Sophie Limoges: une passion pour l'archéologie qui fait des petits
Sophie Limoges - présidente du réseau Archéo-Québec et de directrice de la conservation et des programmes publics de Pointe-à-Callière / Photo Andrew Workman
Sophie Limoges, pour quelles raisons vous êtes-vous intéressée à l’archéologie ?
J'aime l'histoire depuis que je suis enfant. Quand j'étais petite, j'étais fascinée par ce que racontaient mes grands-parents. J’étais toujours celle qui allait s’asseoir avec les aînés pour les entendre parler de leurs souvenirs. Je me souviens d'une photo avec quatre générations de grands-pères. Je voulais tout savoir de l'histoire de mes ancêtres. Cette photographie et l’amour des voyages ont certainement été des déclencheurs importants dans le choix de ma carrière.
Après avoir entrepris des études en arts plastiques et en histoire de l’art, j’ai appris l’existence d’un programme en anthropologie (avec spécialisation en archéologie au niveau de la maîtrise) et j’ai bifurqué vers ce domaine qui m’a littéralement happée. Après des stages et une maîtrise portant sur la civilisation Mochica du Pérou, j’ai eu la chance de participer à plusieurs projets de recherche au Québec. Aujourd’hui, j’ai le bonheur de transmettre ma passion pour l’archéologie auprès du public à titre de présidente du réseau Archéo-Québec et de directrice de la conservation et des programmes publics de Pointe-à-Callière.
Dans l’esprit des gens, les sites archéologiques de valeur se trouvent en Grèce ou en Italie au cœur des vestiges des civilisations anciennes. Y-a-t-il des trésors au Québec dont les citoyens ignorent la valeur ou même l’existence ?
Il existe plusieurs sites d’une grande valeur pour notre histoire… bien qu’ils n’aient pas toujours la monumentalité des sites de la Grèce ou du Mexique, les sites archéologiques du Québec témoignent d’une aventure humaine plusieurs fois millénaire et souvent insoupçonnée. Nous avons ici une tradition archéologique qui nous a révélé des pages inédites de notre histoire, des pages fascinantes qui méritent une attention particulière.
En fait, l’archéologie au Québec cherche à lever le voile sur le passé des hommes, des femmes et des enfants qui ont contribué, sans le savoir, à la société actuelle. À travers les découvertes matérielles que sont les objets, les vestiges architecturaux et les données qui en découlent, les archéologues tentent de reconstituer des modes de vie.
Jusqu’à tout récemment, on avait tendance à commencer l’histoire du Québec avec l’arrivée de Jacques Cartier en 1534. Pourtant, l’archéologie nous atteste que la première occupation du territoire québécois remonte à plus de 12 000 ans. À cette époque, des groupes de chasseurs exploitant le caribou et autres ressources disponibles sont venus s’installer dans un territoire encore inoccupé. Le site le plus ancien, connu actuellement, au Québec se trouve dans la région du lac Mégantic dans les Cantons-de-l’Est.
L’archéologie nous apprend aussi que vers l’an 1000 de notre ère, des Norois (Vikings) explorent la côte atlantique, suivis vers la fin du 15e siècle par des explorateurs portugais, italiens, français et espagnols. Au 16e siècle, des pêcheurs basques remontent le Saint-Laurent et exploitent les ressources du Nouveau Monde, en particulier la morue, le loup-marin et la baleine.
Au début du 17e siècle, le peuplement européen s'amorce lentement. Au cours des dernières années, plusieurs sites majeurs de cette période ont été fouillés. Je pense notamment au site Cartier Roberval à Cap Rouge qui permet de documenter la première tentative de colonisation française en Amérique entre 1541-43. À Montréal, les archéologues ont mis au jour des vestiges du fort de Ville-Marie fondé par Maisonneuve, Jeanne Mance et leurs compagnons sur une pointe de terre que Champlain avait repérée en 1611 : la future « pointe à Callière » - le lieu de naissance de Montréal, aujourd’hui préservé par Pointe-à-Callière.
