Maggie Siggins a découvert l’histoire remarquable de Marie-Anne Lagimodière, la grand-mère maternelle de Louis Riel, alors qu’elle effectuait des recherches pour sa biographie à succès parue en 1997, Riel : Une vie de révolution. Sa source principale est une obscure publication de la Historical and Scientific Society of Manitoba, intitulée The First Canadian Woman in the Northwest, or the Story of Marie Anne Gaboury, Wife of John Baptiste Lajimoniere Who Arrived in the Northwest in 1807, and Died at St. Boniface at the Age of 96 years.
Maggie Siggins voulait décrire la personnalité de la grand-mère de Riel et, dans Marie-Anne, le lecteur découvre rapidement qu’elle était une véritable pionnière à l’esprit rebelle. L’auteure a réalisé plusieurs voyages, suivant de très près le chemin de portage emprunté par son héroïne au tournant du XIXe siècle, et qui lui a fait traverser le Québec, la vallée de la rivière Rouge et le Nord-Ouest.
En 1806, à l’âge de vingt-cinq ans, la belle bourgeoise Marie Anne Gaboury, sur le point d’être reléguée au rang des vieilles filles, rencontre Jean-Baptiste Lagimodière et tombe amoureuse de ce trappeur, vêtu des frustes vêtements de l’époque. Il était retourné dans son village natal du Québec et avait été invité à parler de ses aventures à l’école locale.
Après de courtes fréquentations et un extravagant mariage à la mode canadienne-française, Marie-Anne décida de suivre son mari vers l’Ouest, un voyage de 2800 kilomètres en canot. Cette décision choqua Lagimodière presque autant que sa propre famille.
Le dernier livre de Maggie Siggins est loin de la description linéaire de la vie des pionniers : il regorge d’anecdotes savoureuses et parfois amusantes. Par exemple, elle reprend la bénédiction du prêtre lors des mariages canadiens-français de cette époque, qui commence comme ceci : « N’oubliez pas que votre lit nuptial sera un jour votre lit mortuaire… »
Cette biographie, qui compte peu de sources primaires, propose de nombreux faits historiques bien connus, par exemple l’importance du castor, « l’or noir » des débuts du Canada, et de nombreuses descriptions des guerres tribales. Cependant, l’auteure offre au lecteur des petits bijoux qui redonnent vie à l’époque. Elle décrit avec force détails la vie d’un voyageur et comment la courageuse Marie-Anne survécut aux conditions de voyage pénibles du XIXe siècle.
À Fort Pembina, maintenant situé dans le Dakota du Nord, Marie-Anne découvre la chasse au bison. Elle apprend les langues crie et ojibwée, et est presque empoisonnée par la « femme de campagne » de son mari, une femme crie qui a vu naître ses enfants. Marie-Anne donna naissance à Reine, le premier de huit enfants, avec l’aide de sages-femmes autochtones. L’auteure donne au lecteur une bonne idée de l’époque en décrivant les jouets accrochés au berceau des enfants, notamment une tête de canard séchée et une mâchoire d’écureuil.
Dans ce riche mélange de personnages et de politique, il nous arrive de perdre Marie-Anne de vue. Maggie Siggins demeure vague lorsqu’elle explique que Louis Riel, qui aurait eu trente-quatre ans au moment du décès de Marie-Anne, était « un de ses petits-fils préférés ». L’auteure ne propose aucune analyse de leur relation et ne nous permet pas de saisir la nature de leurs liens. La mère de Riel, Julie, est à peine mentionnée.
Maggie Siggins aurait pu ajouter quelques détails fascinants, notamment cette histoire bien connue de Marie-Anne qui assista à une nuit d’ivrognerie à Fort William, un événement qui a sans doute influé sur la position adoptée par Louis Riel contre l’alcool.
Sous la plume colorée de Maggie Siggins, Marie-Anne reste un dérivé passionnant de Riel et une lecture fort intéressante sur une aventurière et pionnière canadienne du XIXe siècle.
— Anne Cimon (Lire la biographie)
Rédacteur pigiste à Montréal. Son dernier livre est la biographie de Susanna Moodie: Pioneer Author.