé à la maison Moorside, où King recevait ses invités de marque, comme Winston Churchill et Charles Lindbergh. Nous admirons les jardins aux styles anglais et français et les ruines, reconstruites et entretenues avec amour. Au cours des dernières années de sa vie, King restaura une ancienne maison campagnarde sur son domaine et y passa ses derniers jours. Après sa mort, en 1950, son domaine fut légué au public canadien.

En quittant le domaine, nous nous dirigeons vers le belvédère Champlain, perché à trois cent trente-cinq mètres au-dessus du niveau de la mer, sur l’escarpement d’Eardley. Cet endroit unique, doté d’un microclimat sec et doux, forme une séparation naturelle entre le Bouclier canadien et les basses-terres du Saint-Laurent.

De nombreux visiteurs profitent de ce point de vue stupéfiant sur la vallée de l’Outaouais. Le parc accueille plus de 1,7 million de visiteurs par année, surtout l’automne, où l’on accourt de partout pour admirer les arbres du parc briller de mille feux. On peut d’ailleurs y trouver plus de cinquante essences!

Le lendemain matin, je décide de prendre la voiture et de longer une route sinueuse et étroite, sur le côté sud du lac Meech, ainsi nommé en l’honneur du révérend Asa Meech, qui est arrivé dans la région vers le milieu du XIX siècle.

À cette époque, l’exploitation minière et forestière battait son plein. Les grands pins blancs, très recherchés pour confectionner des mâts de bateaux, furent coupés et transportés sur la rivière des Outaouais et la rivière Gatineau, tout comme le minerai de fer, la molybdénite, le phosphate et le mica.

L’exploitation forestière s’intensifia pendant la Dépression, poussant un groupe d’écologistes à faire cesser la coupe dans les secteurs des lacs Meech et Kingsmere. Le gouvernement de King intervint en créant le parc de la Gatineau en 1938.

Je ne vois plus signe de cette coupe à blanc en parcourant le secteur, parsemé de maisons de toutes tailles et de tous budgets. De l’autre côté du lac se trouve l’ancienne maison d’été de Thomas « Carbide » Willson, qui fait partie de l’histoire industrielle locale à titre de producteur de carbure de calcium. Il fut également la première personne à Ottawa à posséder une voiture. Sa maison fut construite en 1907 et plus tard convertie en un centre de conférences du gouvernement. Elle est surtout connue pour avoir été le théâtre des pourparlers entourant l’accord du lac Meech.

En prenant l’autoroute encerclant le parc, je me rends à la plage Parent, au lac Philippe, en trente minutes. Cette partie nord-ouest du parc est moins fréquentée. Je profite de la table à pique-nique pour me restaurer avant d’entreprendre la randonnée de deux heures (cinq kilomètres) jusqu’à la caverne Lusk.

Je prends soin d’emporter deux lampes de poche et un imperméable pour visiter la caverne de marbre naturelle. À l’intérieur, je me déplace facilement et je ne crains pas de me perdre. D’autres explorateurs portent des casques de protection, ce qui m’incite à faire preuve de prudence dans mes déplacements dans cette caverne humide et mal éclairée.

En suivant les berges du lac, je reviens à ma voiture. Des campeurs se promènent en canot au son d’un huard, qui plonge sous sa surface lisse.

Nous sommes dans la cour arrière de la capitale du Canada !

Lisa Keller is an Ottawa freelance writer. This article originally appeared in a special Parcs Canada theme issue of Histoire Canada in October 2011.



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