Autre exemple de grand chantier : Le Lieu Historique national du Canada des forts et châteaux Saint-Louis. Ce lieu qui pendant 200 ans (1620 et 1834), sous le Régime français puis anglais, sera la résidence officielle et siège du pouvoir des gouverneurs.
Après de nombreux conflits armés et la Conquête anglaise en 1760, les prochains siècles seront marqués par l'exploitation forestière, le développement du transport ferroviaire, routier et maritime, l'industrialisation et, enfin, l'urbanisation rapide du territoire. Tous ces événements ont laissé d'importantes traces dans le sol et dans les fonds marins québécois.
Comment se porte l’archéologie québécoise aujourd’hui?
L’archéologie québécoise se porte bien. Depuis les 40 dernières années, des programmes de formation de haut niveau sur l’archéologie québécoise se sont développés dans les universités formant ainsi une belle relève. Des programmes de recherche ont permis de mieux caractériser notre patrimoine archéologique et de mieux comprendre les occupations humaines de notre territoire. L’archéologie au Québec s’est également spécialisée (archéologie environnementale, archéométrie, etc). Des archéologues ont développé des compétences fort intéressantes dans différentes régions du Québec et les modes de conservation et de mise en valeur ont également progressés rendant ainsi ce patrimoine beaucoup plus accessible auprès de la population.
Le réseau Archéo-Québec est un exemple on ne peut plus probant du dynamisme des acteurs de l’archéologie québécoise.
Qu’est-ce que le Mois de l’archéologie et quelle est sa mission ?
Le Mois de l’archéologie est une initiative du réseau Archéo-Québec. Il s’agit d’un événement fédérateur qui réunit une centaine de partenaires qui mettent en commun leurs efforts pour offrir une programmation de grande qualité pendant tout le mois d’août.
Du 1er au 31 août, plus de 50 lieux attendent le public pour faire vivre l’archéologie en direct! Une formidable programmation est offerte aux quatre coins du Québec. Plusieurs des 94 activités sont offertes gratuitement et elles ont été conçues pour tous, autant pour les novices que pour les mordus d’archéologie.
Le Mois de l’archéologie offre une vitrine exceptionnelle aux projets de recherche et aux lieux de diffusion aux quatre coins du Québec, et, osons le croire, contribue à la protection du patrimoine archéologique et à une meilleure connaissance de l’occupation
humaine du territoire québécois.
Quelles sont les principales activités auxquelles pourra prendre part la population au cours de l’événement ?
Le Mois de l’archéologie offre 31 jours de découvertes à travers une pléiade d’activités offertes dans de multiples lieux archéologiques. Le public est convié à participer à des fouilles archéologiques, à visiter des chantiers archéologiques et des réserves où sont entreposées les collections, à entendre des chercheurs s’exprimer avec passion lors d’entretiens, à participer à des circuits et randonnées en plein air, à des jeux de découvertes, à des ateliers d’expérimentation, à des dégustations, à apprécier des expositions, etc. Ces activités offrent des occasions d’acquérir de nouvelles connaissances tout en profitant des paysages et espaces naturels et urbains.
Le Mois de l’archéologie offre des occasions de prendre contact avec le passé de notre territoire. Il permet également d’avoir accès aux fruits des plus récentes découvertes… des découvertes qui ne sont pas encore inscrites dans les livres d’histoires !
En terminant, Sophie Limoges, donnez-nous une bonne raison de participer à l’une ou l’autre des activités du Mois de l’archéologie ?
Le Mois de l’archéologie permet d’accéder aux coulisses de cette discipline – de rencontrer des archéologues, des spécialistes et des animateurs qui ne demandent qu’à partager leur passion avec le public. Il s’agit d’un événement unique au Canada qui permet la découverte de nos racines par des activités attrayantes et authentiques.
Pour connaître les détails de la programmation